La France qui gagne est de retour

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  990  mots
Le football, c'est beaucoup plus qu'une compétition sportive. La qualification de la France pour la Coupe du monde lui permet de jouer un rôle dans une nouvelle diplomatie globalisée. Par Jean-Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Président de JCGA et membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals.

 Victoire ! La France des héros est de retour. Un otage, héros extraordinaire, s'évade et brave la barbarie et une équipe de 23 héros, plus ordinaires, reviennent du purgatoire.

Nous voyons tous, depuis une semaine, qu'avec le Football, un pays engage bien autre chose que le seul destin sportif, bien davantage même que l'enjeu économique, c'est de sa réputation globale et de sa compétitivité dont il s'agit. Et je dirai même d'une partie de son Mythe !

La France échappe au déclassement, enfin une bonne nouvelle

Le football est le sport mondial numéro 1, et la Coupe du Monde est l'événement sportif (et non sportif) le plus populaire, le plus regardé ! Pendant des mois, la planète va se passionner pour ce feuilleton sans équivalent. Tous les écrans vont se remplir, en continu, de ce contenu universel et sanctuaire, populaire et intime à la fois.

C'est un rendez-vous rare, qui n'a lieu que tous les 4 ans ! Nous avons quitté les écrans mondiaux du Football avec la triste sortie de Knysna en 2010 et nous les retrouverons donc, en 2014, au Brésil. Nous avons échappé au déclassement promis. Nous pouvons souffler, nous y serons ! Enfin une bonne nouvelle dans cet automne si triste.

Le foot, vecteur d'audience et de séduction d'un pays

Le sport, le football en particulier, est devenu une composante essentielle de la bagarre féroce pour la part d'audience globale d'un pays dans la compétition territoriale. Le rôle et la place d'un pays dans le monde ne se mesure plus seulement désormais à la force de son économie, à ses capacités militaires, à sa place dans les institutions de gouvernance internationale.

Il repose aussi sur la puissance de séduction notamment de ses idées, de ses savoirs, de sa culture, des ses talents et de sa réussite sportive ! Une nouvelle narration est à l'œuvre. La France qui a inventé tant de grands événements sportifs, qui contrairement à l'idée générale, a, au delà de ses seuls bons résultats, une vraie culture sportive, se doit d'y prendre tout son rôle.

Un élément majeure d'une nouvelle diplomatie

Il s'agit d'une dimension active de notre attractivité générale, pas seulement de l'image. C'est un élément majeur d'une nouvelle diplomatie comme, dans une autre dimension, le rayonnement culturel - cinéma, littérature, jeux vidéos, création audiovisuelle, patrimoine …, notre gastronomie ou notre patrimoine alimentaire, ou encore la vitalité académique de nos universités, … Nous sommes passés d'une diplomatie des Etats à une diplomatie dite publique. Entre soft power et smart power, on parle directement aux opinions publiques digitalisées, très mouvantes, disponibles, et surtout qui constituent un marché géant et renouvelé.

Une part de notre message au reste du monde

Le sport et le Football, c'est donc une part de notre message au reste du Monde. Une déclaration de notre ambition. Une France qui peut gagner, qui peut faire rêver, qui peut attirer les regards, les envies, les talents et l'argent ! C'est essentiel, en particulier pour notre conversation avec les jeunes générations de l'opinion publique mondialisée qui n'ont que très peu de connaissance, même d'intérêt, voire d'affection pour notre pays. Ils vont faire le Monde de demain. Ils sont disponibles pour notre propre narration mais ils doivent être impactés !

La coupe du monde, un rendez vous majeur sur l'agenda global

 

Il faut des points de contact, des moments et des lieux. La phase finale de la Coupe du Monde est un rendez-vous majeur de l'agenda global. Comme un concentré de Jeux Olympiques d'été. Pour la plupart, ces jeunes gens vont vivre leur premier événement global l'été prochain. Ils n'ont aucun lien de mémoire ou d'affection avec les années Platini, davantage peut-être avec celles de Zidane. Et pour gagner une part de leur attention et maintenir notre part d'audience dans la compétition globale, il faut sans cesse réinventer notre propre série. Grace à cette équipe de France, cette fois sans grand leader charismatique, nous ne sauterons pas une génération, l'aventure continue, pas d'écran noir.

Au Brésil, au croisement de deux mondes 

Et le rendez-vous final aura lieu au Brésil ! Pays roi du Football et surtout leader des émergents de l'Amérique du Sud et plus largement d'un Sud qui s'est largement affranchis de ses complexes supposés et conteste le Nord sur tous les terrains. Est à l'oeuvre une redistribution de la puissance à l'échelle du globe. La Coupe du Monde brésilienne est un rendez-vous central de ce croisement de deux Mondes, de deux époques, comme un basculement que la France ne pouvait manquer.

Développer une ligue nationale professionnelle ambitieuse

Demeure cependant une dimension de l'expérience du Nord que le Sud continue, pour un temps, à supporter. Elle est sportive ! Certains championnats et ligues de sport professionnels comme la NBA américaine ou la Premier League anglaise constituent ainsi de véritables plateformes de développement et d'influence pour leurs pays et leurs économies qui attirent talents et investissements du Sud. Il nous reste donc nous aussi à développer une ligue nationale professionnelle ambitieuse au coude à coude avec la Bundesliga allemande et juste derrière la Premier League en profitant des ajustements économiques de la Liga espagnole et du Calcio italien.

Regarder en face la globalisation du football

Le championnat de France peut et devrait aborder, comme notre pays, un virage qui l'oblige à regarder en face, sans crainte, la globalisation du Football et plus sérieusement celle du Monde et à tenter de s'y relocaliser, là aussi, victorieusement. Mais attention à la taxe à 75% ! Et ca c'est l'autre sujet du jour : la réforme fiscale.

 

*Jean-Christophe Gallien est Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Président de JCGA et membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals.