Biden ou Trump ? Rien n’est joué

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  1252  mots
(Crédits : Reuters)
OPINION. Dans 8 semaines, les Etats-Unis vont élire leur Président pour les 4 prochaines années. Comme dans une campagne permanente, tout va très vite au pays de l'Oncle Sam, surtout depuis la victoire de Donald Trump en 2016. Jusqu'à la crise du COVID-19, le match Joe Biden Donald Trump était ouvert, sinon équilibré. 8 mois plus tard, Joe Biden semble intouchable et promet au Parti Démocrate un retour quasi certain à la Maison Blanche. Par Jean-Christophe Gallien (*), professeur associé à l'Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, président de j c g a.

Vérité absolue ? Reportons-nous 4 ans plus tôt et rappelons-nous des certitudes d'Hillary Clinton, des instituts de sondages, des experts, voire de celles des bookmakers qui s'effondrèrent face à l'ouragan du « Make America Great Again ».

Les sondages, les médias et les experts votent Joe Biden

10 sondages publiés la semaine dernière placent Joe Biden en tête avec une avance moyenne de 6,9 % sur Donald Trump. Les écarts varient entre 2 % et jusqu'à 10 % d'avance. La tendance longue maintient donc Joe Biden en tête mais Donald Trump réduit l'écart depuis fin juin quand la moyenne des mêmes sondages proposait un retard de 10 points du Président sortant. Le rebond Républicain a surtout fait suite à la Convention nationale du parti fin août. Si l'on projette une marge d'erreur des sondages de 2,4%, la challenger démocrate l'emporterait encore.

L'impact décisif de la pandémie du coronavirus semble condamner Trump

L'écart entre les 2 candidats s'est creusé alors que la pandémie du coronavirus traversait les Etats-Unis et s'installait. Les nombreuses difficultés de Donald Trump face à cette épreuve, une gestion changeante, peu lisible, les dégâts sanitaires puis économique, ... le cocktail perdant entre défaites sanitaire et économique semblent ne lui laisser aucune chance. Certains des supporters du héro de 2016 ne le suivent plus voire l'on déjà quitté pour s'engager pour Joe Biden. Même les seniors et les populations blanches de la Rust Belt s'interrogent sur le fait d'aller voter. Les manifestations massives contre l'injustice raciale et la brutalité policière ont quant à elles largement accélérés la mobilisation des démocrates dans un contexte marqué par la montée de la demande pour la sécurité.

Joe Biden le candidat de l'unité nationale

Inégalités sociales, raciales, sécurité, épidémie du coronavirus et santé, politique étrangère, ... sur la plupart des enjeux thématiques de l'élection à venir, Joe Biden creuse l'écart dans les résultats de nombreux sondages. Le ticket Biden / Harris semble avoir gagné la bataille de la confiance dans une période de crise qui semble sans fin. Les américains cherchent, comme d'autres, ici aussi, un bateau de sauvetage pour traverser cette tempête.

La reconquête économique seul point fort de Donald Trump

Echappe à Biden, l'enjeu de la reconquête économique, véritable oasis électorale pour Donald Trump, 53% des Américains lui font davantage confiance à pour faire redémarrer l'économie. Pour résumer les enjeux de la bataille thématique, rien de plus précis que la formule de Mark Penn directeur de Harvard CAPS / Harris Poll : « Joe Biden est le candidat du vivre-ensemble, tandis que Donald Trump est le réparateur de l'économie ».

La campagne entre dans son money time et une atmosphère inédite de tensions

2 mois, c'est long, très long, surtout dans la présidence Trump. L'essentiel de l'effort de campagne est encore à venir. La lutte sera acharnée. Les 2 camps vont se déchaîner dans une atmosphère totalement inédite, prête à exploser entre tensions internes et externes démultipliées. Et surtout des événements par définition imprévus pourraient provoquer des changements tant l'écart moyen demeure faible même s'il est supérieur de 2,9 % - 6,9 contre 4 % - par rapport à 2016 quand Hillary Clinton pensait l'avoir emporté.

