Nucléaire : la "vacance" de monsieur Hulot

Par Philippe Mabille  |   |  702  mots
Dans ce dossier, Nicolas Hulot a donc agi en « écolo responsable », une attitude qui n'est pas générale chez les Verts.
Nicolas Hulot vient de reporter l'objectif de réduction à 50% de la part de nucléaire dans le mix de production d'électricité de la France. Prévu pour 2025 par la loi de transition énergétique, ce seuil ne sera pas atteint, au mieux, avant 2030, voire 2035, selon les nouveaux scénarios "réalistes" de RTE, le gestionnaire des réseaux électriques. A condition que la volonté politique ne s'émousse pas... Retrouvez la chronique de Philippe Mabille dans "Entendez-vous l'éco" sur France Culture du jeudi 10 novembre 2017.

En pleine réunion de la COP 23 à Bonn, le ministre écolo de l'Ecologie vient de crever l'abcès en enterrant l'engagement pris en 2011 par François Hollande dans l'accord électoral négocié entre le PS et les Verts de réduire à 50% en 2025 la part de nucléaire dans le mix de production d'électricité de la France. La transgression n'est pas passée inaperçue.

Insuffisance d'investissements

C'est « la vacance de Mr Hulot » hurlent les écolos qui appellent le ministre à quitter un gouvernement où il est condamné selon eux à avaler les couleuvres. En réalité, tout le monde savait que cet objectif politique, voté il y a deux ans dans la loi de transition énergétique portée par Ségolène Royal, était irréalisable. Ou plutôt l'est devenu, faute d'investissements suffisants dans les énergies renouvelables. Mais personne n'avait eu jusqu'ici le courage politique de l'assumer. Même pas le candidat Emmanuel Macron pendant sa campagne même s'il a exprimé quelques doutes sur la réalisation.

Principe de réalité

Politiquement, c'est un coup dur pour Nicolas Hulot, obligé d'enterrer ce totem et d'affronter la colère de ses amis antinucléaires. Mais il est un peu facile de dénoncer les "reculades" du ministre de l'écologie, hier sur le glyphosate, aujourd'hui sur le nucléaire, en faisant semblant de ne pas voir qu'il ne s'agit de sa part que de la simple application du principe de réalité. Selon Nicolas Hulot, respecter l'objectif pris par le précédent gouvernement aurait au contraire été anti-écologique en conduisant à substituer à l'énergie nucléaire de l'énergie thermique comme le charbon, encore plus polluante. Or, la priorité est déjà de réussir à fermer les centrales émettant du CO2...

Au risque d'un krach énergétique (et social)

Dans le mot transition énergétique, le mot important c'est la transition. Passer d'un modèle énergétique à un autre prend du temps. Pour tenir le cap de 2025, RTE, le gestionnaire du réseau électrique, indique qu'il faudrait fermer 24 réacteurs nucléaires sur 58. Tenir un tel rythme en moins de 8 ans, alors que le déploiement de l'éolien et du solaire n'est pas assez soutenu, ce serait prendre le risque d'un krach énergétique et d'un krach social pour le pays. On l'a bien vu avec Fessenheim, la première centrale française, qui aurait dû s'éteindre en 2017. Elle fermera avant la fin du quinquennat, assure désormais le ministre de l'écologie.

"Ecolo responsable"

Dans ce dossier, Nicolas Hulot a donc agi en « écolo responsable », une attitude qui n'est pas générale chez les Verts. Pas question de prendre le risque par pure idéologie de plonger la France dans le noir alors que le calendrier de la transition énergétique n'est pas sécurisé. Mais l'objectif d'une réduction de la part du nucléaire demeure, ne serait-ce qu'en raison de la vétusté d'une partie du parc.

L'objectif 2030 encore envisageable

Nicolas Hulot a ainsi annoncé pour 2018 une nouvelle programmation pluriannuelle. Si l'on en croit le nouveau scénario central de RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité  il est encore possible, si l'on multiplie par trois la production d'énergies renouvelables, de tenir l'objectif de réduire à 50% la part du nucléaire à l'horizon 2030. Gageons que ce sera plutôt entre 2035 et 2040 que cela se produira... Tout dépendra du rythme de fermeture des dernières centrales au charbon et du développement de la voiture électrique.

Reste à savoir si la volonté politique de réduire l'importance du nucléaire ne va pas s'évanouir avec le temps. François Hollande avait accepté en toute connaissance de cause un chemin manifestement irréalisable. Il serait plus responsable qu'Emmanuel Macron fixe désormais un calendrier réaliste qui soit à la fois crédible et impératif afin de maintenir la pression sur les acteurs énergétiques et notamment EDF pour qu'ils prennent conscience que cette fois les objectifs seront tenus et qu'il est donc dans leur intérêt d'accélérer la transition vers d'autres formes d'énergie plus propres.

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