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A-t-il eu raison avant tout le monde ? "Les villes moyennes seront les nouvelles centralités, car c'est là où veulent vivre les Français". Ainsi prophétisait à La Tribune le maire (Divers droite) de Neuilly-sur-Seine, Jean-Christophe Fromantin, le 28 janvier dernier. "Avec les nouvelles technologies, on peut y mettre toutes les facilités des grandes villes : les services publics comme les équipements privés", s'enthousiasmait-il encore.
Les avantages des grandes et des petites villes
Selon un sondage récent produit par Kantar pour La Fabrique de la Cité (groupe Vinci), il en ressort effectivement que les citadins aspirent à vivre dans un endroit moins stressant, soit pour se rapprocher de leur famille, soit pour trouver du travail. Les sondés estiment même que ces communes allient les avantages des grandes (commerces, services publics...) et des petites villes (proximité de la nature).
Ces qualités se retrouvent dans le "baromètre des territoires" réalisé par l'IFOP en juillet dernier auprès de 1.000 personnes pour l'association de maires concernée Villes de France, l'Agence nationale de la Cohésion des territoires et la Banque des Territoires. 10% des actifs des grandes villes - soit près de 400.000 travailleurs - y déclarent avoir "tout à fait" l'intention de déménager. "Nous avons eu une vraie confirmation par nos élus que le phénomène s'est traduit par des ventes immobilières", insiste-t-on aujourd'hui chez Villes de France.
"ll est trop tôt pour avoir des chiffres. Les seuls qu'on peut avoir sont ceux des communes qui ont accueilli les Parisiens par des scolarisations en septembre", tempère la présidente de l'Unis Ile-de-France (700 entreprises de l'immobilier). "Nous le saurons vraiment lorsque les bailleurs régleront leurs revenus fonciers. Autrement dit, c'est Bercy qui nous donnera la réponse en mai prochain", ajoute Emily Hassler-Jousset.
Des communes qui résistent moins bien à la crise
En attendant, une autre étude, menée par le conseil en immobilier d'entreprise Arthur Loyd, montre que les départements ruraux, ou qui ne possèdent pas de grands pôles métropolitains, résistent moins bien à la crise. Les départements de l'Aube, de l'Allier, du Calvados, de l'Indre, de la Haute-Corse, de la Haute-Marne, de la Nièvre, de la Vienne ou des Vosges ont, en moyenne, perdu 4% d'emplois au premier semestre 2020, contre 3,4% au niveau national.
Des faiblesses déjà mises en exergue dans le "baromètre des territoires" de cet été. Les habitants des villes moyennes interrogés citent en premier "le coût de la vie qui reste trop élevé, les difficultés économiques rencontrées, et une offre en commerces de proximité limitée". La France des espaces ruraux et des villes et petites moyennes n'est à l'origine que de 5% des créations nettes d'emplois au cours des dix dernières années, abonde-t-on chez Arthur Loyd.
"L'exode urbain du premier confinement est une belle illustration de l'amour des Français pour la campagne, mais pas encore une tendance structurelle", relève ainsi le directeur du département Etudes & Recherches. "Le développement du télétravail ou les nouvelles aspirations de certains citadins pour des lieux de vie plus apaisés pourrait rebattre les cartes et offrir un nouveau souffle au monde rural, mais il est trop tôt pour le dire", poursuit Cevan Torossian.
9 Français sur 10 sont urbains
En réalité, la France est de plus en plus urbaine: 8 Français sur 10 vivent dans des unités urbaines et même 9 sur 10 dans leur aire d'attraction. Selon la présidente (PS) de l'association d'élu(e)s France urbaine, Johanna Rolland, "quand la ville-centre perd des habitants, c'est au profit des communes voisines". De même lorsqu'un Parisien quitte la capitale, c'est pour une ville de petite ou grande couronne, un département voisin - l'Oise par exemple - ou une métropole régionale.
Ce que confirme le réseau d'agences immobilières L'Adresse. "Les gens sont prêts à s'éloigner au profit du périurbain et du vert, en grande couronne, à Evreux ou à Orléans, avec une maison en location comme recherche absolue", assure son président Brice Cardi. En région, les maisons de campagne se vendent "beaucoup plus vite que d'habitude, surtout s'il y a un petit terrain", corrobore le président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Christophe Demerson.
Les Notaires du Grand Paris ne croient pas pour autant en un exode urbain durable. "Il faut voir ce que ça va donner dans le temps", estime leur président Cédric Blanchet. "Est-ce que l'attrait pour s'expatrier dans des petites communes et des secteurs moins urbains va se concrétiser ? Ce n'est pas du tout certain", relève-t-il. Il promet toutefois de distinguer l'attrait pour les maisons urbaines et celui pour les maisons à la campagne en grande couronne.
Dans l'attente des chiffres du 4ème trimestre
La hausse des prix des maisons s'accentuerait en cette fin 2020 et même début 2021, "sans doute l'effet d'un intérêt nouveau acquéreur pour ce type d'habitat en Ile-de-France". Alors qu'à Paris les délais de vente s'allongent en parallèle de négociations plus serrées sur le tarif, le marché devient en outre "beaucoup plus fluide" en grande couronne, "où l'on devient souvent propriétaire d'une maison".
Autre indice: les prix des maisons "ne semblent pas devoir se calmer", note le président des Notaires du Grand Paris. Ils pourraient augmenter de 9,5% en pourcentage annuel en petite couronne et de 6,2% en grande couronne. Cédric Blanchet reste néanmoins prudent sur cette tendance. "Il faudra attendre de disposer des chiffres de ventes du 4ème trimestre 2020 pour confirmer quantitativement, l'intérêt renouvelé, des Franciliens pour la maison", anticipe-t-il.
Trop tôt pour parler de dynamique durable
Leur histoire, leur dynamisme économique (tissu de PME/ETI), leur environnement (nombreux espaces verts, parcs, jardins), leur vie culturelle et artistique très dense (théâtres, Zéniths, scènes nationales, musées...), leur dotation en infrastructures de transports et leur connectivité sont autant d'éléments appréciés par les Français vivant en petite couronne.
Il n'empêche qu'à ce jour, il est "trop tôt pour parler de dynamique durable" d'autant qu'il n'y a pas encore d'impact "significatif" sur l'évolution du marché immobilier. Il demeure de plus "beaucoup d'incertitudes": "Certains territoires pourraient être fragilisés sur le plan économique, avec des défaillances d'entreprises conséquence de la récession économique attendue", conclut le porte-parole du Conseil supérieur du notariat, Boris Vienne.
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