Le retour du « parti de l'étranger »

Par Bruno Jeudy  |   |  508  mots
Bruno Jeudy. (Crédits : DR)
ÉDITO - Retrouvez l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de La Tribune Dimanche.

Le porte-parole de Vladimir Poutine ne s'est pas beaucoup cassé la tête pour répondre à Emmanuel Macron après la réunion, jeudi à l'Élysée, avec les chefs de partis. Dmitri Peskov s'est directement appuyé sur les réactions très critiques de Jordan Bardella et de Manuel Bompard contre le chef de l'État. L'ancien président russe Dmitri Medvedev a peu ou prou emprunté aux mêmes auteurs les mêmes éléments de langage pour fustiger les mises en garde françaises. Comme le général de Gaulle à son époque, son lointain successeur à l'Élysée pourra rapidement brandir l'argument du « parti de l'étranger », tant Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se sont engouffrés dans la brèche de la critique sans nuance du débat ouvert par Emmanuel Macron sur le possible envoi de troupes en Ukraine.

En moins de deux semaines, le soutien à tout prix de l'Ukraine s'est imposé comme le thème numéro un des européennes. Le président l'assume totalement. « Face à un ennemi qui n'a aucune limite, nous ne pouvons pas nous permettre d'en formuler », a-t-il répété devant les oppositions. Mardi et mercredi, on aura droit à un débat de clarification à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le niveau d'engagement des partis derrière l'Ukraine. Évidemment, la prise de risque est maximale pour l'exécutif. L'entourage présidentiel met en avant « l'intérêt général » défendu par Emmanuel Macron, qui anticiperait l'élection de Trump en novembre. Avec à la clé un lâchage de l'Ukraine laissant l'Europe seule pour soutenir financièrement et militairement Kiev. L'argument n'est pas à prendre à la légère. Et il est sans doute préférable de se réveiller assez vite, notamment en matière de doctrine militaire européenne.

Lire aussiNotre sondage exclusif pour les européennes : Bardella engrange, la Macronie stoppe l'hémorragie

À trois mois du scrutin, Emmanuel Macron a décidé de jouer la carte ukrainienne à fond
pour limiter la casse face au RN. Quitte à briser le fragile consensus qui existait en France sur le soutien à Kiev. La démarche est à double tranchant, car elle peut se retourner contre le camp des pro-Ukraine. Seuls 20 % des Français sont favorables, selon un sondage Elabe, à l'envoi de troupes combattantes. Mais l'exécutif fait le pari que sa stratégie va au moins remobiliser l'électorat macroniste. Le chef de l'État a sonné le rappel chez ses ministres. « Il faut se battre pied à pied », les a-t-il enjoints
cette semaine. Patron du Quai d'Orsay, Stéphane Séjourné estime que la campagne
permettra de « dévoiler le double langage du RN ». Le favori des sondages, Jordan Bardella, montre lors de ses interventions dans les médias des signes inhabituels de fébrilité, voire de malaise, sur le terrain des relations de son parti avec la Russie de Vladimir Poutine.

>>> Retrouvez l'édition complète de La Tribune Dimanche du 10 mars 2024 dans vos kiosques à journaux et sur notre kiosque numérique.