Moins d'indécis qu'en 2016 à la même époque

Indication favorable à Joe Biden, les sondages récents tels le sondage CBS News / YouGov qui indique que seulement 3% des électeurs sont indécis, semblent indiquer que la majorité des électeurs a décidé de son vote. Rappelons que lors de l'élection de 2016, de très nombreux instituts de sondages n'avaient pas réussi à comprendre la masse et les mouvements des électeurs qui se sont décidés à la dernière minute. Les études montrent que lorsqu'un candidat est largement favori, ses supporters sont davantage susceptibles de ne pas se déplacer au bureau de vote le jour du scrutin. Plus encore avec les effets du coronavirus. D'où l'enjeu central du vote par correspondance côté démocrate.

Les Etats clés du résultat d'une élection indirecte souvent déformée

Si comme Joe Biden, Hillary Clinton était en tête dans les sondages, les projections étaient plus floues lorsque l'on s'intéressait de prés aux Etats clés pour la victoire au niveau des grands électeurs. Rappelons que le vainqueur de l'élection sera décidé par le vote d'un collège électoral de grands électeurs et non directement par le vote populaire.

Le nombre de grands électeurs reflète le poids démographique de chacun des Etats. Les candidats avec le plus de votes dans un État obtiennent tous les votes des collèges électoraux, sauf dans le Maine et le Nebraska. Le vainqueur doit atteindre 270 voix. Gagner avec une voix d'avance ou 100 000 ne change donc rien au résultat final, qui se joue au sein du Collège électoral. Et le sort de l'élection se joue dans une poignée d'Etats essentiels.

On s'intéressera peu à la Californie, à l'Etat de New York qui voteront démocrate, ni à la Louisiane, l'Alabama, le Mississippi, le Nebraska, Kansas, Wyoming, Oklahoma, Dakota du Nord, Dakota du Sud, qui eux voteront républicains. En revanche Floride, Texas, Pennsylvanie, Ohio, Colorado, New Hampshire ... sont parmi ceux qui vont nous passionner.

Joe Biden en tête dans les Etats pivots

Cette année la situation dans les Etats sensibles de 2016 est clairement favorable à Joe Biden qui se retrouve en tête des sondages en Arizona - + 2% -, Floride - + 5% -, Michigan - + 6,7% -, Minnesota - + 5,3% -, Nevada - + 4% -, New Hampshire - + 9,7% -, Ohio - + 2,3% -, Pennsylvanie  - + 5,7%, Virginie - +11,5% -, Wisconsin - + 6,5%. Donald Trump quant à lui se retrouve devant en Géorgie - + 1,1% -, Iowa - + 1,7% -, Caroline du Nord - + 0,6% -, et au Texas - + 3,5% -.

Et sans grand étonnement les agendas des déplacements des 2 candidats dans les 8 prochaines semaines annoncent une polarisation de la campagne sur ces Etats.

Joe Biden semble se concentrer aussi sur la bataille de Etats perdus en 2016 tout en tentant de valoriser les mouvements démographiques et ethnologiques des Etats du Sud, encore réserves de votes Républicains à ce jour.

Donald Trump, s'il veut rester à la Maison Blanche, doit absolument parvenir à conserver les Etats clés de sa victoire de 2016. Ses prises dans la géographie démocrate, Michigan, Wisconsin et Pennsylvanie. Il devra aussi bloquer la fuite d'Etats Républicains du sud, Arizona, Caroline du Nord et Floride.

Les bookmakers annoncent que ce sera serré

Révélateurs du caractère incertain de l'élection et des tendances à l'œuvre qui montrant un rapprochement, les bookmakers annoncent une course serrée. Alors que Joe Biden détenait une large avance sur Donald Trump avant les conventions du parti, les books offrent désormais des cotes se rapprochant.

A leur manière, les bookmakers indiquent que même des sondages très favorables ne suffisent pas à eux seuls pour que Joe Biden revendique déjà la victoire, en particulier lorsque Donald Trump est impliqué.

En 1988, Michael Dukakis était en tête des intentions de sondage avec 17 points d'avance à la même époque ou presque. Quelques semaines plus tard, George Bush devint Président. Faites vos jeux !

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(*) Par Jean-Christophe Gallien
Politologue et communicant
Directeur associé de ZENON7, Président de j c g a
Enseignant à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

Directeur Associé de ZENON7