"Les mutuelles devraient plutôt rembourser les soins que payer des taxes ! "

Par Propos recueillis par Laura Fort  |   |  555  mots
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Etienne Caniard, président de la Mutualité Française, s'insurge contre l'augmentation du coût des complémentaires santé, en grande partie liée à la taxe imposée cette année, et de son incidence sur l'accès aux soins. Il attend des propositions précises de la part des candidats à la présidentielle.

Le gouvernement a voté le relèvement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) de 3.5% à 7%. Sera-t-elle répercutée en totalité sur les assurés ?

Globalement, oui. Cependant, la situation est différente selon les mutuelles. Celles qui peuvent encore puiser dans leurs réserves pourront étaler leurs augmentations de tarifs dans le temps. La plupart des observateurs estiment la moyenne de l'augmentation des tarifs des complémentaires santé entre 6% et 7% en 2012.

Les politiques n'ont pas compris que le coût d'une mutuelle est devenu tel que les phénomènes de renoncement à l'assurance complémentaire ou de choix de garanties moins protectrices sont en train d'augmenter. Certes, l'Etat va trouver, par l'augmentation de cette taxe, 2 milliards d'euros de recettes, mais cela aura un coût social et politique élevé.

Est-ce l'équivalent d'un impôt sur la santé ?

Oui. Cette taxe est un impôt indirect, qui va s'appliquer à 94% des Français. C'est même une assiette bien plus large que celle de la CSG ou de l'impôt sur le revenu !

Vous avez lancé une pétition qui recense déjà plus de 700 000 signatures. Qu'en espérez-vous ?

J'espère que cela va faire réfléchir les politiques. Il vaudrait mieux que les mutuelles remboursent les dépenses de santé plutôt qu'elles paient des taxes ! Aujourd'hui les dépassements d'honoraires s'élèvent à 2.5 milliards d'euros. Et nous sommes dans une situation où le nombre de professionnels pratiquant des dépassements augmente, tout comme leur montant. Il y a donc un décrochage entre le montant des remboursements de la Sécurité sociale et les prix effectivement pratiqués.

Il est indispensable de revenir sur cette mesure, quitte à ce que les mutuelles utilisent plutôt les 2 milliards de recettes de la taxe améliorer le montant des honoraires remboursés.

Les Français vont-ils renoncer à s'assurer ?

En 2011, il y a eu une augmentation sensible du renoncement aux soins ou de soins différés. Le taux réel de renoncement tourne autour de 20% de la population française. Et les personnes qui y renoncent sont celles qui sont déjà en difficulté : les personnes en rupture dans leur parcours professionnel, les personnes âgées ou les jeunes qui ont du mal à s'insérer dans la vie professionnelle.

L'accès aux soins va-t-il faire partie des thèmes de la campagne présidentielle ?

Les candidats s'y intéressent de plus en plus, dans la majorité comme dans l'opposition. De toute façon, le problème se posera inévitablement au prochain président. Et aucune force politique ne pourra éviter de se poser ces questions. Des sujets comme la dépendance vont d'ailleurs resurgir.

Mais il n'y a pas encore de propositions achevées et cohérentes de la part des politiques. Nous attendons d'eux une réponse globale, qui montre qu'ils ont compris toutes ces problématiques.

Est-ce la fin du système de santé français que beaucoup de pays nous envient ?

Il est bon, mais il recèle aussi énormément d'inquiétude sur sa pérennité. Tout est réuni pour que le système explose à plus ou moins long terme ; cela a commencé de manière insidieuse, par des difficultés d'accès aux soins et par des remboursements déconnectés des prix réels.