En guerre contre Poutine

Par Bruno Jeudy  |   |  490  mots
Bruno Jeudy (Crédits : DR)
ÉDITO - Retrouvez l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de La Tribune Dimanche.

Chat échaudé craint l'eau froide. Deux ans après avoir été berné par Vladimir Poutine lors de leur face-à-face au Kremlin, Emmanuel Macron a cette fois immédiatement pris la mesure du « changement de posture » de la Russie, selon ses mots. Dans un discours particulièrement grave prononcé vendredi soir à l'Élysée en présence de son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, le chef de l'État a appelé à un « sursaut collectif » de la communauté internationale. Un propos fort pour alerter sur la montée en puissance de la menace russe et de l'agressivité du maître du Kremlin à l'égard de l'Europe et, singulièrement, de la France.

Les signaux de cette aggravation se multiplient tous azimuts. De la mort soudaine de l'opposant russe Alexeï Navalny à la propagande grossière de l'ancien président Dmitri Medvedev, avec ses menaces à peine voilées sur la sécurité d'Emmanuel Macron, en passant par les révélations de la presse américaine sur la préparation d'une attaque nucléaire contre les satellites européens, Vladimir Poutine tient bel et bien le rôle d'«acteur méthodique de la déstabilisation du monde », comme le décrit lucidement le président français.

Trois facteurs expliquent ce changement de paradigme. D'abord le repli américain au Congrès en attendant le résultat de l'élection présidentielle, qui risque de modifier l'ampleur du soutien de Washington à l'Ukraine. Ensuite, le comportement de Vladimir Poutine, qui multiplie les actes d'ingérence vis-à-vis de l'Occident et intensifie sa lutte informationnelle. Enfin, la prise de conscience européenne qui conduit l'Allemagne, la France et la Pologne, ainsi que la Grande-Bretagne, à accroître fortement leurs aides militaire et matérielle à Kiev. Chacun comprend progressivement que l'Europe ne va pas pouvoir vivre éternellement sous protection américaine.

C'est dans ce contexte d'une Europe seule face à l'autocrate russe que vont se dérouler des élections européennes cruciales. Un scrutin qui dépasse de très loin les petits enjeux de politique intérieure. En réalité, c'est un combat civilisationnel qui se jouera le 9 juin partout sur le continent entre des populistes trop souvent complaisants avec Moscou et ceux qui refusent de négocier avec le Kremlin. Le tweet larmoyant de Jordan Bardella sur la « mort tragique » de Navalny ne doit pas occulter que le RN a vanté pendant des décennies, et il y a encore peu, les mérites du leader russe. L'heure de la clarification a sonné. Le soutien à l'Ukraine reste majoritaire en France, mais il recule. Face à Vladimir Poutine, qui joue le temps long, Emmanuel Macron a prévenu : il faut aider l'Ukraine « quoi qu'il en coûte et quelles que soient les décisions américaines ». La guerre contre Poutine est à ce prix.

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