« Faire de l’eau un facteur de coopération et non de conflit », plaide l’interprofession des Vins du Sud-Ouest

Alors qu’un gigantesque incendie a déjà ravagé les Pyrénées orientales et que les réserves d’eau sont au plus bas en Occitanie, le gouvernement a annoncé un plan eau qui prévoit une économie de cette ressource de 30 % à l’horizon 2030. Comment le monde viticole du sud-ouest français s’adapte-t-il à cette transition vers un monde où les ressources en eau devront être pensées et partagées autrement ?
(Crédits : Michel Carossio)

« L'eau s'inscrit dans une chaîne complexe associant environnement, climat, énergie, industrie, alimentation, consommation en eau potable. Elle ne peut donc être analysée indépendamment du contexte global dans lequel elle s'inscrit », explique Paul Fabre. Directeur de l'interprofession des Vins du Sud-Ouest, il est conscient que la réponse aux besoins hydriques du bassin viticole qu'il représente ne pourra être trouvée qu'à condition d'une gestion de l'eau coopérative. Ce qui n'empêche pas les viticulteurs de travailler sur des solutions de court et plus long terme, car ils sont directement exposés aux conséquences de la sécheresse.

D'après l'étude Explore 2070, sans changement d'orientation, entre 2012 et 2070, les débits d'étiage devraient diminuer de 10 % à 40 % à l'échelle nationale, la recharge des nappes phréatiques devrait connaître une baisse moyenne de 10 % à 50 %. « Le bassin versant de la Loire et le sud-ouest de la France, seraient particulièrement touchées avec des baisses comprises entre 30 % et 50 %. Même si ce ne sont que des prévisions, elles nous obligent à anticiper les pénuries et à réfléchir aux pratiques dans une perspective globale. »

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Gérer l'eau de la vigne...

Avec des étés plus chauds et secs et des épisodes orageux ou pluvieux parfois plus brefs mais violents, les vignes du sud-ouest français sont soumises à un fort stress hydrique. La première des questions est donc celle de l'accès à l'eau, de l'irrigation des vignes. Celle-ci est encadrée par la législation communautaire et généralement interdite du 15 août à la récolte, ou du 1er mai à la récolte pour les vins à appellation. Face à cela, les viticulteurs du Sud-Ouest utilisent des outils d'aide à la décision pour raisonner une irrigation intelligente à travers par exemple un calcul du bilan hydrique en temps réel. En matière d'irrigation à proprement parler, des progrès techniques ont été faits, permettant notamment la micro-irrigation. « Nous remettons également en production des cépages délaissés mais qui, grâce à une maturité plus tardive, sont plus adaptés au changement climatique. On peut citer notamment le Tardif ou le Jurançon Noir », explique Paul Fabre.

Pour l'Institut Français de la Vigne et du vin (IFV), les solutions naturelles ne doivent pas être négligées : réduction de la densité sur les parcelles, sélection de cépages et de porte-greffes plus résistants à la sécheresse, paillage ou travail superficiel des sols pour maintenir l'humidité, agroforesterie pour favoriser les ombrages ... « d'autant que nous sommes un vignoble qui se caractérise par un fort enherbement entre les rangs mais aussi par des bosquets qui contribuent à plus de fraicheur pour les vignes. A travers ces aménagements, nos vignerons contribuent à maintenir un mésoclimat moins caniculaire.»

... à la bouteille

Pour une réelle efficacité, la gestion de l'eau ne peut néanmoins se réduire à la seule irrigation. Elle doit s'appliquer à la gestion des exploitations viticoles dans leur ensemble, ainsi qu'à toute la chaîne de production du vin. Au sein des exploitations, mieux vaut ainsi privilégier les espaces herbés ou les graviers que le béton pour les espaces de parking, afin de faciliter le ruissellement de l'eau. Plus globalement, c'est toute l'imperméabilisation des sols qui doit être limitée. « En complément d'aménagements hydrauliques possibles à la parcelle, une gestion collective et raisonnée de la ressource en eau à l'échelle du bassin versant est nécessaire, ainsi que la proposition de systèmes viticoles résistants, adaptatifs et respectueux. Ainsi, la réduction des intrants, engagée depuis plusieurs années dans le vignoble du Sud-ouest, contribue déjà à limiter la pollution des eaux souterraines et de ruissellement », encourage Paul Fabre.

Certains vignerons ont également adopté une approche globale, repensant leurs approvisionnements et leur chaîne de distribution en fonction de leur utilisation en eau. D'autres engagent des actions d'économie de cette ressource, en particulier au chai lors de la vinification ou pour le nettoyage des équipements. Les entreprises, caves coopératives et vignerons indépendants, ont engagé une stratégie globale de gestion et de réduction, notamment par la mise en place de techniques de récupération, de traitement et de recyclage des eaux usées et des eaux de pluie.

Au-delà de ces initiatives vertueuses, la gestion de l'eau devra être globale et coopérative, et impliquera la prise en compte des dimensions économiques, humaines et environnementales, insiste Paul Fabre. « Cette coopération doit aller à un niveau transfrontalier. Les principaux fleuves continentaux traversent plusieurs frontières, comme la Garonne, qui prend sa source en Espagne, dans les Pyrénées, et traverse l'Occitanie et la Nouvelle Aquitaine. » Seule une gestion collective et raisonnée permettra de préserver l'accès à l'eau potable, la souveraineté alimentaire et la préservation des écosystèmes.

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Commentaires 2
à écrit le 04/05/2023 à 21:33
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Un exemple à suivre de gestion de l'eau où la coopération est mise au service de la protecrion des écosystèmes

à écrit le 04/05/2023 à 18:18
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Il est de bon augure que la production passe par des initiatives collectives on a tous à y gagner

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