Le chômage sous les 10%, une vraie victoire pour Hollande ?

Par Ivan Best  |   |  922  mots
Pour la première fois depuis 2012, le taux de chômage est repassé sous les 10%. Une victoire pour Hollande? Si l'économie française crée effectivement des emplois en dépit d'une croissance nulle au deuxième trimestre, il s'agit surtout de postes peu qualifiés, ne contribuant pas à la compétitivité

En France, le taux de chômage a baissé sensiblement depuis un an. La nouvelle peut surprendre, compte tenu des mouvements de yoyo des chiffres diffusés mensuellement, mais c'est bien ce qu'a calculé l'Insee à l'issue de son enquête emploi réalisée chaque trimestre. Le taux de chômage, reculant de 0,5 point sur un an, revient ainsi à 9,9% au deuxième trimestre 2016 (France métropolitaine et Dom inclus, 9,6% pour la seule métropole). Un niveau aussi bas n'avait jamais été enregistré depuis la fin 2012. Depuis la fin 2012  le chômage n'a jamais été inférieur à 10% de la population active. Hollande va gagner son pari ! avancent les commentateurs, même plus opposés à l'actuel gouvernement. De fait, le taux de chômage pourrait finalement être plus faible début 2017 que lors de son accession au pouvoir (9,7%, alors), ce qui signerait la fameuse inversion de la courbe du chômage, à laquelle il a lié son éventuelle candidature à la présidentielle de 2017. Celle-ci est d'ailleurs plus que jamais probable...

Croissance nulle au deuxième trimestre...

Derrière cette considération politique, un mouvement de fond s'amplifie en matière d'emploi : comme d'autres pays européens l'ont fait avant, l'économie française parvient désormais à réduire le chômage sans croissance. Par des artifices ? Peut-être, grâce à l'envoi en formation de plusieurs centaines de milliers de chômeurs, qui échappent ainsi aux statistiques. Mais pas seulement. Au deuxième trimestre, la croissance du PIB a été nulle. Une déception, alors que François Hollande répétait à l'envi que « ça va mieux », mais une demi surprise seulement, si l'on veut bien considérer que la France et la zone euro dans son ensemble sont engluées dans une croissance molle, dont elles ne sortiront pas de sitôt pour des raisons à la fois de politique économique -pour faire repartir la machine, un fort soutien de la demande serait nécessaire- et structurelles, de long terme - les pays industriels sont entrés dans une phase de stagnation séculaire.

... mais avec des créations d'emplois

En dépit de cette croissance zéro du deuxième trimestre, l'économie a créé des emplois : 24 000 dans le secteur privé. Sur un an, ce sont presque 150.000 créations nettes d'emplois qui ont été enregistrées. Est-ce beaucoup ? Oui, surtout au regard de la croissance sur la période, restée très molle, dépassant à peine 1% sur la dernière année. On peut voir là le couronnement de la politique « d'enrichissement de la croissance en emplois », qui n'a jamais atteint de tels résultats. Qu'on en juge : au début des années 80, avec une croissance équivalente à celle que nous connaissons aujourd'hui, l'économie française détruisait bien plus 100.000 emplois par an (dans le secteur marchand, hors administrations publiques.

En 1984, ce sont ainsi 229.000 postes qui ont été supprimés, après 136.000 en 1983. Au début des années 90, avant la récession de la fin 1992, toujours avec une croissance économique équivalente voire légèrement supérieure à celle que nous connaissons aujourd'hui, le rythme de destructions d'emplois était aussi supérieur à 100.000 par an. A partir des années 2000, en revanche, à progression du PIB équivalente, l'économie est devenue un peu plus créatrice d'emplois. Mais il a fallu attendre 2015, pour connaître un retour aux créations d'emplois avec seulement 1,3% de croissance économique. Fin 2015, 109.000 créations de postes étaient ainsi enregistrées sur un an. Avant d'atteindre le rythme + 150.000 annuels au premier semestre 2016.

Enrichir la croissance en emplois

Que s'est-il passé depuis le début des années 80 ? Tout a été fait, effectivement, pour enrichir la croissance en emplois. Notamment l'allègement du coût du travail peu qualifié, via les baisses de charges patronales. Une politique entamée par Edouard Balladur au début des années 90, poursuivie par Alain Juppé premier ministre ensuite, puis par la gauche, la mise en place des 35 heures début 2000 ayant été assortie de baisses de charges en faveur des bas salaires. François Hollande n'a fait que poursuivre cette politique avec la création du CICE, qui allège les charges sur les rémunérations basses et moyennes (jusqu'à 2,5 fois le smic).

 Et ça marche : c'est effectivement l'emploi à faible qualification qui progresse le plus. Où trouve-t-on le plus grand nombre de créations de postes ? Dans le commerce (+30.900 sur un an), dans l'hôtellerie-restauration (+34.100) et dans l'intérim (+55.700).

Doit-on se féliciter d'une telle évolution ? Oui et non. Evidemment, il y a lieu de se réjouir de voir l'économie française créer des emplois, même avec une croissance faible. C'est bien sûr la seule vraie solution pour faire baisser le chômage. Mais la création d'emplois peu qualifiés et peu productifs -services- ne contribue pas à la compétitivité. Au contraire, elle signifie l'affaiblissement de gains de productivité qui, sur le long terme, sont la condition d'une croissance soutenue.

Ces emplois sont du reste souvent des emplois précaires. Ainsi, relève l'Insee, le taux d'emploi en CDI reste stable sur un an. C'est le taux d'emploi en CDD ou en intérim qui progresse, contribuant donc à la création de postes. Et le sous emploi augmente : il s'agit de personnes à temps partiel souhaitant travailler davantage. La France se rapproche ainsi du « modèle » dual en vigueur dans beaucoup de pays européens, fondé sur de nombreux emplois précaires peu qualifiés d'un côté, et des postes stables réservés aux plus qualifiés.