Chômage : l'Allemagne et la Grande-Bretagne font-elles vraiment mieux ?

Par Ivan Best  |   |  600  mots
François Hollande et le premier ministre britannique David Cameron. La Grande-Bretagne affiche un taux de chômage très faible, notamment grâce au temps partiel
Si l'Allemagne et la Grande-Bretagne affichent des taux de chômage beaucoup plus faibles que la France, c'est avant tout grâce à un recours bien plus élevé aux emplois atypiques, de courte durée

Il est de bon ton de considérer que le plan d'urgence pour l'emploi de François Hollande tient du bricolage, de l'addition de mesures de traitement social du chômage, simplement destinées à extraire des chômeurs du marché du travail, afin de les sortir des statistiques.
Ailleurs, en Europe, règnerait au contraire l'éden du plein emploi, obtenu au moyen de réformes salvatrices. De fait, les écarts de taux de chômage sont importants : le chômage touchait en novembre 4,5% de la population active en Allemagne, selon Eurostat, 5,2% au Royaume Uni, et.... 10,1% en France (données corrigées des variations saisonnières).

Ce « story telling » abondamment repris par nombre de commentateurs, ne correspond pas vraiment à la réalité, à en croire Olivier Passet, économiste chez Xerfi, qui a étudié la question de l'emploi en Europe. « En fait, en additionnant les mesures, en tentant par exemple de relancer l'apprentissage, François Hollande s'inspire des exemples étrangers» affirme-t-il.
Dans ces pays souvent cités, qui affichent des taux de chômage très faibles, les jeunes « galèrent » tout autant ou presque qu'en France. La différence, c'est qu'ils trouvent plus souvent des « mini jobs ». Le graphique ci-dessous montre la montée en puissance de la part des temps partiels courts, aux Pays Bas, Royaume Uni et Allemagne. En France, au contraire, leur part dans l'emploi reste faible. Ces temps partiels représentent une bonne approximation des mini jobs et autres contrats d'autoentrepreneur. « Le fractionnement des jobs est un bon moyen de doper le taux d'emploi », souligne Olivier Passet.

Temps partiel court (moins de 20h hebdo) en % de l'emploi total

 source: OCDE

Si l'on considère la seule catégorie des jeunes, le constat est encore plus frappant. 60% des jeunes en emploi aux Pays Bas ont signé un contrat de moins de 20 heures par semaine, comme on le voit sur le graphique ci dessous. 24,2% au Royaume Uni, et 17% en Allemagne. En revanche, en France, seuls 9% des jeunes en emploi ont des postes à temps partiel

Temps partiel court (moins de 20 heures hebdo) en % de l'emploi des jeunes

en % de l'emploi des 15-24 ans  source: OCDE

Si l'on considère maintenant le taux d'emploi court, c'est à dire la proportion d'une tranche d'âge -toutes personnes confondues- employée sur un contrat de moins de 20 heures par semaine, le constat se confirme. Notamment pour le Royaume-Uni, où une part très importante de la population des 15-64 ans se trouve bloquée sur ce type de contrat, notamment parce qu'ils sont largement détaxés.

 Taux d'emploi court (moins de 20h hebdo) pour les 15-64 ans

% des 15-64 ans en emploi court  source: OCDE

"Plus généralement, les écarts de taux d'emploi global entre ces pays s'expliquent donc largement par le recours ou non au temps partiel" relève Olivier Passet. Autrement dit, le taux de chômage dépend de l'abondance de ces contrats courts. En France, seules 3,8% des personnes âgées de 15 à 64 ans sont donc employées dans le cadre de contrats de de 20 heures par mois, soit trois fois moins qu'en Grande-Bretagne (graphique ci dessus).

 Taux d'emploi court (moins de 20 h hebdo) pour les 15-24 ans

 S'agissant des jeunes, les écarts se confirment également. Seuls 2,5% des 15-24 ans en France se trouvent en emploi courts (le plupart sont lycées, étudiants, ou chômeurs...). Au Royaume Uni, ils sont cinq fois plus nombreux.

Faut-il mieux avoir un ou deux jobs à temps très partiel, mal rémunérés, qu'être au chômage? Là est toute la question... et le choix différent fait par la France.