Hollande, story-teller de la rareté

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  496  mots
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La Présidence de l'austérité qui se confirme de jour en jour a finalement commencé par l'austérité de la parole ! Prudence d'une option stratégique Mitterrandienne d'un autre temps pour certains, avarice obligée par l'incapacité d'agir pour d'autres, il reste que la rareté de l'expression signe le style du début de la Présidence Hollandienne.

A la seule exception de la séquence de lancement de l'opération au Mali, le silence est assourdissant. François Hollande nourrit seulement notre appétit de communication par des petits morceaux de parole présidentielle dans une longueur d'onde davantage ministérielle que présidentielle et très souvent sociétale. La rareté de l'expression vient grossir la rumeur de l'incapacité à prévoir, de la faiblesse à agir, et de l'impuissance à expliquer.

Images de voyages à l'étranger et silence domestique
La période est pourtant marquée par la sourde accélération de la crise, par l'accroissement continu du chômage, mais aussi par une météorologie gouvernementale prise en flagrant délit répété d'erreurs de prévision.  Entre images de voyages à l'étranger et silences domestiques, un doute s'installe. C'est comme si le Président se retirait du front, envoyait son Premier ministre et quelques uns de ses ministres tenter de faire face dans un dispositif de crise bricolé et nécessairement balloté par les événements. Sans parler des dérapages façon Victorien Lurel au Vénezuéla engageant un peu trop personnellement la parole de la France.
Il est temps que le Président traverse à nouveau l'espace public et politique et qu'il parle, qu'il écrive pourquoi pas, mais qu'il dise sa vérité de la situation nationale, européenne et globale. Les français qui sentent s'installer durablement l'impact économique et social d'une crise débutée en 2008 ne peuvent en plus se satisfaire de la disette que leur impose la communication présidentielle. Ils ont besoin de recevoir son analyse d'aujourd'hui, sa vision de demain et de le situer dans l'action et pas seulement dans l'inauguration.

Président de la cinquième République aux champs
On nous dit qu'il va renouveler en les multipliant des déplacements sur le territoire national avec l'objectif de quadriller la France dans les mois qui viennent. L'idée est que le président passe une nuit sur place pour avoir le temps d'expliquer sa politique. Un retour à la dimension pédagogique qui s'appuie sur un storytelling très classique façon Président de la cinquième République aux champs, une narration presque Gaullienne quand le Général s'installait de temps en temps, lui aussi lors de visites provinciales qu'il adorait, dans les chambres présidentielles des préfectures.
La violence de la crise et l'accélération des temps économiques et politiques du 21e siècle ne condamnent pas vraiment ce dispositif relationnel, mais les citoyens ne peuvent se contenter désormais du seul storytelling même quand celui-ci vient rompre le silence d'une narration quasiment disparue depuis des semaines. Au delà, ce que nous attendons tous désormais, et dans l'urgence, c'est plutôt un véritable storymaking de la part de François Hollande.

*Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Conseil en communication d'influence
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals