Désolé... toutes les munitions sont épuisées !

Par Michel Santi  |   |  645  mots
(Crédits : Charles Platiau)
CHRONIQUE. L'inflation et la déflation aboutissent au même résultat : la perte du pouvoir d'achat. Jusque dans un passé très récent, la déflation fut induite par les délocalisations au sein des pays en développement conjuguées à une escalade des niveaux d'endettement au niveau global.

Ayant tenté - parfois de manière désespérée - de ressusciter l'inflation, les banques centrales furent royalement et involontairement servies et exaucées par la pandémie qui eut pour effet macroéconomique principal de donner un coup d'arrêt à la production et à l'offre en général pendant que la demande, elle, restait intacte voire augmentait grâce aux stimuli mis en place par les Etats. C'est bien sûr ce déséquilibre massif qui fut l'étincelle décisive ayant rallumé un feu inflationniste que l'on croyait définitivement éteint.

Un certain nombre de pays aux économies modernes - et pas les moindres dont le Japon et la Suisse - n'avaient-ils pas tout essayé, et pendant des décennies, pour tenter d'en raviver ne serait-ce que quelques flammèches ? Tant et si bien que l'expression de « décennie perdue » avait fait son entrée dans le jargon et que je commis moi-même plusieurs analyses affirmant que nous étions devenus « tous japonais ». La pandémie eut donc un effet dévastateur et foncièrement déstabilisant sur les chaînes d'approvisionnement. Inventaires et stocks en liquéfaction, commandes faites en grand nombre et à double par crainte de pénuries, rétention de marchandises furent autant d'actions communes multipliées par le nombre d'humains confinés, du reste largement stimulées par les tombereaux de liquidités et de subsides déversés sur les économies et sur les consommateurs par des Etats à juste titre tétanisés par la mort subite de l'activité. Voilà qui explique simplement le renchérissement progressif, mais certain et inéluctable, de la totalité de ce qui était achetable. Voilà également pourquoi cette pandémie représente - sur un plan inflationniste - le pire de ce qui pouvait nous atteindre.

Un effet strangulateur

Pour autant, les chocs ne sont pas près de nous épargner, car c'est désormais un traumatisme diamétralement opposé qui se met insidieusement en place, lequel présidera à un effondrement de la consommation. Immobilier, véhicules, matières premières, bourses, cryptomonnaies : tous ces actifs sont effectivement voués à la damnation. La générosité publique sans aucun précédent accordée sans compter pendant deux ans se tarit en effet, et ce, précisément quand le consommateur et l'usager sont priés d'affronter des tarifs alimentaires, énergétiques, immobiliers à des niveaux qui ne s'étaient plus vus depuis plusieurs générations, dans un contexte aggravé de taux d'intérêt en nette progression. Voilà que l'herbe est coupée sous les pieds du citoyen, voilà que le tapis sur lequel il marche lui est brutalement arraché, car les stimuli les plus exorbitants consentis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale se tarissent alors même que le niveau de vie se dégrade dramatiquement du fait de l'augmentation généralisée des prix. Le consommateur est donc instamment prié de se résigner à une baisse de ses revenus (à cause de la régression des aides publiques) combinée à une aggravation inédite du niveau des prix qui se terminera très prochainement en une explosion des endettements privés et - en définitive - en un effondrement de la consommation.

La classe moyenne est donc maudite pour l'éternité, car elle encaisse un choc après l'autre : celui à venir étant constitué d'une mixture déflationniste concoctée d'une part par des actifs (actions, immobilier, etc.) en pleine dévalorisation et d'autre part d'engagements et d'obligations ayant un effet strangulateur. Les drames et les crises vécues ces vingt dernières années sont ainsi condamnés à se répéter, avec toutefois une différence fondamentale qui est que nous ne bénéficierons plus - cette fois - du filet protecteur d'un Etat qui ne peut plus rien pour nous.