"Nous devons faire passer la French Tech du stade de la Champions League à celui de la Coupe du Monde"

Par Julien Creuzé, Managing Director chez BlackFin Capital Partners  |   |  517  mots
Dépasser l'Allemagne et devenir le numéro 2 européen derrière nos amis anglais ne suffit pas : les enjeux de la tech se jouent à une plus large échelle. (Crédits : French Tech)
OPINION. Maintenant que la France est devenue une « startup nation », de nouveaux défis s'ouvrent pour l'écosystème. Par Julien Creuzé, Managing Director chez BlackFin Capital Partners.

C'est une évidence : l'écosystème tech français s'est fondamentalement transformé au cours de la décennie qui est en train de s'achever, et ce, pour le meilleur. "Les pigeons" sont devenus des héros, et pour certains d'entre eux, des licornes.

Mais maintenant que la France est devenue une « startup nation », que les entrepreneurs français vont franchir la barre des 5 milliards d'euros levés sur une année, que la fiscalité des entreprises et des entrepreneurs est devenue plus « raisonnable » (en comparaison avec nos voisins européens), de nouveaux défis s'ouvrent pour l'écosystème.

Davantage de capital

En particulier, nous devons faire passer la French Tech du stade de la Champions League à celui de la Coupe du Monde. Dépasser l'Allemagne et devenir le numéro 2 européen derrière nos amis anglais ne suffit pas : les enjeux de la tech se jouent à une plus large échelle. Nous devons collectivement créer des acteurs (startups et fonds d'investissement) réellement influents à l'échelle mondiale.

Cela passe évidemment par les financements. Certes, il faut davantage de capital pour financer la croissance des startups, en encourageant les assureurs et les particuliers à placer une part plus importante de leur épargne dans les futurs leaders français du digital, mais il faut aussi que l'écosystème s'implique dans la création d'un stock exchange et facilite la liquidité, afin d'accompagner les sociétés les plus performantes qui, atteignant la rentabilité, voudront se coter en bourse pour poursuivre leur croissance tout en gardant leur indépendance.

Crise des talents

En outre, ce chantier doit s'accompagner d'un travail sur les talents. Aujourd'hui, le recrutement est le principal frein au développement des startups. Des dispositifs doivent être mis en place pour que les entrepreneurs français puissent plus facilement approcher et échanger avec leurs homologues américains et asiatiques. Les bases doivent aussi être posées pour encourager et faciliter le recrutement de VPs et C-Levels passés par les plus grandes sociétés tech. Nos entreprises peuvent être attractives pour d'anciens cadres de la Valley !

Un second défi est de s'engager en faveur d'un "digital pour tous". Nous vivons parfois dans un microcosme et une part plus grande du pays pourrait entrer dans la révolution digitale, en particulier les grands groupes, qui sont encore trop frileux lorsqu'il s'agit de racheter des startups pour se digitaliser, et les PME, qui gagneraient en compétitivité en se digitalisant. Ces dernières constituent d'ailleurs un formidable réservoir de prospects pour nos startups SaaS B2B - les meilleurs outils ne doivent pas être construits par des startups pour des startups !

Enfin, promouvoir un "digital pour tous", c'est favoriser la diversité dans les équipes de direction, aussi bien du côté des investisseurs que des sociétés que nous, en tant que fonds d'investissement, accompagnons...

-----

Julien Creuzé est Managing Director chez BlackFin Capital Partners, qu'il a rejoint en 2016 pour lancer BlackFin Tech, l'un des principaux investisseurs indépendants de capital-risque dédié aux services financiers en Europe, avec un fonds de 180 millions d'euros.