Mobile : la fin des contrats de 12 mois en attendant celles des subventions ?

Par Delphine Cuny  |   |  954  mots
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Orange va désormais réserver les subventions des téléphones aux clients souscrivant des contrats de deux ans. Contrats que les opérateurs veulent désormais concentrer sur le haut de gamme. D'autres pays diminuent ces subventions encore plus drastiquement.

En présentant mercredi sa nouvelle gamme de forfaits Origami, le c?ur de son offre mobile, Orange, le leader du marché, a insisté sur la polarisation du marché, qui s'est accentuée depuis l'arrivée du quatrième opérateur, Free Mobile : d'un côté les gros consommateurs réclamant de l'illimité, qui devient le standard, de l'autre les « pragmatiques », très regardants sur la facture, qui n'ont besoin que de quelques heures d'appels. Mais c'est aussi un marché à deux vitesses qui se dessine : le bas de marché et les clients « à valeur », choyés, auxquels divers services sont réservés pour s'assurer de leur fidélité. En particulier les subventions à l'acquisition d'un nouveau téléphone. En effet, désormais, les subventions ne s'appliquent qu'aux forfaits de 24 mois : « il n'y a pas de subvention pour les forfaits sur 12 mois ou le SIM-only (cartes SIM seules, sans téléphone NDLR) » a expliqué Alice Holzman, la directrice marketing grand public d'Orange France.

Le forfait de 24 mois a failli être interdit
« Plus de 90% de nos clients prenaient des forfaits de 24 mois » a-t-elle justifié. Mais « si les gens insistent pour prendre un forfait de 12 mois, on leur accordera une subvention » a-t-elle corrigé par la suite. Légalement, les opérateurs sont obligés de proposer les forfaits avec une durée d'engagement de 12 mois. L'UFC Que Choisir avait milité pour la limiter à 12 mois et interdire le verrouillage des clients au-delà. Le régulateur, l'Arcep, avait même évoqué une limitation à six mois.

A l'automne 2011, l'Assemblée nationale n'avait finalement pas voté l'amendement déposé par le député Nouveau Centre Jean Dionis du Séjour qui plafonnait à 12 mois la durée maximale d'engagement dans la téléphonie mobile. Si l'Arcep recommande aux opérateurs de mettre en avant le prix sur 12 mois, c'est rarement le cas. Il est toutefois devenu plus facile sur les sites des opérateurs de comparer en un clic les prix selon les durées d'engagement (généralement 6 euros de plus par mois sur un an que sur deux ans), avec ou sans téléphone.

Une différence de prix difficile à expliquer par le SAV
Mais du coup, en supprimant la subvention pour le forfait sur 12 mois, Orange fait perdre tout l'intérêt d'un abonnement, même s'il met en avant le service client. Car malgré la baisse importante des prix consentis dans sa nouvelle gamme Origami, de 20% en moyenne par rapport à la grille tarifaire encore en vigueur jusqu'au 7 juin, l'écart reste important avec les offres « low-cost » : quand Free Mobile propose de l'illimité 24/7 avec 3Go de données à 19,99 euros et Sosh, la marque en ligne d'Orange, la même chose pour 24,90 euros, le forfait approchant Origami Star (avec seulement 1Go) est à 39,90 euros par mois sur 12 mois. Certes, il y a l'offre de musique Deezer Premium, vendue 9,99 euros en solo. Mais il n'est pas sûr que tous les clients la trouvent indispensable ni qu'ils évaluent l'apport du service client à 15 ou 20 euros... Dans une récente étude, les analystes d'Oddo Securities avaient estimé à 2 euros par mois et par client le coût du SAV et des boutiques...

La sortie du nouvel iPhone aura valeur de test
Orange n'est pas le seul à s'inscrire dans cette tendance : Bouygues Telecom a aussi indiqué qu'il allait « concentrer les subventions sur le haut de gamme. » En clair, il faut désormais choisir entre la liberté totale - les forfaits sans engagement et sans mobile, en achetant son smartphone à prix coûtant (749 euros le dernier Samsung Galaxy SIII ou 629 euros pour l'iPhone 4S par exemple), éventuellement en plusieurs mensualités - ou le contrat longue durée. Certes depuis la loi Châtel, il est beaucoup plus facile de résilier au bout de 12 mois en limitant un peu les frais.

L'arme de la subvention va rester importante dans le marché actuel très bataillé, face à un Free Mobile qui ne propose pas de téléphone subventionné, les opérateurs « historiques » mettent le paquet  pour engranger les abonnés « fidélisés » sur deux ans. La sortie du nouvel iPhone, attendu en juin ou en septembre, aura valeur de test. Les consommateurs seront-ils prêts à renouer de longs engagements pour avoir le smartphone dernier cri ou auront-ils été rendus plus raisonnables par l'opération vérité sur les prix des dernières semaines ? « Le marché traditionnel du subventionné se tient bien, les ventes brutes sont 30% supérieures à avril 2011 » a relevé mercredi Delphine Ernotte, la directrice exécutive d'Orange France.

Les subventions baissent aux Etats-Unis, en Espagne
Mais pour combien de temps ? En Espagne, deux grands opérateurs européens, Vodafone et Telefonica, vont tester l'arrêt des subventions, même si Orange n'a pas suivi. Dans un contexte de crise économique, « la demande des consommateurs est particulièrement faible en Espagne » relèvent les experts de l'agence Fitch qui appellent de leurs v?ux une baisse généralisée en Europe des subventions, « qui érodent la rentabilité et le bilan » et sont devenues « tellement chères » avec des modèles comme l'iPhone 4S et les Galaxy de Samsung.

ataUne baisse permettrait aux opérateurs de « se concentrer sur l'investissement et la qualité du réseau. » L'agence Fitch souligne que les subventions de terminaux représentent environ 15% du chiffre d'affaires des opérateurs et que les Américains ont diminué ce coût en créant des frais supplémentaires de 30 à 35 dollars pour renouveler son téléphone, « ce qui a permis de ralentir le rythme de renouvellement des abonnés. » En France, du fait de l'arrivée tardive du quatrième opérateur, il n'est pas sûr que le mouvement s'enclenche à court terme. Mais la ligne semble toute tracée.