« Action logement » aujourd’hui, « Inaction logement » demain ?

Par Alexandra François-Cuxac  |   |  600  mots
"Mettons plutôt Action logement au défi de mobiliser tous ses outils et toutes ses ressources, pendant deux ou trois ans, au service de la relance de notre économie et de la cohésion de notre pays", plaide a présidente de la fédération des promoteurs immobiliers (FPI), Alexandra François-Cuxac. (Crédits : Bernard Lachaud)
TRIBUNE. Le gouvernement semble décidé à ponctionner la trésorerie de l'ex-1% Logement, alors que ce dernier permet le pilotage coordonné de près d'un million de logements sociaux. Par Alexandra François-Cuxac, présidente de la fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

2021 marquera vraisemblablement la fin d'un modèle paritaire, sans équivalent étranger, qui fonctionne depuis près de 70 ans : Action logement, longtemps connu sous l'appellation de « 1 % logement ». Le Gouvernement semble décidé non seulement à ponctionner sa trésorerie, mais aussi à le priver, au moins en partie, de sa ressource récurrente : une contribution annuelle des entreprises représentant 0,45 % de leur masse salariale (la participation des entreprises à l'effort de construction, ou PEEC). Ce 1,5 Md€ fera désormais défaut pour financer la politique du logement des salariés, au moment précis où nous en avons le plus besoin.

Il faut dire qu'Action logement a mauvaise presse à Bercy, depuis de longues années. Les partenaires sociaux se sont pourtant conformés aux exigences de l'Etat, au prix de plus de 10 ans de réformes incessantes. D'une part, une profonde transformation a ramené le système d'une centaine de collecteurs concurrents à ... une seule structure, garante d'un pilotage global efficace et efficient, où l'Etat est d'ailleurs représenté et pèse sur les décisions. D'autre part, les « emplois » de la PEEC sont « négociés » avec l'Etat qui, de fait, impose largement ses choix. Action logement est ainsi devenu la « poche profonde » dans laquelle l'Etat trouve de quoi financer ses propres structures, comme l'ANRU, ou des programmes relevant de la solidarité nationale plus que du logement des salariés, comme les copropriétés dégradées ou l'adaptation des logements au vieillissement.

Est-ce opportun de se priver d'un tel levier ?

Rien dans les réalisations d'Action logement ne trouve grâce aux yeux de ceux qui considèrent, par facilité, que tout euro public investi dans le secteur du logement est un euro perdu - surtout s'il est investi dans un cadre paritaire. Pourtant, si toutes les politiques publiques sous le pilotage de l'Etat pouvaient présenter un bilan aussi positif qu'Action logement, notre pays s'en porterait certainement mieux : Action logement permet le pilotage coordonné de près d'un million de logements sociaux ; il soutient l'accession à la propriété des salariés modestes ; il cautionne le bail de plus de 300.000 jeunes actifs, étudiants et alternants ; il contribue au renouveau des villes moyennes sur tout le territoire etc.

Naturellement, ce bon bilan n'exempte pas Action logement de poursuivre ses efforts de rationalisation et de réorganisation, comme ses équipes s'y emploient déjà, souvent malgré l'Etat et son micro-management pointilleux, plus que grâce à lui. De même, il n'est pas illégitime que l'Etat et les partenaires sociaux discutent du bon niveau de la PEEC qui, de fait, s'analyse comme un impôt de production, qui pèse sur notre compétitivité. Mais qui ne voit pas qu'en réalité, ce débat est biaisé, et que la fin de l'histoire est écrite : la PEEC est vouée soit à disparaître, soit à arroser le sable du déficit public. C'est vers une « Inaction logement » que ce processus nous conduit peu à peu ...

J'ai peine à croire que notre pays soit suffisamment riche d'outils efficaces, qui créent de la cohésion sociale et territoriale et qui favorisent le dialogue social, pour que nous puissions, l'esprit léger, laisser déconstruire Action logement.

Nous traversons une crise inédite par son ampleur, et nul n'en voit encore l'issue : est-ce opportun de se priver d'un tel levier ? Mettons plutôt Action logement au défi de mobiliser tous ses outils et toutes ses ressources, pendant deux ou trois ans, au service de la relance de notre économie et de la cohésion de notre pays. C'est à l'aune de cette contribution qu'on pourra juger de son utilité.