Salon de l'agriculture : Macron dans les cordes

EDITO - Retrouvez l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de La Tribune Dimanche.
Bruno Jeudy
Bruno Jeudy.
Bruno Jeudy. (Crédits : DR)

Il n'a pas pu monter sur le ring des éleveurs, mais il s'est battu dos au mur. Le président de la République « ne lâche jamais l'affaire », selon sa propre formule. Comment Emmanuel Macron a-t-il pu se mettre dans un tel pétrin alors qu'une sortie de crise était à portée de main il y a encore quelques jours ? Dans l'incapacité de pouvoir inaugurer le Salon à son arrivée (il le fera quatre heures plus tard sous les huées) et de déambuler dans le pavillon de l'élevage sans un cordon de CRS, le chef de l'État a été durement chahuté par les fermiers.

Bien sûr, il est parvenu à débattre avec une poignée d'entre eux. En bras de chemise, le président a argumenté, ferraillé et annoncé de nouvelles concessions. Il a défendu une agriculture exportatrice face à un viticulteur et un éleveur de poulets qui réclamaient la fermeture des frontières, y compris avec l'Espagne. Il en a profité pour récuser l'idée que la France bradait son agriculture pour payer la guerre en Ukraine. Bref, ce fut un dialogue cash et, espérons-le, constructif. Du déjà-vu aussi. Car cela avait des allures de grand débat, quand il avait réussi en 2019 à tourner à son avantage la colère des Gilets jaunes. Sauf que, cinq ans plus tard, la séduction n'opère plus. Son courage physique est réel mais ne suffit pas face à la mort à petit feu d'une profession désespérée. La colère des agriculteurs vient de loin. De très loin.

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De ce Salon, il restera les images d'un chaos. Celle d'un pouvoir donnant l'impression de ne plus rien tenir. Celle d'agriculteurs en rage criant « On est chez nous » ou « Macron racaille », au risque de donner la main à une grossière manipulation politique. Bon nombre des manifestants violents, parfois coiffés d'un bonnet jaune, ressemblent à des militants de Jordan Bardella. À cent jours des élections européennes, le face-à-face est installé. La remontada de la majorité paraît bien mal engagée.

La vérité, c'est qu'Emmanuel Macron et ses conseillers se sont trompés. En voulant organiser un grand débat avec les agriculteurs, les distributeurs et les associations écologistes, ils ont mis le feu aux poudres, surtout avec cette vraie-fausse invitation aux Soulèvements de la Terre. Ces écoguerriers que le ministre de l'Intérieur souhaitait dissoudre l'an passé. Au-delà de la faute politique, il faudra bien que ce dialogue entre agriculteurs et écologistes s'engage tôt ou tard. En attendant, Emmanuel Macron a totalement déboussolé ministres et majorité. Déjà en sursis depuis la loi immigration, son « en même temps » a explosé. Isolé ou aveuglé par son éternelle capacité à retourner les événements en sa faveur, le président s'est retrouvé cette fois en échec. On n'a pas fini d'en mesurer les conséquences.

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Bruno Jeudy

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Commentaires 2
à écrit le 25/02/2024 à 16:21
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Vous traitez de la forme et non du fond , c'est à dire de la responsabilité de chacun , vous fustigez le président , son gouvernement et l'UE sans jamais évoquer la fnsea qui a quand une part de responsabilité de la crise de notre agriculture et de...

à écrit le 25/02/2024 à 14:17
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Je pense que monsieur Jeudy se trompe. Les Français peuvent être excédés mais ils ne sont ni stupides, ni aveugles et les démonstrations excessives des bonnets jaunes au Salon de l'agriculture, ils n'aiment pas. Bien sûr que les Français "aiment" le...

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