Et de droite et de gauche ! (et vice versa)

Par Philippe Mabille  |   |  816  mots
Il convient - même si cela fait sourire les sceptiques et grincer les dents de ses adversaires, inquiets de sa popularité réelle dans le pays -, de saluer le buzz qui a entouré l'annonce, le 6 avril dernier, de l'entrée dans l'arène du jeune impertinent.
Ni de droite, ni de gauche. Ou bien pas de droite, mais pas de gauche non plus. Le mouvement #EnMarche lancé par le ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, n'en finit plus de donner le tournis à la classe politique française, il est vrai bien déboussolée depuis quelque temps.

Comme le souligne The Economist, il est rare qu'un nouveau venu de moins de 40 ans parvienne à « disrupter » ainsi la caste des politiciens traditionnels qui captent depuis trente ans l'attention de l'opinion. Il convient donc - même si cela fait sourire les sceptiques et grincer les dents de ses adversaires, inquiets de sa popularité réelle dans le pays -, de saluer le buzz qui a entouré l'annonce, le 6 avril dernier, de l'entrée dans l'arène du jeune impertinent.

Ni de droite, ni de gauche...

... Ou bien est-ce plutôt un mouvement et de droite et de gauche qui prend naissance ? Emmanuel Macron revendique déjà plus de 13.000 « adhérents », sympathisants d'une cause plébiscitée par l'opinion qui en a « ras-le-bol », pour paraphraser quelqu'une, de voir toujours les mêmes têtes et les mêmes idées, pas toujours très fraîches. La crispation, pour ne pas dire la colère des Français, vient peut-être de là, de cette caste engluée dans un combat de postures, aux promesses souvent démagogiques et intenables. Et déconsidérée, faute de résultats.

Or, c'est bien la société civile qui réclame ce retour du débat, par le bas. Le mouvement #NuitDebout, plutôt de gauche, qui rassemble des jeunes et des moins jeunes place de la République, à Paris, depuis le 31 mars, porte cette énergie et beaucoup de politiques s'attachent d'ailleurs à tenter de le récupérer. À gauche, avec Jean-Luc Mélenchon, qui voit venir le Grand Soir et la grève générale, comme à droite, avec Nathalie Kosciusko-Morizet ou Bruno Lemaire, cette #NuitDebout est regardée avec les yeux qui brillent, parce qu'elle est annonciatrice d'un besoin de profond renouvellement, que n'incarnent pas vraiment ni François Hollande, ni Nicolas Sarkozy, les candidats de 2012.

Et de droite, et de gauche, les Français ont montré parfois cette intelligence politique, en imposant trois cohabitations. La première, en 1986, a amené une droite libérale, à une époque où la Dame de fer Margaret Thatcher déréglementait à tout-va. Deux ans plus tard, les Français ramenaient vite au pouvoir « tonton » le protecteur des Français, et Michel Rocard Premier ministre réalisa la plus importante réforme sociale de la gauche, avec la création du RMI, annonciateur de temps de chômage de masse.

« La France pour tous »

Retour à droite en 1993 avec Édouard Balladur, qui était lui et de droite et de droite, et pour cette deuxième cohabitation avec un président vieux et malade, il privatisa à haute dose avant de tomber avec son Smic jeune, ouvrant les portes de la présidentielle de 1995 à Jacques Chirac, élu sur un programme de gauche, « La France pour tous ». Évidemment, il gouverna à l'inverse avec Alain Juppé, et se fracassa sur les grandes grèves de l'hiver 1995. La dissolution de 1997 amena la troisième cohabitation, la première de la gauche, avec Jospin, Aubry et les 35 heures. Malgré un bon bilan économique, en plein boom mondial, le 21 avril 2002 ramena la droite au pouvoir en parallèle avec la montée inexorable du Front national. Une élection volée, dans une France qui basculait à droite. Et c'est un pays de plus en plus crispé sur ses blocages et ses corporatismes qui refusa, sous Chirac et Sarkozy, de faire les réformes, assistant passivement à l'explosion de la dette (plus de 2.000 milliards d'euros).

Nous voilà donc revenus au printemps 2016. Face aux nombreux déçus du slogan « LE changement, c'est maintenant », Macron, Valls, Lemaire, NKM, et de façon contre-intuitive même Juppé et Fillon, tous veulent incarner le renouveau et rassembler ceux des Français qui, de droite et de gauche (et du centre, mais en France, le centre reste un concept mou), ne se résignent pas et veulent s'engager dans un projet proeuropéen, républicain et, osons le mot, « libéral » au sens de créateur de richesse, le tout dans un temps où tout change à toute vitesse avec la mondialisation numérique.

Cette « nouvelle vague » politique comptera en 2017, alors que nous venons de vivre, avec le débat sur la loi Travail, l'avant-premier tour de la campagne présidentielle. Un texte qui brouille lui aussi les lignes, à dessein, même si sa dernière version n'a plus grand-chose à voir avec l'ambition de départ. Les « jeunes » maintiennent d'ailleurs leur rejet d'une loi pour eux synonyme de « précarité », malgré le chèque de 500 millions d'euros qui leur a été octroyé par Manuel Valls. Et le patronat se sent dupé, craignant que la loi El Khomri revisitée, et la taxation annoncée des CDD, ne créent un environnement encore pire pour l'embauche que la situation qui prévaut aujourd'hui. C'est l'ultime paradoxe d'une réforme essentielle mais mal née, mal conçue et mal vendue. De quoi donner du grain à moudre aux "EnMarchant" et autres "EnMarchistes"...