La tour Triangle, un monument pour l’attractivité du Grand Paris

Par Jean-Louis Missika  |   |  1172  mots
En offrant 5 000 postes de travail, Triangle permettra à Paris de renforcer sa place dans la compétition internationale pour accueillir des sièges sociaux.
La polémique sur la tour Triangle, soutenue par la majorité municipale et le Medef Paris, mais contestée par les riverains et l’opposition de droite, relance le débat sur la construction de grands ensembles. Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris chargé de l'urbanisme, de l'architecture, et des projets du Grand Paris, prend sa défense.

"L'architecture de Jacques Herzog et Pierre de Meuron combine l'art d'une profession séculaire et l'approche nouvelle ouverte par les capacités techniques d'un nouveau siècle." Tels sont les mots d'introduction du jury qui leur a attribué, en 2001, le prix Pritzker, considéré comme le prix Nobel de l'architecture.

Ces architectes - de réputation internationale notamment pour leurs travaux respectueux de l'environnement et du contexte local - offrent à Paris le projet de tour Triangle. Le prochain conseil de Paris du 17 novembre doit décider, à l'occasion d'une délibération technique, de son avenir et donc d'un pan essentiel de l'attractivité internationale de Paris.

Une vision historique et moderne

La construction urbaine de Paris passe par des gestes architecturaux qui donnent à ses quartiers une identité claire et visible. L'histoire de Paris est ponctuée d'une succession d'initiatives qui définissent des lieux urbains forts, à l'instar de la tour Eiffel, du centre Pompidou, de la bibliothèque François Mitterrand sans oublier la pyramide du Louvre. Et cette histoire s'inscrit non seulement dans le présent, avec la récente ouverture du Nuage de Frank Gehry dans le Bois de Boulogne, mais aussi dans un futur proche, avec le nouveau Palais de Justice de Paris aux Batignolles, qui présente d'ailleurs certaines similitudes dans l'approche urbaine.

Le quartier de la porte de Versailles et donc le sud-ouest de Paris, longtemps délaissé, peuvent voir aujourd'hui se développer un « phare » qui signalera un territoire métropolitain, repère d'une forte vocation économique, d'emplois et d'attractivité internationale. Herzog et de Meuron proposent donc un monument fort et emblématique, une pyramide qui incarne la force de Paris dans la compétition entre les « villes mondes ». Il ne s'agit pas de prendre le chemin de Londres qui multiplie par centaines les tours de grande hauteur, mais de respecter Paris dans sa dimension à la fois historique et moderne. Le monument proposé par Herzog et de Meuron s'inscrit dans la rénovation complète du Parc des expositions de la porte de Versailles, un investissement nécessaire pour que Paris continue à être une des villes internationales qui comptent dans le marché des salons et des congrès, marché qui contribue à tout un pan de notre économie, notamment le tourisme d'affaires. Dès 2018, le Parc des expositions accueillera un nouveau centre de congrès et sera entièrement remodelé grâce aux contributions des plus grands architectes comme Jean Nouvel, Christian de Portzamparc, Denis Valode et Jean Pistre ou Dominique Perrault.

Le projet de Triangle contribuera lui aussi à l'attractivité et à la visibilité du Parc des expositions. Il s'inscrit dans le coeur de la métropole parisienne que nous souhaitons bâtir. Il ouvre par ailleurs de nouvelles possibilités d'aménagement de l'espace public et permet l'implantation d'un nouveau jardin d'environ 8 000 m2 dans l'espace libéré le long du boulevard Victor. Car l'élévation permet de libérer des emprises au sol pour des usages publics.

Une liaison avec les communes voisines

Le quartier entier de la porte de Versailles bénéficie des dynamiques créées notamment par l'arrivée des tramways T2 et T3 et du projet du ministère de la Défense à Balard. Mais il faut aller au-delà : le projet Triangle est né de la volonté de transformer la porte de Versailles en rétablissant l'axe Paris/Issy-les- Moulineaux qui préfigure la construction du Grand Paris. L'oeuvre pensée par Herzog et de Meuron est d'ailleurs perpendiculaire au boulevard périphérique, en opposition aux « bâtiments murs » qui forment des frontières sur de nombreuses portes de Paris.

Le projet Triangle est ainsi conçu pour être un facteur de liaison entre Paris et les communes voisines et contribue ainsi à la construction du projet du Grand Paris. Cette entreprise mérite un tel geste. Les maires d'Issy-les-Moulineaux et de Vanves, qui soutiennent le projet, ne s'y sont pas trompés. Espace urbain ouvert, construit en pleine terre et non sur dalle, ce monument sera accessible au public avec en rez-de-chaussée des espaces dans un atrium ouvert sur le quartier et dont les usages restent à inventer, complété de  1500 m² de commerces : ce projet rendra à l'espace public le caractère d'une rue parisienne animée. Une crèche de 60 berceaux et un centre de santé de 550 m² pour une offre pluridisciplinaire de soins viennent compléter les besoins de proximité.

Deux ascenseurs inclinés relieront l'atrium à un restaurant panoramique en haut de la pyramide. La visite pourra ensuite se prolonger dans les plus hauts niveaux de Triangle, jusqu'au belvédère, d'où l'on découvrira des vues exceptionnelles sur l'ensemble de la métropole. Tout comme la tour Eiffel, ce bâtiment sera touristique et les deux monuments engageront un dialogue dans le « skyline » parisien. La modernité de ce projet est reconnue, qu'il s'agisse de qualité architecturale, de performances énergétiques ou d'intelligence d'implantation. Ce sera une belle oeuvre qui participera demain à l'identité de notre ville et qui se révèle nécessaire pour la compétitivité et l'attractivité de Paris.

Les retombées d'un investissement

En offrant 5 000 postes de travail, Triangle permettra à Paris de renforcer sa place dans la compétition internationale pour accueillir des sièges sociaux. Surtout, ces bureaux offriront des conditions de travail inégalées aux salariés. La modernité et la modularité des espaces répondront aux besoins en lieux de travail dont Paris a cruellement besoin. Les constructions haussmanniennes n'offrent pas la flexibilité nécessaire aux nouveaux modes de travail. Les grands investisseurs comme les startup de la nouvelle économie veulent des espaces qui ressemblent au xxie siècle. Nous ne pouvons faire l'impasse sur 85 000 m2 de bureaux intelligents dans un bâtiment emblématique et respectueux de l'environnement. Et surtout, il est absurde de refuser, pour des considérations relevant d'un simple calcul politique, un investissement de plus de 500 millions d'euros dans notre ville - l'équivalent d'une commande d'environ 250 rames de tramway.

Dans cette période de crise économique, financière et budgétaire, que connaît notre pays, il semble pour le moins curieux de refuser un tel investissement porté à cent pour cent par des fonds privés. Le signal envoyé aux investisseurs nationaux et internationaux serait dévastateur. Sans aucun financement public, cette réalisation permettra de créer plus de 5 000 emplois directs et indirects pendant la période de construction et cela pour tous les corps de métier (bâtiment, bureaux d'études, conseil, légal, services...). Une fois construite, Triangle concernera plus de 5 000 salariés avec des retombées évidentes pour l'économie parisienne et métropolitaine.

L'activité économique induite par ce projet bénéficiera donc à l'économie francilienne et à l'emploi, mais sera aussi source d'importantes recettes fiscales pour les collectivités territoriales. Les conseillers de Paris devront prendre leur responsabilité et répondre en conscience à cette question simple : est il juste, en empêchant une oeuvre architecturale de grande qualité, de faire l'impasse sur un accélérateur de croissance, d'emplois et d'attractivité ?