Valoriser SFR 15 milliards d'euros, "ce n'est pas assez" juge Jean-René Fourtou

Par Delphine Cuny  |   |  772  mots
Le président du conseil de surveillance du groupe Vivendi Jean-René Fourtou lors de l'Assemblée générale du groupe en 2012.
Le président du conseil de surveillance de Vivendi indique que la séparation en deux pôles du groupe pourrait finalement revenir à conserver SFR. Dans une interview au Monde pleine de contradictions, il reconnaît des divergences avec Vincent Bolloré.

Une offre de 15 milliards d'euros pour reprendre SFR ? "Ce n'est pas assez !" considère Jean-René Fourtou. Le président du conseil de surveillance de Vivendi, qui s'est confié au Monde sur le sujet, envisage finalement un autre scénario qu'une scission de SFR, jusqu'ici privilégiée : "une solution pourrait être que SFR reste avec Vivendi" explique-t-il.

"Je parie qu'avant trois ans nous retrouverons la valorisation qui était en vigueur lors du rachat en 2011 des 44% de SFR détenus par Vodafone. C'est un challenge mais c'est faisable." assure-t-il.

Ce rachat, "trop cher, neuf mois avant l'arrivée de Free", reconnaît-il, s'était conclu sur la base d'une valorisation de 18 milliards d'euros. Dans cette hypothèse, ce serait les filiales "médias et contenus" (Canal +, Universal Music Group mais aussi l'opérateur brésilien GVT) qui "seraient séparées du groupe"  Vivendi. Dans le même temps, il indique pourtant que les patrons de ces entités "se considèrent comme les fondateurs du Vivendi à venir."

 Pas le moment de céder SFR

Jean-René Fourtou espère cependant réussir la séparation des deux pôles "dans quelques mois." Si des rumeurs font état d'un intérêt du géant américain AT&T pour SFR, voire du britannique Vodafone, son ancien actionnaire, deux opérateurs aux poches pleines en quête de cibles, le président du conseil affirme que Vivendi n'a pas été approché pour sa filiale :  "personne ne nous a sollicités pour l'instant. Si cela arrivait, nous dirions non. Ce n'est pas le moment d'envisager une cession", déclare-t-il, en disant miser sur un redressement du marché des télécoms, bousculé par l'arrivée de Free Mobile il y a dix-huit mois.

Avantages fiscaux et accords avec d'autres opérateurs

Pourquoi SFR resterait-il au sein de Vivendi ? Parce que "SFR devrait dégager 2,8 milliards d'euros de résultat brut cette année et il peut donc mieux supporter une part de la dette du groupe, qui sera beaucoup réduite après les cessions", explique Jean-René Fourtou au Monde. Une telle structure permettrait également au groupe de continuer à bénéficier de certains avantages fiscaux. Un arbitrage répondant donc avant tout à des considérations opportunistes et financières. Le président du conseil de surveillance souligne par ailleurs que l'accord de mutualisation des réseaux mobiles en discussion avec Bouygues Telecom "n'exclut pas d'autres accords par la suite avec d'autres opérateurs", alors que de nombreux analystes croient toujours à un mariage avec Numericable, lui-même en passe d'entrer en Bourse. Ce qui a plu aux investisseurs. "A terme, il pourrait ne plus y avoir que deux réseaux en France" estime-t-il.

Activision, cédé à cause de la violence des jeux ?

Interrogé sur la pertinence de céder Activision et de garder le fournisseur d'accès Internet GVT dans un pôle médias, le président du conseil de surveillance fait valoir deux arguments tout sauf stratégiques : d'une part, "on devait absolument réduire l'endettement de Vivendi" et d'autre part, "le caractère violent de certains jeux dérangeaient plusieurs membres du conseil"  - mais pas celui de certains films ou séries de Canal Plus, pourrait-on se demander... Et  concernant GVT, "nous sommes très contents de n'avoir pas réussi à trouver un acheteur" : un non-choix en somme.

Une relation de confiance mais des divergences avec Bolloré

Enfin, Jean-René Fourtou évoque la récente crispation avec Vincent Bolloré, le premier actionnaire, nommé vice-président du conseil : "nous avons eu des divergences sur le management et la future gouvernance du groupe" indique-t-il sans préciser, affirmant qu'il entretient "une relation de confiance" avec Vincent qu'il "connaî[t] depuis trente ans." Il souligne qu'il l'a lui-même fait venir au sein du conseil, à l'occasion de la vente des chaînes D8 et D17 à Canal Plus. "C'est un vrai industriel, un investisseur qui ne dédaigne pas gagner de l'argent. Il y en a peu comme lui en France. Cette image et ces qualités me semblaient positives pour Vivendi." L'ancien patron de Rhône-Poulenc regretterait-il d'avoir utilisé l'image d'actionnaire activiste de Vincent Bolloré pour faire remonter l'action ? Candidat au poste de président du directoire, l'homme d'affaires breton "a compris" que c'est "un job à plein temps, très compliqué quand on a d'autres activités." Après la séparation des deux pôles, Jean-René Fourtou envisage cependant que "Vincent" pourrait lui "succéder à la tête du conseil de surveillance de l'entité médias et contenus."

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