Brignoles, la rupture est proche

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  725  mots
Le FN est devenu "le" parti "rentable" pour les médias. Son ascension traduit surtout la faiblesse de l'UMP et du PS. par Jean Christophe Gallien*

Près de 54 % avec 47 % de participation en progression de 14 points ! Le Front National l'a emporté dans un second tour d'une élection au scrutin majoritaire. Une cantonale partielle certes seulement représentative de 1/2500e du corps électoral du pays. Il faut remonter au précédent de la cantonale de Toulon en 1994 et la victoire de la candidate FN Éliane de La Brosse battant un vieillissant Maurice Arreckx. Le FN n'a plus besoin de la proportionnelle pour gagner et cette victoire illustre une dynamique politique réelle qui demeure pourtant encore difficile à estimer sur le plan électoral pour les prochaines échéances municipales et européennes.

Après l'élimination des gauches au premier tour, c'est l'UMP qui est battue au second tour. Le silence embarrassé des leaders de l'UMP absents tout au long de la semaine sur le terrain fait écho aux commentaires incertains des troisièmes couteaux socialistes abandonnés aux micros et autres plateaux de la soirée.

De quoi ont-ils peur ?

L'UMP et le PS qui redoutaient déjà les prochaines européennes, appréhendent désormais aussi les municipales. Au delà des rendez-vous électoraux ils craignent un parti devenu l'un des corps politiques les plus rentables pour les médias. Le FN fait vendre. Les différences tombent. La désinhibition est presque totale et touche en ligne médias, journalistes, citoyens mais aussi candidats et élus locaux et nationaux. UMP et PS découvrent aussi, avec la campagne de Brignoles, une organisation revitalisée. Finances, cadres renouvelés et formés, militants engagés, terrain occupé, électeurs mobilisés. Pourtant le FN et ses dirigeants le savent, à neuf mois du scrutin les 24 % d'intentions de votes aux élections du Parlement européen d'un récent sondage, ne disent pas totalement la réalité politique et électorale.

L'UMP, après son triste vaudeville

Reste que l'UMP est désormais très fragilisée. Après son triste vaudeville interne il y a près d'un an déjà, une nouvelle saison de la série du combat des egos se déroule sous l'ombre asphyxiante de Nicolas Sarkozy. Pendant ce temps les frontières entre UMP et FN bougent au niveau des électeurs et sympathisants et maintenant chez les élus locaux.

Et que dire du PS éliminé au premier tour avec le reste des gauches. Un Gouvernement illisible, qui se chamaille sans retenue et ce week end, le PS se déchire à quelques kilomètres de Brignoles dans la primaire marseillaise. La candidate de François Hollande, sa ministre, est éliminée. Accusations de clientélisme, d'organisation paramilitaire … le Président lui-même serait intervenu depuis un avion. Encore un combat de rue, au cœur d'un des partis dit de gouvernement de ce pays. La suite de ce nouveau feuilleton dans une semaine.

Une classe moyenne à la dérive

Ce spectacle est observé par une classe moyenne à la dérive, ballotée par la crise et qui ne parvient pas à voir le bout d'un tunnel sombre. Partout domine l'expérience concrète ou ressentie d'une insécurité qui désormais touche toutes les zones de la vie personnelle et de l'expérience collective. Domine un sentiment que l'état de droit s'étiole, que les minorités et communautés qui agissent maîtrisent davantage la démocratie devenue d'influence que la majorité silencieuse. Ils s'interrogent : qui nous écoute, nous ? Les mouvements que nous observons ne s'inscrivent pas dans la tradition d'un axe droite-gauche. Au cœur des incertitudes radicales et des vérités politiques faibles, les ruptures exprimées ne suivent pas les lignes de séparation des échiquiers politiques ou sociaux. S'intègrent, se réunissent dans le vote des différences, parfois très puissamment opposées.

Et puis il y a les crises de la mondialisation et là encore il y a la compréhension progressive que les politiques, les gouvernants sont perdus, qu'il sont eux-mêmes sans repères, sans vision, pire, sans pouvoir et éloignés dans un amateurisme hors sol accusant tous ensemble et dans la facilité lâche l'Europe et l'euro pour certains. L'avenir, sans défense, s'obscurcit encore. La crise de confiance est totale. La rupture est proche.

 

*Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

Président de j c g a

Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals