Immobilier, et si la Covid rebattait les cartes du résidentiel ?

Par Amaury Courbon (*)  |   |  910  mots
Amaury Courbon, cofondateur de Colonies (Crédits : DR)
OPINION. Alors que le coronavirus fait la une des journaux depuis des mois, nous entre-apercevons enfin le bout du tunnel en cette fin d'année 2020. (*) Par Amaury Courbon, cofondateur de Colonies, société qui imagine, conçoit et gère des résidences de "coliving" (habitat partagé).

Suite aux annonces regroupées des grands laboratoires mondiaux sur l'efficacité de leurs vaccins et les promesses de croissance de l'OCDE pour les années à venir, les marchés financiers ont retrouvé des couleurs. Quid des valeurs immobilières ? L'expérience des deux dernières crises financières de 2001 et 2008 nous a montré que les impacts sur le marché immobilier se manifestent toujours avec un certain retard. Qu'en est-il d'une crise sanitaire et humaine, telle que celle que nous traversons depuis le début d'année : l'immobilier sera-t-il, lui aussi, durablement touché, ou se montrera-t-il résilient ? Les paris sont ouverts.

L'immobilier résidentiel, valeur défensive de l'année

Depuis le début de l'année 2020 - pour le moins mouvementée ! -  les typologies d'actifs réagissent très différemment face à l'incertitude économique et au ralentissement global de l'activité. L'immobilier tertiaire traverse une crise sans précédent : les marchés s'effondrent, les acquéreurs sont aux abonnés absents, de nombreux programmes sont gelés... Le retail et l'hôtellerie souffrent terriblement tandis que le marché du bureau est secoué par la généralisation massive et brutale du télétravail.

Seul le marché résidentiel semble confirmer son statut de "valeur défensive": s'il est globalement au ralenti, il est le seul à attirer encore le regard des investisseurs. Le manque de liquidité dû à l'attentisme généralisé et aux durcissements de l'accès au crédit, notamment pour les ménages, devrait avoir un impact baissier sur ce marché qui restera néanmoins très maîtrisé. Car si l'impact sur les valeurs est encore flou en raison du manque de transactions, il suffit de comparer l'évolution des cours des foncières cotées de tertiaire avec celles exposées majoritairement au résidentiel pour avoir un avant-goût de ce qui pourrait nous attendre.

En effet, les fondamentaux de ce marché structurellement sous-offreur demeurent très solides et ne seront pas impactés par la crise du Covid dans les grandes métropoles. Même si certains ménages ont opté pour une vie au vert, le retard pris dans la construction de nouveaux logements - déjà conséquent avant cette crise - ne fera qu'accentuer l'écart entre l'offre et la demande. Les métropoles restent attractives et il faudra impérativement trouver une solution pour loger les nouveaux arrivants, les étudiants de plus en plus nombreux, les célibataires vieillissants, les familles mono-parentales, etc. Ces populations qui de plus en plus écartent les projets d'acquisition par manque de moyens et se tournent vers des offres de location offrant la flexibilité qu'impose ce nouveau monde. Car les modes de vie changent et la Covid catalyse ce processus. Mobilité, télétravail, modularité, simplicité... Dorénavant, le parc locatif doit prendre en compte ces nouvelles contraintes et offrir un accès facilité au logement, des espaces plus généreux et dès lors partagés, des extérieurs végétalisés, des infrastructures adaptées pour le travail à domicile, des services mutualisés, etc.

Historiquement, les institutionnels se sont longtemps détourné de l'investissement résidentiel, trop complexe en termes de gestion. Mais force est de constater que la croissance stable du marché du résidentiel, les tendances macros très positives et le maintien des taux directeurs bas pour encore de nombreuses années - à en croire les analystes - poussent investisseurs et développeurs à se replier sur le marché de l'immobilier résidentiel, qui devient, de facto, une classe plus institutionnelle.

Quel modèle pour le résidentiel en France ?

La question clé pour les investisseurs est alors la suivante : comment mettre en œuvre ces nouvelles stratégies ? En réalité, le mouvement est déjà lancé et ne fait que s'accélérer. L'essor de l'investissement dans les résidences gérées - 860M€ en 2019 - en est la meilleure preuve. Car en effet ces actifs présentent les mêmes avantages que le résidentiel classique sans les contraintes de gestion et les risques de vacances associés.

Il s'agit dès lors pour ces acteurs de construire les meilleurs programmes avec les meilleurs partenaires - promoteurs et opérateurs - pour développer ces offres sur le territoire français. La clé sera de se rapprocher des opérateurs qui auront la connaissance la plus fine des utilisateurs finaux et seront en mesure d'adapter leurs offres aux territoires et aux populations pour offrir des solutions les mieux adaptées et donc les plus pérennes. Résidences étudiantes, résidences seniors, coliving, habitat partagé pour les familles... ne sont que la partie émergée de l'iceberg.

Plus que jamais, l'habitation a besoin d'être repensée pour s'adapter aux mutations sociétales. Nous devons sortir du modèle unique et imaginer de nouvelles façons de vivre et de concevoir l'espace - d'autant plus que les turbulences de 2020 ne sont peut-être qu'un avant-goût de ce qui nous attend dans les années à venir. Les investisseurs ont une opportunité unique d'accompagner ce mouvement et s'inscrire dans la durée en construisant et détenant ces nouvelles classes d'actifs - Build to rent comme le disent nos confrères anglo-saxons. L'épargne et les liquidités du marché français seraient alors mis au service d'une transition sociétale nécessaire.

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