Free débouté contre Numericable

Par Delphine Cuny  |   |  535  mots
Eric Denoyer, le PDG de Numericable.
Le fournisseur d’accès demandait le retrait du prospectus d’introduction du câblo-opérateur qui contenait selon lui des informations « dévalorisantes » à l’égard de sa Freebox et de ses débits.

Sans donner vraiment raison à l'un ni à l'autre, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté Free de sa demande contre Numericable : le fournisseur d'accès à Internet avait assigné en référé le câblo-opérateur le 31 octobre dernier, demandant en urgence l'interdiction du prospectus d'introduction en Bourse de Numericable, qui contenait selon lui des informations « fausses et dévalorisantes » à l'égard de sa Freebox Révolution et de ses débits notamment, et ce une semaine avant la première cotation de son concurrent.

Le tribunal a notamment souligné « l'inaction volontaire » de Free, qui aurait pu déposer sa demande un mois plus tôt, à la publication du document incriminé, sans attendre la dernière minute, saisir l'Autorité des marchés financiers ou le gendarme des télécoms (Arcep), voire publier un rectificatif dans la presse.

Dommages et intérêts rejetés

Dans l'ordonnance, que La Tribune a pu consulter, le juge des référés rejette la demande de 150.000 euros de dommages et intérêt de Numericable pour procédure abusive « ayant pour seul but de nuire », et dans le même temps condamne Free à verser à son rival 40.000 euros au titre des frais de justice.

A la barre, les avocats de Free avaient retiré leurs demandes de retrait du document, au profit d'un simple rectificatif, ce qui avait déjà été fait sur les débits (28 mégabits par seconde au lieu de 24 mégas inscrits initialement). Le juge observe cependant qu'il ne lui « appartient pas de statuer sur le bien-fondé ou la fausseté d'une information technique en l'absence d'un document officiel incontestable. »

En effet, Free reprochait à Numericable d'indiquer dans un tableau comparant les box des différents opérateurs que sa Freebox Révolution, « la vitrine technologique du groupe », n'aurait « qu'un simple mode vidéo IP TV alors qu'elle est en mode haute définition Full HD », que son lecteur Blu-Ray n'est pas 3D et la lecture de YouTube pas en HD. Numericable a rétorqué en citant les critiques de l'Arcep sur les capacités d'interconnexion de Free à améliorer…

Bouygues Telecom réclame 53 millions d'euros

Surtout, aux yeux du juge, le document de base soumis à l'AMF en vue d'une introduction en Bourse « n'est nullement un document de publicité comparative destiné au consommateur » et Free n'a pas démontré qu'il risquait de subir de « dommage imminent » : le groupe de Xavier Niel arguait que si, « les investisseurs vont décider d'accorder du crédit à Numericable et donc la renforcer financièrement par rapport à Iliad, sur la base d'informations erronées. »

N'en déplaise à Xavier Niel, l'introduction du câblo-opérateur a finalement été un succès, sursoucrite plus de dix fois avec un prix fixé en haut de fourchette à 24,80 euros. L'action cote aujourd'hui 27,95 euros, soit une capitalisation de 3,4 milliards d'euros, un peu moins d'un tiers de celle d'Iliad (9,5 milliards d'euros). Bouygues Telecom réclame de son côté 53 millions d'euros de dommages et intérêts à Numericable pour des défaillances dans l'exécution du contrat qui les lie sur le très haut débit, comme l'avait révélé le câblo-opérateur lui-même le 31 octobre dernier. L'affaire n'a pas été encore jugée.