Le Brexit, en marche arrière ?

Par Philippe Mabille  |   |  881  mots
Le Brexit, voté il y a tout juste un an par référendum, a marqué le début de la vague populiste qui a aussi conduit Donald Trump à la Maison-Blanche. L'élection d'un europhile à l'Élysée avec Emmanuel Macron donne un coup d'arrêt à ce mouvement. Mais il est encore bien trop tôt pour espérer que le Royaume-Uni fasse marche arrière, même si l'affaiblissement de Theresa May rend la posture de négociation du pays de plus en plus difficile.

Little big Britain ou Great small Britain. La Grande-Bretagne avait l'habitude d'avoir à l'égard de l'Europe un pied dedans, un pied dehors. Avec le vote du Brexit, il y a très exactement un an, ses partisans ont rêvé d'avoir un pied dehors tout en gardant un pied dedans. Las, les douze derniers mois l'ont montré, l'Europe ne se négocie pas à la petite semaine, comme l'a rappelé Emmanuel Macron dans son long entretien au Figaro et à plusieurs journaux européens (dont le Guardian, journal partisan du Remain...). Et pour Theresa May, qui avait cru son heure venue pour devenir la Dame de Fer d'un « hard Brexit », ou Brexit dur, les dernières élections ont apporté un cruel revers. Affaiblie par son absence de majorité dans le « hung parliament » (parlement pendu), sa position a d'autant plus de mal à tenir que les Européens du continent n'ont pas varié d'un iota face aux espoirs des Brexiters. Non, il n'y aura pas d'Europe à la carte. La Grande-Bretagne est désormais un pays isolé, aux portes d'une Europe qu'une petite moitié de Britanniques ne veut pas quitter, mais une moitié insuffisante pour inverser le cours de l'histoire.

Divisé à l'intérieur, même si pour le moment l'Écosse et l'Irlande du Nord n'ont pas envisagé sérieusement de faire sécession, la première pour rester dans l'UE, la seconde pour ne pas décrocher de l'Irlande du Sud si une frontière devait à nouveau traverser l'île, le Royaume-Uni flotte, tel un bateau ivre. Et certains se prennent à rêver à la pièce de Giraudoux '(La guerre de Troie n'aura pas lieu ») : et si le Brexit n'avait pas lieu. L'espoir d'un nouveau référendum, seul moyen d'annuler le résultat du 23 juin 2016 reste toutefois un simple espoir, très improbable.

Certes, le Royaume-Uni n'a pas encore « Brexité » : le gouvernement, avec l'accord du Parlement, a simplement enclenché la procédure de l'article 50 qui ouvre un countdown de deux ans de négociations avant la sortie. Comme le dit Emmanuel Macron, « une porte est ouverte jusqu'au moment où on la franchit. À partir du moment où les choses s'engagent avec un calendrier et un objectif, il est très difficile de revenir en arrière ». Une position dure, pour celui qui pense que « l'Europe n'est pas un supermarché » et qui exclut toute discussion bilatérale entre le Royaume-Uni et tel ou tel pays contraire aux intérêts de l'UE.

Sauf sur un point, crucial il est vrai alors que Donald Trump place l'Europe au pied du mur pour organiser elle-même sa propre sécurité, sur les questions de défense. Sur le terrorisme et le risque de guerres, « c'est le pragmatisme qui régira nos relations », reconnaît le président français.

Le principal argument de ceux qui pensent que le Brexit est réversible, c'est d'ailleurs l'élection d'un europhile en France en la personne d'Emmanuel Macron, comprise à l'étranger comme le premier coup d'arrêt aux populismes. The Economist titrait la semaine dernière sur « Europe's saviour ? », avec un point d'interrogation bien justifié. Emmanuel Macron himself reconnaît qu'il serait « présomptueux de dire dès à présent que la France exerce un nouveau leadership européen ». Ce que l'on peut espérer, c'est un nouvel équilibre entre les deux « M », Macron et Merkel, pour redonner une dynamique au moteur franco-allemand pour construire une relance de l'Europe sur les principes et les valeurs qui l'ont fondé, qui vont à l'encontre des égoïsmes nationaux.
C'est la raison sans doute pour laquelle l'Europe a accueilli fraichement les propositions de Theresa May au sommet européen posant les bases de la négociation du Brexit. En particulier, l'idée de Theresa May d'offrir un « statut particulier » aux 3 millions d'expatriés qui vivent au Royaume-Uni, en particulier à Londres a été vilipendée au motif qu'elle risque d'aggraver la situation des ressortissants européens au Royaume-Uni après le Brexit. Cette offre risque « de réduire les droits » et « notre rôle est de réduire ce risque » a répondu le président du Conseil européen Donald Tusk à la proposition britannique qualifiée « d'équitable et sérieuse » par Theresa May.

La position de la Première ministre britannique est donc de plus en plus intenable. Elle doit présenter lundi des propositions plus précises, mais face à un front commun des 27 et à un Royaume-Uni divisé, elle est en difficulté politique alors qu'il ne s'agit que du début de longues et sans doute très difficiles négociations sur tous les sujets. C'est quand il s'agira de l'avenir de la City de Londres que l'on verra si le Royaume-Uni est capable d'aller au bout ou bien calera en route avant la date fatidique du 30 mars 2019.

Pour l'instant, il n'y a pas de réel impact économique visible du Brexit. Quoique : la chute de la livre sterling, 15% depuis un an, commence à peser sur l'inflation et donc l'inflation au Royaume-Uni, dont la croissance ralentit, quand celle de l'Europe du continent accélère. Pour les Brexiters, trompés par des élites aveugles et des tabloïds gavés de fake news, l'heure de la retraite a, peut-être, sonné !

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