En immobilier, les chiffres sont parfois trompeurs

Par Christian Bénasse*  |   |  1384  mots
Face au flux d'informations contradictoires émanant des différents acteurs du secteur de l'immobilier, il est difficile de se faire une réelle opinion des tendances de marché. Pour Christian Benasse, président de la Chambre des Notaires de Paris, les notaires vont devoir affiner leurs données...

L'attachement des Français à la « pierre » n'a jamais été démenti. Cette passion pour l'immobilier mobilise régulièrement l'opinion qui suit avec une attention sans cesse renouvelée les évolutions du marché, le nombre de ventes et surtout les prix. On ne s'en étonnera guère car le patrimoine des ménages est constitué à 60% d'immobilier. 58% des ménages sont propriétaires de leur résidence principale et 19% d'entre eux (pas toujours les mêmes) possèdent une résidence secondaire, ou un bien locatif. Il existe donc pour les particuliers de multiples façons d'être directement intéressés par la connaissance des prix de l'immobilier.

Des chiffres abondants qui rendent l'analyse difficile

Au demeurant, ceux qui ne sont pas encore propriétaires d'un logement rêvent souvent de le devenir. Presque trois Français sur quatre le seront à l'âge de la retraite. On mesure donc bien les enjeux attachés aux chiffres régulièrement publiés sur le marché immobilier.

Or en ce domaine, comme en beaucoup d'autres d'ailleurs, il faut savoir raison garder et prendre du recul. Car en matière d'immobilier, l'analyse est complexe et les chiffres publics, incontestablement abondants, peuvent parfois s'avérer trompeurs ou pour le moins déformer la réalité du marché.

Des informations contradictoires

Cela ne doit pas surprendre. En effet, le marché immobilier est le lieu où se rencontrent l'offre et la demande, où négocient les vendeurs et les acquéreurs, où se déterminent donc les prix et le niveau de l'activité. Les acteurs et les témoins de cette activité sont nombreux. Leurs expériences, leur ressenti et leurs observations donnent un éclairage ponctuel et factuel des évolutions de leur propre marché et de leur situation.

De ce fait, à intervalles réguliers, des chiffres issus de différentes sources (notaires, réseaux d'agences immobilières, comparateurs de crédits...) comportent des informations contradictoires. Les phases d'incertitude ou de retournement de marché favorisent ces phénomènes. Quand le marché hésite, un acteur pourra observer une hausse, alors qu'un autre affirmera que la baisse a commencé. Chacun a de bons arguments à faire valoir mais aucun n'est en situation de donner une vision globale du marché.

Nous vivons actuellement une phase où le faible niveau de l'activité n'a pas encore eu d'influence sur des prix qui font globalement encore preuve de résistance, notamment en région parisienne. Les observations des uns et des autres divergent autour de cette tendance de fond. Au-delà de ces analyses partielles qui informent sur certains aspects de l'activité, mais ne sauraient décrire avec fiabilité la réalité du marché dans ses différents aspects, il est particulièrement utile de recourir et de se fier aux statistiques immobilières notariales délivrées tous les mois en partenariat avec l'INSEE.

80% des transactions sont dans les bases de données notariales

Parce que l'immobilier s'inscrit au c?ur de son métier, parce qu'une acquisition ou une vente de logement se signe toujours chez un notaire, parce que les offices sont de tout temps organisés pour classer et conserver les informations qu'ils reçoivent et qu'ils y procèdent maintenant de la manière la plus moderne, le notariat est au centre de l'information immobilière. Il a développé, avec l'INSEE, des outils statistiques sophistiqués, mis au service de tous (Etat, collectivités locales, professionnels de l'immobilier, journalistes, particuliers...) pour quantifier de manière objective le marché immobilier dans tous ses aspects.

La force des outils développés par le notariat s'appuie sur trois axes essentiels :
- la complétude des données utilisées pour la production des statistiques, qui sont collectées et retranscrites dans la base
- la rigueur et la fiabilité des modes de calculs utilisés pour produire ces résultats,
- et enfin, la facilité d'accès aux chiffres ainsi produits.

