20 ans après "l'exubérance irrationnelle", Greenspan s'inquiète d'un krach obligataire

L'ex-patron de la Fed est revenu sur son pronostic (trop prématuré) de la bulle sur les actions à la fin des années 90. Aujourd'hui, c'est la bulle du marché des emprunts d'Etat qui le préoccupe.
Delphine Cuny
"Si on devait m'évaluer sur ma prédiction de l'exubérance irrationnelle, j'aurais une note passable" a déclaré Alan Greenspan.

Il y a tout juste 20 ans, le 5 décembre 1996, Alan Greenspan, alors président de la Fed, prononçait un discours mettant en garde contre la surévaluation des marchés d'actions, résumée dans une formule restée célèbre, "l'exubérance irrationnelle". Il s'avéra avoir tort, du moins à court terme : les marchés ont continué de grimper de record en record pendant plus de trois ans jusqu'à l'explosion de la "bulle Internet" à partir de mars 2000. Aujourd'hui, il reconnaît en partie son erreur.

"Si l'on devait m'évaluer sur ma prévision de l'exubérance irrationnelle, j'obtiendrais une note passable [un "C" dans le système américain, ndlr]" déclare Alan Greenspan dans un entretien au Wall Street Journal publié ce lundi. "Mais sur le plan de l'analyse, je décrivais un processus qui me semblait très préoccupant".

extrait speech exubérance

[Extrait du discours d'Alan Greenspan du 5/12/1996]

Cette expression, qui lui était venue dans son bain en préparant son discours, avait été choisie à dessein pour frapper les esprits. Sans réel effet sur les investisseurs et les marchés. Mais elle est devenue extrêmement populaire, bien au-delà des cercles financiers, résumant parfaitement toutes sortes de bulle, y compris celle de l'immobilier lors de la crise des subprimes en 2008. Alan Greenspan n'était alors plus à la tête de la Fed, qu'il a dirigée de 1987 à 2006.

Une bulle obligataire ou la "grande rotation" ?

Aujourd'hui, âgé de 90 ans, celui que l'on surnommait "le maestro" et qui a toujours sa propre société de conseil en investissement, Greenspan Associates, à Washington, ne s'inquiète plus de la valorisation des marchés actions mais de celle des marchés obligataires. La crainte d'une bulle obligataire, et donc d'un krach à venir, s'est mise à poindre depuis plusieurs mois.

"L'important ce n'est pas le S&P 500 [le principal indice de la Bourse de New York, ndlr], estime Greenspan. Ce sont l'emprunt à 10 ans [du Trésor américain] et les bons à 30 ans qui comptent. La seule chose qui est vraiment hors des clous c'est le multiple de valorisation du marché obligataire. Et ce n'est pas un facteur insignifiant".

Déjà, en septembre, il avait confié à l'agence Bloomberg que le marché haussier sur les obligations n'était pas tenable.

Mais depuis l'élection de Donald Trump, les marchés se sont retournés, les investisseurs délaissant les obligations pour les actions. Aux yeux de certains experts, ce serait le début de la "grande rotation" des actifs, lorsque "les investisseurs qui anticipent une remontée des taux d'intérêt à long terme, sortent massivement des obligations et renforcent leurs positions en actions" rappelle Degroof Petercam Gestion.

Selon une étude de Bank of America Merrill Lynch, les fonds obligataires toutes catégories confondues ont enregistré les décollectes les plus élevées en trois ans et demi en cumulé sur cinq semaines.

Décollecte fonds obligataires

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Delphine Cuny

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Commentaires 3
à écrit le 06/12/2016 à 2:57
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La momie de retour. Au secours.

à écrit le 05/12/2016 à 18:50
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La hausse des taux est engagée. Souhaitons qu'elle se fasse sagement..

à écrit le 05/12/2016 à 17:24
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Greenspan, grand architecte de la crise de 2008 et de ses conséquences mondiales, roule pour lui et dit ce qui convient à ses finances. Point.

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