L’Amérique est déjà en faillite !

Par Michel Santi  |   |  853  mots
Pour Michel Santi, les Etats-Unis sont en faillite depuis 2011... Voire même depuis 1971! | DR
Dans sept jours, si le relèvement du plafond de la dette n'est pas voté par le Congrès, l'Amérique sera déclarée en faillite. Mais pour l'économiste Michel Santi, elle l'est déjà... et ça ne date pas de la semaine dernière...


Quelles seraient les conséquences d'un défaut de paiement américain, le 17 octobre prochain ou quelques jours plus tard ?

Ce sont des millions de salariés qui perdraient leur emploi. L'inévitable effondrement du marché immobilier. L'épargne des citoyens US volatilisée. Le Congrès des États-Unis complètement paralysé. De plus en plus de pays à travers la planète qui plaideraient activement en faveur d'une nouvelle monnaie de réserve, pour supplanter un dollar défaillant et de plus en plus contesté. Les États-Unis forcés de se retirer de nombre de leurs guerres. Le taux de chômage US qui s'envolerait pour se maintenir au-delà de 7% pendant de nombreuses années.

Mais pourquoi ces évènements dramatiques nous semblent-ils si familiers ? Tout simplement parce que les États-Unis d'Amérique ont déjà fait défaut, et qu'il est même possible de dater précisément cette banqueroute !

Le cours de l'or, symptôme de la faillite américaine

L'envolée de l'once d'or de 265 dollars (le jour de l'investiture de George W. Bush) à 1.800 dollars en 2011 n'est-elle pas, en effet, caractéristique d'une monnaie - et donc d'un pays - en pleine liquéfaction ? Et preuve incontestable du défaut de paiement des États-Unis, même si elle reste ignorée - ou niée - par l'écrasante majorité des citoyens américains ? Une autre théorie voudrait que les États-Unis aient fait défaut dès 1971, c'est-à-dire dès lors que le Président Nixon eut relégué aux oubliettes les accords de Bretton Woods, et définitivement abandonné toute convertibilité de sa monnaie contre l'or.

Pour autant, ne nous y trompons pas : si, aujourd'hui, le monde est suspendu au simulacre de tractations entre Républicains et Démocrates, si le monde est terrifié à la perspective que les États-Unis d'Amérique ne parviennent plus à honorer leurs engagements après le 17 octobre, si le monde redoute un « Lehman moment » à la puissance dix, c'est tout bonnement parce que ce pays conserve son « privilège exorbitant ».

La planète entière affectée

L'Oncle Sam n'est -encore et toujours- capable d'emprunter massivement et à si bon marché que parce qu'il est toujours considéré comme le refuge par excellence. Statut qu'il ne perdra certes pas du jour au lendemain, mais qui se retrouve néanmoins sérieusement déstabilisé par le psychodrame ayant lieu actuellement à Washington.

Avec des répercussions hélas catastrophiques pour le reste du monde, tant il est vrai que cette érosion du crédit américain affectera l'ensemble de la planète, et manquera pas de nous entraîner - nous Européens - dans sa chute !

Car ce ne sont pas les seuls États-Unis d'Amérique qui ne seront plus en mesure d'emprunter : une telle occurrence constituerait effectivement un évènement majeur, sans précédent, aux conséquences autant cataclysmiques que très très difficiles à prévoir.

Nous serions dès lors dans ce que les Anglo-saxons qualifient de « uncharted territory », soit l'équivalent de ce que nous ancêtres appelaient les « terres inconnues », à l'époque où la planète était encore inexplorée.

L'ironie d'une telle situation - qui eût pensé que je les appellerai un jour à la rescousse ? - est que l'ultime lueur d'espoir réside en un violent décrochage des marchés financiers qui remettraient les pendules à l'heure, et qui contraindraient enfin des politiques américains, en plein déni, à se rendre compte du sérieux de la situation.

Les marchés financiers doivent réagir

Il est vrai que les marchés n'ont jusque là fait parvenir aucun signe de fébrilité à des politiques qui ne ressentent en conséquence nulle pression de ce côté. S'il est à cet égard un enseignement à tirer des déboires européens, c'est que toutes les réformes entreprises ces dernières années l'ont été - et n'ont été - adoptées que sous les pressions et les menaces intenses des marchés financiers. Il sera cependant trop tard aux Républicains et aux Démocrates de réagir dès lors que les marchés se seront mis en branle.

Souvenons-nous en effet du mois de septembre 2008 où, par la faute d'un Congrès des États-Unis qui avait rejeté le plan de sauvetage de 700 milliards de dollars, l'indice Dow Jones réagit en enregistrant sa plus forte baisse de l'histoire, soit 778 points en clôture de séance. D'où l'adoption de ce plan par le Congrès quelques jours plus tard. Trop tard cependant puisque ces tergiversations laissèrent libre cours à la « Grande Récession ».

Un nouveau cataclysme est-il nécessaire aujourd'hui pour que les politicards de Washington prennent enfin leurs responsabilités ? Cette farce a assez duré.

 

 *Michel Santi, économiste franco-suisse, conseille des banques centrales de pays émergents. Il est membre du World Economic Forum, de l'IFRI et est membre de l'O.N.G. « Finance Watch ». Viennent de paraître : une édition étoffée et mise à jour des "Splendeurs et misères du libéralisme" avec une préface de Patrick Artus et, en anglais, "Capitalism without conscience".