Rigueur en Île-de-France : les propositions de Valérie Pécresse sont-elles cohérentes ?

Par Mathias Thépot  |   |  1107  mots
Si elle l'emporte en Île-de-France, Valérie Pécresse assure qu'elle imposera 400 millions d'euros d'économies par an à la région.
Si elle est élue à la présidence de l'Île-de-France, Valérie Pécresse estime que la réduction du train de vie de la région lui permettra de dégager un niveau de ressources significatif pour financer le développement économique.

Depuis le début de la campagne à l'élection régionale en Île-de-France, la candidate de la droite Valérie Pécresse insiste sur l'aspect « réaliste » de son programme économique. Plutôt que de détailler les montants qui seront investis si elle l'emporte, elle préfère d'abord détailler les économies qu'elle compte dégager, et qui lui permettront de financer son programme. Mais réussira-t-elle à concilier rigueur budgétaire et croissance économique ?

400 millions d'euros d'économies ?

Donnée jusqu'ici vainqueur par tous les sondages le soir du second tour des élections, Valérie Pécresse assure en effet qu'elle va imposer à la région près de 400 millions d'euros d'économies par an, soit une baisse de 10 % des dépenses, hors frais financiers. Elle compte ainsi faire passer la part fonctionnement de son budget d'environ 60% aujourd'hui à moins de 40% d'ici à la fin de son mandat, si elle est élue. De quoi, selon elle, donner les marges de manœuvre à la région pour investir dans la sécurité, les transports et dynamiser le tissu économique local.

Pour réaliser ces économies, elle mise principalement sur la réduction du train de vie de la région. Valérie Pécresse n'a en effet eu de cesse depuis le début de la campagne de dénoncer la gabegie et le train de vie luxueux du conseil régional d'Île-de-France, présidé depuis 1998 par Jean-Paul Huchon (PS). La tête de liste LR-UDI-MoDem promet ainsi en premier lieu qu'elle regroupera « l'ensemble des services de la région en banlieue, de l'autre côté du périphérique », ce qui permettra une économie de loyer de 24,5 millions d'euros, prévoit-elle.

Baisse des subventions aux associations

Mais ce n'est pas tout, voici comment Valérie Pécresse compte s'y prendre pour réaliser ces 400 millions d'économies: près de 75 millions d'euros par an en réduisant les subventions aux associations qui ne relèvent pas des compétences de la région ; ensuite, 45 millions d'euros par an en regroupant les organismes associés à la région en cinq grands pôles : culture, économie, environnement, aménagement et santé-social ; près de 50 millions d'euros de réduction des coûts de maintenance du réseau ferroviaire par an une fois les trains rénovés ; et environ 50 millions d'euros grâce aux économies d'énergies dans les lycées et à une meilleure gestion de l'entretien et des cantines.

Par ailleurs « un fonctionnaire territorial sur deux partants à la retraite ne sera pas remplacé », expliquait-elle il y a quelques semaines à l'Opinion. Seul « le personnel des lycées sera sanctuarisé », a-t-elle ajouté. Cette mesure devrait permettre de dégager 17 millions d'euros par an. En outre, la candidate de la droite espère générer 24 millions d'euros d'économies supplémentaires par une gestion plus motivante des effectifs. Enfin, elle veut dégager 100 millions d'euros d'économies par an « en ciblant mieux les politiques régionales, en les évaluant et en subordonnant les aides à l'atteinte de résultats ». Une notion encore bien imprécise...

Des moyens suffisants pour la sécurité ?

Ces propositions de la candidate de la droite ont au moins le mérite de faire réagir. Lors d'un débat organisé mardi soir à la mairie du 17ème arrondissement de Paris, la tête de liste Front de Gauche, Pierre Laurent, a ainsi questionné la pertinence de la politique global de restriction budgétaire de la candidate de droite. Il a notamment abordé le thème de la sécurité, un des sujets de prédilection de Valérie Pécresse, qui assure qu'elle remettra le budget sécurité de la région au centre des priorités. Cependant, elle estime qu'elle ne pourra pas financer plus de 250 nouvelles créations de postes dans la police des transports, et préfère privilégier l'équipement en vidéo-surveillance de 100 % des transports.

« Il y a un vrai problème de présence humaine dans les gares franciliennes », lui a rétorqué Pierre Laurent, qui a par ailleurs mis la candidate devant les responsabilités de son parti qui, durant la présidence Sarkozy, « a supprimé 13.000 postes dans les forces de sécurité intérieures françaises ». « La misère que connaissent les services de police aujourd'hui, c'est une misère que connaissent les services publics au sens large ! », invectivait ce mardi Pierre Laurent.

Hausse des recettes sans hausse d'impôts

L'argument de Pierre Laurent mérite d'être discuté : à trop vouloir restreindre les dépenses de fonctionnement de la région, la droite ne risque-t-elle pas de nuire à la mission de service public de l'une des plus grandes collectivités territoriales françaises ? Valérie Pécresse assure de son côté que les économies dégagées par sa cure d'austérité, ainsi que de nouvelles recettes (245 millions d'euros par an) qui proviendront principalement des aides européennes et de l'instauration d'une taxe poids-lourds pour les véhicules qui traversent l'Île-de-France sans s'y arrêter, suffiront à assurer la pérennité de la région.

Tout cela se fera même sans hausse d'impôts pour les ménages et les entreprises franciliens, assure-t-elle. Pas une mince affaire... Pierre Laurent préfèrerait pour sa part que la région assume certaines hausses d'impôts, notamment du versement transport des entreprises, afin de financer le renouvellement et le développement des transports en commun franciliens. Une ineptie pour Valérie Pécresse qui dénonce à chacune de ses sorties le « martyr fiscal » que vivent les entreprises franciliennes.

Raisonner en recettes fiscale dynamiques

Ce à quoi Pierre Laurent lui répond : « En quoi est-ce scandaleux que les entreprises franciliennes participent davantage à la qualité du service des transports en commun de la région ? Elles ont en fait tout intérêt, pour leur développement économique, à ce que les services de transports en commun soient les meilleurs possibles ». Bref, un débat de fond inextricable entre deux candidats ayant deux visions opposées en matière de politique économique.

Il faut toutefois dire que, comme ses concurrents à la présidence de la région, Valérie Pécresse raisonne en recette fiscale dynamique, c'est à dire qu'elle prévoit que le dynamisme économique de la région apportera des recettes supplémentaires. Elle espère par exemple développer l'assiette de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont les régions percevront 50 % du produit en 2017, en attirant des entreprises. De quoi apporter des ressources supplémentaires. Reste à savoir si cela sera suffisant pour que la région assure pleinement sa mission de service public.