Le grand exode des Français vers les villes moyennes ?

ÉPISODE 2. Si les villes moyennes concilient les avantages des grandes et des petites villes, elles n'en restent pas moins les premières exposées à la crise économique et sanitaire. Il n'y a pas (encore ?) non plus d'impact "significatif" sur l'évolution du marché immobilier, relèvent les notaires. Deuxième volet de notre série « L'immobilier post Covid ».
César Armand
(Crédits : Vincent Kessler)

> VOIR L'épisode 1 : La Covid-19 va-t-elle accélérer la transformation de bureaux en logements ?

A-t-il eu raison avant tout le monde ? "Les villes moyennes seront les nouvelles centralités, car c'est là où veulent vivre les Français". Ainsi prophétisait à La Tribune le maire (Divers droite) de Neuilly-sur-Seine, Jean-Christophe Fromantin, le 28 janvier dernier. "Avec les nouvelles technologies, on peut y mettre toutes les facilités des grandes villes : les services publics comme les équipements privés", s'enthousiasmait-il encore.

Les avantages des grandes et des petites villes

Selon un sondage récent produit par Kantar pour La Fabrique de la Cité (groupe Vinci), il en ressort effectivement que les citadins aspirent à vivre dans un endroit moins stressant, soit pour se rapprocher de leur famille, soit pour trouver du travail. Les sondés estiment même que ces communes allient les avantages des grandes (commerces, services publics...) et des petites villes (proximité de la nature).

Ces qualités se retrouvent dans le "baromètre des territoires" réalisé par l'IFOP en juillet dernier auprès de 1.000 personnes pour l'association de maires concernée Villes de France, l'Agence nationale de la Cohésion des territoires et la Banque des Territoires. 10% des actifs des grandes villes - soit près de 400.000 travailleurs - y déclarent avoir "tout à fait" l'intention de déménager. "Nous avons eu une vraie confirmation par nos élus que le phénomène s'est traduit par des ventes immobilières", insiste-t-on aujourd'hui chez Villes de France.

 "ll est trop tôt pour avoir des chiffres. Les seuls qu'on peut avoir sont ceux des communes qui ont accueilli les Parisiens par des scolarisations en septembre", tempère la présidente de l'Unis Ile-de-France (700 entreprises de l'immobilier). "Nous le saurons vraiment lorsque les bailleurs régleront leurs revenus fonciers. Autrement dit, c'est Bercy qui nous donnera la réponse en mai prochain", ajoute Emily Hassler-Jousset.

Des communes qui résistent moins bien à la crise

En attendant, une autre étude, menée par le conseil en immobilier d'entreprise Arthur Loyd, montre que les départements ruraux, ou qui ne possèdent pas de grands pôles métropolitains, résistent moins bien à la crise. Les départements de l'Aube, de l'Allier, du Calvados, de l'Indre, de la Haute-Corse, de la Haute-Marne, de la Nièvre, de la Vienne ou des Vosges ont, en moyenne, perdu 4% d'emplois au premier semestre 2020, contre 3,4% au niveau national.

Des faiblesses déjà mises en exergue dans le "baromètre des territoires" de cet été. Les habitants des villes moyennes interrogés citent en premier "le coût de la vie qui reste trop élevé, les difficultés économiques rencontrées, et une offre en commerces de proximité limitée". La France des espaces ruraux et des villes et petites moyennes n'est à l'origine que de 5% des créations nettes d'emplois au cours des dix dernières années, abonde-t-on chez Arthur Loyd.

"L'exode urbain du premier confinement est une belle illustration de l'amour des Français pour la campagne, mais pas encore une tendance structurelle", relève ainsi le directeur du département Etudes & Recherches. "Le développement du télétravail ou les nouvelles aspirations de certains citadins pour des lieux de vie plus apaisés pourrait rebattre les cartes et offrir un nouveau souffle au monde rural, mais il est trop tôt pour le dire", poursuit Cevan Torossian.

9 Français sur 10 sont urbains

En réalité, la France est de plus en plus urbaine: 8 Français sur 10 vivent dans des unités urbaines et même 9 sur 10 dans leur aire d'attraction. Selon la présidente (PS) de l'association d'élu(e)s France urbaine, Johanna Rolland, "quand la ville-centre perd des habitants, c'est au profit des communes voisines"De même lorsqu'un Parisien quitte la capitale, c'est pour une ville de petite ou grande couronne, un département voisin - l'Oise par exemple - ou une métropole régionale.

