Michel Barnier, l’homme qui voulait devenir président !

Par Florence Autret  |   |  702  mots
Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et aux Services depuis 2010./ Reuters
En quatre ans, Michel Barnier s'est forgé un profil atypique d' « européen-gaulliste ». Il a pour concurrents Martin Schulz et récemment Jean-Claude Juncker: tous convoitent la présidence de la Commission européenne. Le savoyard a-t-il (encore) ses chances ?

Quand Michel Barnier est revenu à Bruxelles pour un deuxième mandat de commissaire européen, le Savoyard avait pensé faire couvrir de lambris les murs de son bureau du Berlaymont. Il a renoncé... Et s'il parle toujours avec une certaine émotion des Jeux olympiques d'Albertville, pour lesquels il forma un improbable binôme avec l'ancien champion Jean-Claude Killy, Michel Barnier s'est si bien acclimaté à la froide fonctionnalité du siège de la Commission européenne qu'il aimerait y rester… Si possible en déménageant au 13e étage, celui de la présidence.

Pour autant, le commissaire au Marché intérieur et aux Services, qui a présenté plus de 40 textes législatifs en quatre ans - dont le colossal chantier de l'Union bancaire - ne veut entendre parler ni de « bilan », ni de « testament ». Quelles sont ses chances de succéder à l'actuel président, José Manuel Barroso ?

L'entourage du commissaire élude élégamment la question

« Il ne fait pas partie du premier cercle, mais le nouveau président est rarement choisi parmi les favoris. Or, dans le deuxième cercle, il est le premier. »

Le premier cercle est celui des anciens chefs d'État et de gouvernement, comme le furent le Portugais Barroso lui-même et son prédécesseur italien, Romano Prodi.

La voie s'est cependant progressivement dégagée ces dernières semaines, depuis que la chancelière allemande, Angela Merkel, a concédé que la tête de liste du Parti populaire européen aux élections européennes serait également candidat à la présidence de la Commission.

Or, il n'y a que deux candidats sérieux : l'ancien Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, et Michel Barnier.

Barnier, l'européen gaulliste

En quatre ans, le Français s'est forgé un profil politique atypique, à la fois européen et gaulliste, de droite et défenseur d'une Europe plus sociale. Assidu dans l'hémicycle, attentif à nommer chaque élu travaillant sur les dossiers qu'il traite, il jouit parmi les députés d'un soutien qui dépasse largement les rangs du Parti populaire européen.

« C'est un homme de l'UMP, mais tout sauf un animal politique enfermé dans un carcan idéologique », juge l'écologiste belge Philippe Lamberts, qui préfère le Français au candidat des sociauxdémocrates, Martin Schulz.

À la Commission, Michel Barnier a fini par dompter des services nettement plus libéraux que lui. Arrivé sans expertise dans le domaine financier, « il a su s'entourer », remarque un lobbyiste.

À commencer d'un chef de cabinet, ancien collaborateur lors de son premier mandat de commissaire, devenu depuis son meilleur atout. Olivier Guersent, haut fonctionnaire français atypique qui se flatte de ne pas être passé par l'ENA et Sciences Po Paris, a roulé sa bosse dans les cabinets des commissaires à la Concurrence. Il partage avec son patron à la fois une certaine défiance pour le prêt-à-penser idéologique de la Commission et l'ambition - pour l'instant irréalisée - de développer une vraie politique industrielle européenne.

Le sort aurait pourtant pu défaire ce binôme. Peu après le début du mandat, un grave accident de moto avait immobilisé Olivier Guersent pendant plusieurs mois. Il avait remis sa démission au commissaire, qui l'avait refusée. Il reprendra le travail avec des béquilles.

Depuis, il fait rempart aux lobbyistes trop insistants, n'hésite pas à prendre la plume pour corriger la copie des services, comme encore récemment sur la réforme des structures bancaires, et démine un à un les obstacles dressés par Berlin à l'Union bancaire.

La gauche européenne derrière la candidature de Schulz !

S'il obtient l'investiture du Parti populaire européen en mars, le Français a donc ses chances. À condition que la droite l'emporte, ce qui n'est pas fait. Les socialistes, eux, se sont rangés depuis longtemps derrière Martin Schulz, l'actuel président du Parlement européen qui a commencé à avancer ses pions à Berlin à la faveur de la formation de la coalition entre les sociaux-démocrates et la CDU d'Angela Merkel.

Au final, pour la première fois, cela pourrait bien être les électeurs européens qui choisiront le prochain président de la Commission européenne.