En Ile-de-France, près de 3,5 millions de références de ventes ont été saisies depuis la création de la Base BIEN (Base Economique d'Informations Notariales) au début des années 1990. Environ 8 transactions immobilières sur 10 sont saisies dans la banque de données des Notaires de Paris - Ile-de-France. Chaque semaine plus de 2 000 transactions nouvelles viennent enrichir notre connaissance du marché immobilier.  Un contrôle de qualité très rigoureux permet ensuite de vérifier la cohérence et la fiabilité des enregistrements constitués par une mutation immobilière.

Une base complète et représentative

Depuis le 28 mars 2011, la transmission par les notaires des informations sur les actes de vente et les avant-contrats immobiliers s'impose à tous les notaires de France. La loi n'est pas encore en application, Des décrets et des arrêtés viendront préciser prochainement les modalités pratiques de cette nouvelle mission de service public de l'information immobilière confiée aux notaires. L'exhaustivité et la rapidité de collecte des données de la Base BIEN s'en trouveront encore renforcées.

Au-delà de l'abondance des références, la Base BIEN présente également une particularité : autour d'une centaine de critères permettent de caractériser chacune de ces ventes de logement. La base s'avère donc complète et représentative du marché dans son ensemble, grâce à son niveau de précisions sur chacun des actes.
Des traitements ont été programmés en relation avec l'INSEE. Des indices de prix ont été élaborés par département et par type d'habitat. De prochains développements, dès l'automne 2013, permettront de disposer d'indices par type de pièces pour les appartements.

Faciliter l'accès à la statistique immobilière

Le choix d'un indice qualitatif, dit « hédonique », a été arrêté pour éliminer les effets de structure et de qualité qui affectent des indicateurs plus simples comme la moyenne et la médiane. Un comité scientifique fait régulièrement évoluer la méthode, en toute transparence, en détaillant dans des notes de méthodologie ses conclusions et les modes de calcul.

Après un audit détaillé, l'Autorité de la Statistique Publique (ASP) a labélisé depuis 2011 nos indices franciliens, garantissant que le cadre méthodologique, la production et la diffusion de l'indice Notaires-INSEE sont parfaitement conformes au Code de bonne pratique de la statistique européenne.

Enfin, le rapport du CNIS (Conseil National de I'Information Statistique) de mars 2010 rédigé sous l'autorité de Bernard VORMS, recommandait aux notaires de s'appuyer sur les avant-contrats pour donner de premières tendances, au moment où les prix se forment sur le marché. Le notariat a mené ce nouveau chantier avec tout l'intérêt qu'il mérite. Et des premiers résultats sont disponibles avec des indicateurs avancés sur Paris et les Hauts-de-Seine. Ils ont montré depuis leur mise en ?uvre leur capacité prédictive. Des indicateurs par taille d'appartements vont également être produits.

Parce que tous ces efforts n'auraient aucun sens s'ils n'étaient utiles à la collectivité, les notaires franciliens ont choisi de faciliter l'accès à la statistique immobilière et de s'inscrire dans une politique de communication active et ouverte.

Permettre aux ménages de prendre leurs décisions en connaissance de cause

Le respect de nos obligations contractuelles envers l'INSEE et le souci permanent de la qualité des statistiques constituent un cadre d'actions stimulant. Nos différents sites Internet permettent d'accéder à des cartes de prix, aux indices Notaires-INSEE, également disponibles sur le site de l'INSEE, et à tous nos communiqués et dossiers de presse.
Nos rendez-vous avec les médias, largement relayés organisent une large diffusion de l'information. Au-delà et pour aller dans le détail, des outils spécifiques ont ensuite été développés pour les particuliers comme pour les professionnels intervenant dans l'immobilier.

La qualité et la représentativité de nos données, la fiabilité des calculs et la transparence des méthodes, la rapidité et la facilité d'accès aux statistiques doivent bénéficier à tous. Ce sera le cas après la mise en ?uvre effective de la loi du 28 mars 2011. La France aura ainsi sensiblement progressé en matière de connaissance du marché et les acteurs économiques pourront prendre leurs décisions en meilleure connaissance de cause.
 

*Christian Bénasse est président de la Chambre des Notaires de Paris