Des travaux, encore des travaux : Paris livré aux pelleteuses pour la cause verte

Par Ambre Tosunoglu et Cécile Azzaro, AFP  |   |  642  mots
Le nombre absolu de chantiers - 6.079 dénombrés fin mars - est à peu près stable par rapport à 2017 et 2018, selon Jean-Louis Missika, adjoint chargé de l'urbanisme de la maire PS Anne Hidalgo. (Crédits : Benoit Tessier)
Plus de 6.000 chantiers sont en cours dans la capitale, posant d'importants problèmes de circulation.

Des palissades partout dans les rues, sur les trottoirs et sur les places: plus de 6.000 chantiers sont en cours à Paris, dont certains de très grande ampleur, suscitant de nombreux grincements, tandis que la municipalité plaide l'application de son programme de verdissement. La circulation sur les grands axes de la capitale vire quotidiennement au cauchemar: exemple parmi d'autres, la rue Lafayette qui relie l'Opéra (centre) à la gare du Nord (première gare d'Europe en nombre de passagers) est régulièrement saturée. Non loin, le boulevard périphérique tourne au ralenti tout comme le trafic sur les trajets qui relient le sud au nord de Paris.

"On ne peut plus circuler", se lamente auprès de l'AFP Philippe, 59 ans, dont 30 passés au volant de son taxi. Il affirme avoir "perdu 30% de son chiffre d'affaires ces derniers mois parce qu'(il) préfère rentrer chez (lui) que de travailler, quand il y a trop de monde sur les routes".

Le nombre absolu de chantiers - 6.079 dénombrés fin mars - est à peu près stable par rapport à 2017 et 2018, fait pourtant valoir Jean-Louis Missika, adjoint chargé de l'urbanisme de la maire PS Anne Hidalgo. Et la ville plaide que seuls 7% de ces chantiers (454) relèvent d'elle... sauf que nombre de ces travaux concernent des projets municipaux d'envergure, tels que la création de pistes cyclables, la végétalisation de pas moins de sept places, et la création d'axes piétons à Nation, Bastille, Concorde, etc.

"L'histoire sans fin"

La mairie de Paris mène des "travaux (qui) semblent se poursuivre comme l'histoire sans fin, souvent pour n'aboutir qu'à des changements cosmétiques", ironise la maire d'opposition (LR) du Ve arrondissement, Florence Berthout, dans une tribune publiée mardi sur Atlantico.

Et d'enfoncer le clou: les "chantiers dont la mairie est responsable" sont "les plus lourds et les plus pénalisants", assure l'élue qui dénonce les "séances imposées de gymkhana sur les trottoirs, des bruits de chantier incessants, sans compter les répercussions sur la circulation, et par là même, la pollution". Et "la situation est paradoxale: malgré cette multiplicité de chantiers, les rues de Paris n'ont jamais été en si mauvais état", assure-t-elle.

Le délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, Pierre Chasseray, déplore lui un "périphérique saturé, des axes routiers et ronds-points encore en travaux".

Un Paris plus vert

"On est en train de réaliser le mandat", réplique sobrement David Belliard, le chef de file des écologistes membres de la majorité au Conseil de Paris.

"La création des pistes cyclables et la rénovation des places étaient dans notre programme de 2014", rappelle l'élu, qui estime que tous ces travaux sont faits pour "aller vers une ville plus verte". En réalité, estime-t-il, "ce qui serait risqué c'est qu'on ne fasse pas ce pour quoi on a été élu". En attendant, "ce n'est qu'un mauvais moment à passer".

De quelle durée ? "Je vois les JO de 2024 arriver, et je me dis que le modèle qu'on a vendu c'est pas celui d'une ville embouteillée", s'étrangle déjà Pierre Chasseray.

Mais bien avant les jeux Olympiques, l'entourage de la maire de Paris se concentre surtout sur "la livraison de tous les chantiers d'ici 2020" et les élections municipales.

Le reste des travaux sont des chantiers de bâtiments privés qui nécessitent une emprise sur la rue (3.461, soit 57%), et d'autres relevant des concessionnaires de chauffage, gaz, électricité, transports... (2.164, soit 36%).

Depuis l'explosion de gaz qui a fait quatre morts le 12 janvier rue de Trévise, "la mairie a demandé d'intensifier les travaux de gaz", admet auprès de l'AFP Jean-Louis Missika. L'adjoint fustige au passage ceux qui "veulent que ce soit rénové, mais ne veulent pas des travaux de rénovation."