Encadrement des loyers : "un risque majeur pour le parc locatif Français"

Par par François Gagnon, président du groupe d'agences immobilières Era Europe  |   |  461  mots
François Gagnon
Ce professionnel de l'immobilier estime que le projet élaboré par Cécile Duflot mettrait en péril le parc locatif. Faute d'espérer un rendement "digne" plus personne ne voudrait investir dans ce type de placement. Et ce, alors que les investisseurs institutionnels ont déjà déclaré forfait.

Face à un marché qui, à certains endroits, est devenu difficile d'accès pour les ménages, la tentation d'administrer et de poser un couvercle règlementaire refait surface, au point que les élus libéraux eux-mêmes y cèdent, croyant ainsi apaiser les tensions sur les prix de location. Je suis de ceux qui voient dans ce choix politique un risque majeur pour le parc locatif privé, et je veux expliquer pourquoi. On rappellera utilement aussi à ce stade que les quelque 6,5 millions de logements locatifs privés sont pour 90% la propriété d'individus et de ménages issus des classes moyennes: le bailleur type a un patrimoine de 1,5 logement.
Les périls du projet d'encadrer les loyers sont multiples. Les plus lourds sont relatifs aux investisseurs, que cette intention oublie totalement. On néglige que ce sont des opérateurs économiques comme les autres, en attente légitime de rendement et de profitabilité. Qui pourrait accepter d'immobiliser un capital, ou plutôt une capacité de remboursement pour la plupart, sans contrepartie financière correcte? L'investissement locatif résidentiel a une rentabilité avant impôt entre 1% et 3,5% selon les villes et les types de bien. Corrigé de la fiscalité, par définition variable selon les personnes, ces taux peuvent s'inscrire en négatif, en tout cas se stabiliser à des niveaux très bas. Dans ces conditions, toute érosion vient mettre à mal l'équilibre des opérations, et par là même la pérennité de l'investissement.
La question du désinvestissement et de l'attrition du parc locatif privé ne sont pas des sujets théoriques. D'ailleurs, que s'est-il passé ces vingt dernières années avec les investisseurs institutionnels? Plus ancrés sur la préoccupation du compte d'exploitation que les propriétaires individuels, ils ont considéré que l'intérêt du logement avait disparu, et ils ont cédé leur parc résidentiel, acquis dans la plupart des cas par des propriétaires occupants et donc perdu pour les locataires. Ainsi, leur part dans le parc total s'est réduite à peau de chagrin, de 15%, et jusqu'à 25% dans les grandes villes, à moins de 3% aujourd'hui! Au demeurant, l'investissement locatif n'est pas un investissement ordinaire, comme peut l'être l'achat d'une action d'entreprise, ou l'engagement dans un fond d'innovation: il lui est associé des contraintes et des aléas spécifiques, qui en font un acte civique, non seulement économique. Les bailleurs ont tous l'expérience des retards de paiement du fait des difficultés de la conjoncture, des moratoires consentis, des impayés durables et parfois perdus, de la vacance parce qu'il faut rénover le bien, avec les pertes d'exploitation liées. Bref, le bailleur rend un service social, qui lui fait mériter plus encore un retour sur investissement digne.