Ce que confirme le réseau d'agences immobilières L'Adresse"Les gens sont prêts à s'éloigner au profit du périurbain et du vert, en grande couronne, à Evreux ou à Orléans, avec une maison en location comme recherche absolue", assure son président Brice Cardi. En région, les maisons de campagne se vendent "beaucoup plus vite que d'habitude, surtout s'il y a un petit terrain", corrobore le président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Christophe Demerson.

Les Notaires du Grand Paris ne croient pas pour autant en un exode urbain durable. "Il faut voir ce que ça va donner dans le temps", estime leur président Cédric Blanchet. "Est-ce que l'attrait pour s'expatrier dans des petites communes et des secteurs moins urbains va se concrétiser ? Ce n'est pas du tout certain", relève-t-il. Il promet toutefois de distinguer l'attrait pour les maisons urbaines et celui pour les maisons à la campagne en grande couronne.

Dans l'attente des chiffres du 4ème trimestre

La hausse des prix des maisons s'accentuerait en cette fin 2020 et même début 2021, "sans doute l'effet d'un intérêt nouveau acquéreur pour ce type d'habitat en Ile-de-France".  Alors qu'à Paris les délais de vente s'allongent en parallèle de négociations plus serrées sur le tarif, le marché devient en outre "beaucoup plus fluide" en grande couronne, "où l'on devient souvent propriétaire d'une maison".

Autre indice: les prix des maisons "ne semblent pas devoir se calmer", note le président des Notaires du Grand Paris. Ils pourraient augmenter de 9,5% en pourcentage annuel en petite couronne et de 6,2% en grande couronne. Cédric Blanchet reste néanmoins prudent sur cette tendance. "Il faudra attendre de disposer des chiffres de ventes du 4ème trimestre 2020 pour confirmer quantitativement, l'intérêt renouvelé, des Franciliens pour la maison", anticipe-t-il.

Trop tôt pour parler de dynamique durable

Leur histoire, leur dynamisme économique (tissu de PME/ETI), leur environnement (nombreux espaces verts, parcs, jardins), leur vie culturelle et artistique très dense (théâtres, Zéniths, scènes nationales, musées...), leur dotation en infrastructures de transports et leur connectivité sont autant d'éléments appréciés par les Français vivant en petite couronne.

Il n'empêche qu'à ce jour, il est "trop tôt pour parler de dynamique durable" d'autant qu'il n'y a pas encore d'impact "significatif" sur l'évolution du marché immobilier. Il demeure de plus "beaucoup d'incertitudes": "Certains territoires pourraient être fragilisés sur le plan économique, avec des défaillances d'entreprises conséquence de la récession économique attendue", conclut le porte-parole du Conseil supérieur du notariat, Boris Vienne.

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 8
à écrit le 08/12/2020 à 15:42
Signaler
Vivre à la campagne, c'est bien, mais ça s'apprend. On ne peut pas vivre à la campagne comme à la ville. Les cloches sonnent, les coqs chantent, les chiens aboient, mais la caravanne ne passe que le jour du Tour de France.!

à écrit le 08/12/2020 à 13:39
Signaler
Pas de travail pour ces bobos bac plus5 dans une ville moyenne .

à écrit le 08/12/2020 à 13:28
Signaler
Donnez moi des places comme VGE et la je vais bien continuer jusqu au bout du bout de ma vie

à écrit le 08/12/2020 à 9:10
Signaler
' paris et le desert francais' c'est un rapport qui date des annees 70

à écrit le 08/12/2020 à 8:39
Signaler
Une fois l'exode terminé, ce ne seront plus des villes moyennes...! Pourquoi ne pas tous se "décentralisé" a la campagne en étant ses propres producteurs?

à écrit le 08/12/2020 à 8:28
Signaler
Les services publics a la campagne ! Ca fait longtemps que la poste a deserte, la mairie quand le pays est trop petit fermee, les ecoles idem, les commerces, no comment et on pretend aujourd'hui que les citadins des grandes citee vont venir s'y insta...

à écrit le 08/12/2020 à 8:27
Signaler
Parce que les prix y sont déjà terriblement élevés, la spéculation financière anticipant la moindre hausse fini inflationiste pépertuelle, les gens qui vendent n'ayant pas besoin d'argent neutralisent les habitations empêchant les gens de la classe ...

à écrit le 08/12/2020 à 7:50
Signaler
Ce n'est pas très étonnant. Pendant des années, on a bétonné sans discontinuer en ville, densifié sous prétexte qu'il "manquait de logement". Comme c'était un faux problème, maintenant qu'on a les villes les plus denses du monde, on s'aperçoit qu'on ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.