French Tech : la fabrique à licornes est lancée

Les « zinzins », ou investisseurs institutionnels, ont promis d'injecter 5 milliards d'euros sur trois ans dans les pépites nationales. Un premier plan applaudi par les acteurs de l'écosystème.
Sylvain Rolland
Avec ces mesures, l'Élysée espère déclencher un effet boule de neige chez les investisseurs institutionnels, et ainsi multiplier la création de fonds d'investissement richement dotés.
Avec ces mesures, l'Élysée espère déclencher un effet boule de neige chez les investisseurs institutionnels, et ainsi multiplier la création de fonds d'investissement richement dotés. (Crédits : Julien de Rosa/AFP)

« Il faut que la France ait 25 licornes en 2025. » Entouré d'entrepreneurs acquis d'avance à sa cause, Emmanuel Macron a affiché ses ambitions pour la French Tech. « Si vous voulez changer le monde, la France n'est pas la pire place pour le faire, et nous sommes en train d'y arriver », s'est même félicité le chef de l'État lors d'un discours à l'Élysée, mardi 17 septembre. Mais pour passer de 7 à 25 startups valorisées plus d'1 milliard d'euros, il va falloir régler le problème du financement du late stage, c'est-à-dire les gros tours de table de plus de 50 voire 100 millions d'euros, ceux qui font éclore les licornes de rang mondial.

Tournée des "zinzins"

Malgré les progrès des startups françaises - 2,8 milliards d'euros levés en 2017, 3,6 milliards en 2018, et plus de 5 milliards attendus en 2019 -, seuls quelques fonds d'investissement en France (dont Large Ventures de Bpifrance et Eurazeo) sont aujourd'hui capables de signer de tels chèques. Par effet ricochet, ce trou d'air pénalise aussi les « sorties », c'est-à-dire le marché des fusions/acquisitions et les cotations en Bourse.

Ces deux faiblesses françaises ont été identifiées dans le rapport de l'économiste Philippe Tibi, remis en juin au gouvernement. L'ancien président d'UBS France recommandait d'engager 20 milliards d'euros pour créer davantage de fonds capables d'intervenir sur le late stage et de dynamiser le marché boursier européen sur les valeurs technologiques.

En guise de réponse, Emmanuel Macron a fait pendant l'été la tournée des « zinzins », autrement dit les investisseurs institutionnels comme les assureurs, les banquiers, les fonds de retraite ou encore les mutualistes. Le président s'est ainsi engagé à faciliter le fléchage des produits d'épargne, assurance-vie en tête, vers l'innovation, via notamment la loi Pacte et la loi de finances 2020. En retour, il a obtenu la promesse de 5 milliards d'euros d'investissements dans la French Tech. Dans le détail, 2 milliards d'euros seront investis dans des fonds de capital-risque existants et spécialisés dans le late stage, pour leur permettre de financer les gros tours de table. Les 3 autres milliards alimenteront des fonds spécialisés dans l'investissement dans les entreprises technologiques cotées. Un nouvel indice, baptisé Euronext Tech Croissance, a donc été créé le 18 septembre pour favoriser une alternative au capital-risque et au private equity, et développer le marché boursier tech européen.

Effet boule de neige ?

Même si le président de la République a mobilisé quatre fois moins d'argent que les 20 milliards d'euros préconisés par le rapport Tibi, l'écosystème a accueilli ses annonces avec enthousiasme. « C'est une excellente nouvelle et un acte fort pour casser les derniers verrous du financement des startups en hyper-croissance », a déclaré Jean-David Chamboredon, coprésident du lobby des investisseurs tech France Digitale et président du fonds d'investissement Isai, lors de l'événement France Digitale Day, qui s'est tenu le lendemain des annonces présidentielles.

Avec ces mesures, l'Élysée espère déclencher un effet boule de neige chez les investisseurs institutionnels, et ainsi multiplier la création de fonds d'investissement richement dotés. Une stratégie cohérente pour Matthieu Lattes, general partner du fonds américain White Star Capital, qui dispose de bureaux à Paris. « Ces 5 milliards vont sans doute générer un effet d'incitation qui sera bénéfique à l'écosystème », estime-t-il, tout en relativisant la portée de ces annonces.

« Quand on décortique les montants annoncés, il n'y a que 2 milliards d'euros sur le non-coté, donc environ 700 millions d'euros par an. Si on compare avec l'estimation de 5 milliards levés par les startups françaises en 2019, ces 700 millions ne vont pas bousculer le marché », décrypte-t-il.

Pour l'écosystème, il s'agit donc moins d'un big bang que d'un coup d'accélérateur. Surtout, les investisseurs attendent le passage aux actes. Jean-David Chamboredon avertit : « Il va falloir que dans les prochains mois le gouvernement facilite la tâche aux investisseurs institutionnels pour que ce fléchage des fonds vers l'innovation et les startups soit vraiment effectif et incitatif. »

Sylvain Rolland

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