Allemagne : trou d'air ou décrochage ?

Par Alexandre Mirlicourtois  |   |  511  mots
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi.
L'Allemagne va-t-elle entrainer la zone euro vers le fond ? Cette question, nous nous la posions déjà à la rentrée lors d'une vidéo sur les pannes de l'économie allemande et d'insister sur les risques d'une récession technique au 3ème trimestre.

Coup sur coup, 2 séries d'informations viennent donner de l'épaisseur à l'hypothèse d'un recul allemand. Ce sont d'abord les soldes d'opinions des chefs d'entreprise qui décrochent encore et encore. L'indice IFO, qui donne le pouls du climat des affaires outre-Rhin, vient d'enchainer son 5ème mois consécutif de baisse. Quant aux attentes des dirigeants pour les 6 premiers mois, elles n'indiquent rien de bon à venir. C'est ensuite le coup d'arrêt inquiétant de l'industrie.

La production manufacturière a reculé de 4,7% en août dernier, c'est le recul le plus appuyé depuis janvier 2009 (-8,2%), au plus fort de la crise. Le détail des chiffres de la production est également alarmant. Les biens d'équipement sont particulièrement malmenés avec un recul de 8,8%.

C'est également le pire résultat depuis janvier 2009 et cela augure mal l'évolution de l'investissement. Alors bien sûr une partie de ce revers s'explique par le calendrier des vacances, des vacances plus tardives cette année et plus concentrées sur le seul mois d'août, notamment dans l'industrie automobile. Mais là aussi l'explication est trop courte comme le montre l'évolution des carnets de commandes qui ont également flanché cet été : avec -5,7%, le décrochage en août dernier est violent. Limiter l'analyse à un simple choc conjoncturel serait trop réducteur.

Pays mercantiliste

Si l'Allemagne connait des ratés, c'est que son modèle de croissance cale. En ayant beaucoup misé sur les émergents comme le montre l'évolution synchrone des exportations allemandes et la croissance de ces pays, l'Allemagne s'est mise à la merci de tout retournement.

Or les BRIC s'enlisent. Et ce n'est pas dans une Europe piégée dans l'austérité salariale et budgétaire que les exportateurs allemands peuvent trouver des relais de croissance. C'est ensuite, la concurrence de plus en plus rude venue du Japon et des Etats-Unis en plein renouveau industriel.

L'Allemagne, on le sait, c'est aussi un contrôle très strict de ses coûts de production condition sine qua none pour rester compétitif. Un contrôle qui passe par celui de la main d'œuvre. Alors oui, les chefs d'entreprise ont fait des concessions. Mais les coûts horaires, qui semblaient s'orienter vers des rythmes de croissance annuels de 3-4%, ont soudainement décroché et restent coincés en dessous de 2%. C'est un peu léger pour faire reposer la croissance sur la seule demande domestique.

Les distributeurs n'y croient pas

L'évolution de l'indice Ifo resserré sur les seules attentes des distributeurs pour le prochain semestre ne poussent pas à l'optimisme. Manque d'investissement dans les infrastructures, vieillissement de la population accentuent le trait d'une économie moins flamboyante et robuste qu'habituellement décrite.

Or on parle là de la 1er puissance économique eurolandaise, on parle là de près de 30% du PIB de la région. Ce n'est pas le chant du cygne mais on comprend mieux comment l'Allemagne peut nuire à la reprise européenne.

>> Plus de vidéo sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique