Grand Paris : la menace d'une bulle dans l'immobilier tertiaire se précise

Par Mathias Thépot  |   |  586  mots
Faut-il poursuivre la construction de bureaux en Ile-de-France ?
Portées par le projet du Grand Paris, plusieurs communes d'Ile-de-France prévoient de construire des immeubles de bureaux. Mais de toute évidence, elles ne pourront pas toutes attirer des entreprises.

Le risque de voir grossir la bulle immobilière dans le secteur tertiaire francilien est réel. La perspective entraînante du Grand Paris amène en effet un certain nombre de villes à envisager la construction de bureaux afin d'attirer des entreprises. Autour de la plupart des 72 gares du Grand Paris, des projets ambitieux de constructions de bureaux sont ainsi sur les rails. Mais ces communes se livrent à un jeu dangereux. « Il y aura beaucoup plus de déçus que d'heureux », craint Daniel Bruiller, maire d'Arcueil (94) qui s'inquiète de « l'illusion du développement métropolitain, selon laquelle il suffirait d'avoir une ligne de métro qui générerait du développement tertiaire ».

Des CDT qui s'additionnent

La prétendue cohérence des multiples contrats de développement territoriaux (CDT) passés entre l'Etat et les communes qui visent dans l'esprit de la loi, à propager une dynamique aux territoires à fort potentiel économique du Grand Paris, interroge. Par exemple au Sud de Paris, il est prévu par ce biais « de construire au total 1,3 million de mètres carrés de bureaux entre Boulogne-Billancourt et Vitry-sur-Seine », notait l'architecte urbaniste François Leclercq, lors d'une conférence organisée par l'atelier international du Grand Paris (AIGP) sur la robustesse de l'économie de la métropole.

Beaucoup de bureaux vacants

Or, déjà, au sein du gigantesque parc de 52,8 millions de mètres carrés de bureaux franciliens, 3,9 millions sont vides, et plus de la moitié sont difficiles à louer. Pis encore, près de 1.2 million sont vacants depuis plus de trois ans, selon l'Observatoire régional de l'immobilier d'entreprises. Et chaque année, la situation empire. Tous ces bureaux sont soit obsolètes, soit mal localisés, soit trop chers.

Ainsi d'évidence, il y a une « inadéquation qui s'affirme entre la programmation qui se met en route politiquement (dans le cadre du Grand Paris ndlr) et la réalité » du marché de l'immobilier de bureaux, constate François Leclercq. Autour de toutes les gares du Grand Paris, « on est en train de créer une bulle incroyable. Et on va s'en apercevoir assez vite », prédit même Pierre Veltz, PDG de l'établissement public Paris-Saclay.

Changement de mode d'utilisation

Cette situation, aussi dangereuse financièrement soit-elle, devrait pourtant pousser les acteurs du Grand Paris à repenser les modes d'utilisation des bureaux « qui sont en profond changement », juge Pierre Veltz. Pour le PDG de Paris Saclay, il faut clairement rediscuter de « la façon dont on produit dans les villes ». Il pense concrètement au télétravail qui, dans certaines zones franciliennes, « est en train d'exploser ». C'est pourquoi notamment il pense que la production en entreprise va en partie se « recentrer autour du parc résidentiel » ; et propose comme piste de réflexion aux promoteurs immobiliers la conception de pièces dédiées au télétravail dans les immeubles de logements.

Prévoir la transformation des bureaux en logements?

Du reste, si de telles réflexions n'étaient pas menées à bout, il faudra au moins prévoir le recyclage des bureaux en logements, un procédé jusqu'ici très couteux. Avec le développement des nouvelles technologies, il y a fort à parier que les immeubles de bureaux construits aujourd'hui deviendront rapidement obsolètes. Pour François Leclercq, il faut donc dès la conception leur prévoir une seconde vie afin, au moins, de disposer à l'avenir du foncier suffisant pour faire du logement dans une métropole qui en aura cruellement besoin.