2013, année inédite pour le crédit immobilier

Par Ari Bitton*  |   |  1123  mots
Hors norme, l'année 2013 va sans doute marquer les esprits. Chaque mois, les taux de crédit immobilier battent des records à la baisse. Et pourtant, malgré leur plongeon historique, le volume des prêts immobiliers accordés par les banques s'est brutalement tassé. Comme insensible aux baisses conjointes du taux directeur de la BCE et de l'OAT 10 ans, eux aussi à leur plus bas niveau.

2013 va sans doute marquer les esprits et les places financières. Hors norme, singulière, insolite, exceptionnelle, c'est l'année de toutes les peurs - la France est officiellement entrée en récession, le retour de la croissance paraît hautement improbable en 2013. C'est aussi l'année de la fin des symboles - la BCE évoque la possibilité de passer ses taux nominaux en négatif si l'état du marché devait l'exiger. C'est l'année enfin où tout semble marcher sur la tête : certes, les taux de crédit immobilier ont battu des records à la baisse. Et pourtant, malgré leur plongeon historique, le volume des prêts immobiliers accordés par les banques, lui, s'est brutalement tassé. Comme insensible aux baisses conjointes du taux directeur de la BCE et de l'OAT 10 ans, eux aussi à leur plus bas niveau. Ces données, déjà exceptionnelles prises séparément, font de 2013 une année qui s'annonce en tous points comme totalement inédite...

La politique monétaire de la BCE restera accommodante "aussi longtemps que nécessaire"

Ce qu'on pensait immuable ou impossible ne l'est plus. Pour la première fois de son histoire, le taux directeur de la BCE est descendu à 0,50% le 2 mai dernier. Plus incroyable encore, désormais, un possible abaissement du taux de la facilité de dépôt en dessous de 0 n'est plus tabou. Mario Draghi, président de la BCE, a voulu adresser un message aux marchés : la politique monétaire restera accommodante "aussi longtemps que nécessaire". En d'autres termes, la BCE sauvera l'euro quel qu'en soit le prix, même s'il faut pour cela entrer en territoire inconnu, celui des taux d'intérêts nominaux négatifs, avec le danger d'y rester. Autre fait singulier, la BCE a également évoqué de nouvelles solutions pour relancer la croissance, dont une action directe auprès des entreprises... Là encore, du jamais vu.

Suivant ce mouvement global baissier sans précédant, les rendements obligataires européens de 2013 ont eux aussi enregistré des chutes records. En France, les taux à 10 ans sont tombés à 1,67%. En Allemagne, ils ont atteint 1,16 %, en Belgique 1,91 %. Et ce repli touche même les pays jugés plus à risques comme l'Italie, dont le rendement à 10 ans est à son plus bas depuis octobre 2010, à 3,76 %. Tout comme le Bono espagnol qui est récemment repassé sous la barre des 4%, offrant une bouffée d'oxygène salvatrice à l'Espagne.

Par un effet mécanique, les taux de crédit immobilier, déjà très bas durant l'année 2012, ont continué à baisser en dessous de toute limite en 2013. Crevant le plancher pour tomber à la cave, les voilà maintenant au niveau des fondations. Encore un records historique et inédit, comme le souligne une étude de l'Observatoire Crédit Logement/CSA : "jamais par le passé, les taux des crédits immobiliers n'étaient descendus aussi bas". Désormais établis autour de 3% en moyenne (hors assurances et coût des sûretés), ces taux mini témoignent de "la volonté des établissements de crédit de soutenir l'activité de marchés en forte contraction, dans un climat de concurrence que le renouveau saisonnier habituel de la demande ne fait que renforcer". Comprenez : jusqu'en octobre, la saison du crédit immobilier bat son plein. Les banques, qui ont suivi la baisse de l'OAT 10 ans, l'ont bien compris et font tout pour capter de nouveaux clients durant cette fenêtre de tir, sachant bien que le marché de demain est plus qu'incertain.

Les banques restent prudentes

Mais ces faits exceptionnels et à priori positifs ont des effets pour le moins insolites. Exemple : alors que tous les taux (BCE, OAT, crédit immobilier) sont au vert, le volume des crédits immobilier lui tombe dans le rouge. Certes, la demande est moribonde, avec, en cause, une consommation des ménages en berne depuis des mois. Mais pas que... En fait, si ces taux au plancher ne dopent pas le nombre de crédits immobiliers octroyés, c'est que les banques restent prudentes. Après l'avertissement sévère de 2009, les établissements financiers ont du reconstituer leurs marges. Aujourd'hui, ils sont bien décidés à conserver la position confortable que leur offre notamment le taux directeur de la BCE (qui détermine le coût du refinancement auprès de la BCE sur les principales opérations de crédit), tombé à son plus bas niveau historique à 0,50%. Dans son sillage, le taux de dépôt au jour le jour, auquel les banques privées placent de l'argent pour 24 heures a chuté de 1,50% à 1%. Tandis que le taux de prêt marginal au jour le jour, auquel les banques empruntent est resté inchangé à 0%. Les banques ont donc les coudées franches comme rarement : elles peuvent financer les particuliers et se prêter entre elles à moindre coût. Mais, vigilance oblige, elles ne peuvent user de cette situation qu'avec pondération, de peur qu'un retournement brutal du marché ne leur fasse à nouveau mordre la poussière... Dans un contexte mouvant où l'économie réelle, plus que morose, reste encore largement déconnectée du grand brassage de liquidités sur les marchés, les établissements financiers ont décidé d'en garder un peu sous le pied.

Le raisonnement, pour le moins schizophrène, a de quoi troubler les particuliers. D'un côté les banques semblent jouer le jeu de la concurrence, baissent leurs taux et tentent d'attirer de nouveaux clients via leur vecteur principal, le crédit immobilier. De l'autre, elles restent très sélectives et se gardent bien de reporter strictement la baisse de l'OAT 10 ans sur leurs taux de crédit. Les taux de crédit proposés aux particuliers ne sont pas aussi bas qu'ils le devraient. Qu'on se le dise, les taux bas ne le resteront pas éternellement. Et entre temps, ils ne profiteront pas à tout le monde...

Alors comment tout cela va-t-il finir ? C'est la grande inconnue de cette année 2013. A situation inédite, dénouement inédit ? Une chose semble sûre pour l'heure, les taux de crédit immobilier ne devraient pas remonter tant que l'OAT 10 ans et la BCE conserveront des taux au plancher. Même si Mario Draghi a affiché sa détermination à conserver une politique dite "accommodante", quelques critiques s'élèvent désormais, notamment en Allemagne, contre la baisse des taux, qui serait sans grand effet sur l'économie réelle et impuissante à relancer la croissance et l'emploi. D'autres pointent le danger des taux d'intérêts nominaux négatifs, dont il serait ensuite impossible de s'extraire, en pleine contraction de l'économie...

Mais qui sait ? L'année 2013 nous réserve peut-être encore d'autres surprises...

*Ari Bitton est PDG du courtier immobilier AB Courtage