SFR : Patrick Drahi prêt à s'engager sur l'emploi pour 3 ans

Par Delphine Cuny  |   |  580  mots
Le premier actionnaire d'Altice, la maison-mère de Numericable, précise que son engagement ne s'applique pas en cas de « revirement économique imprévisible. » Copyright REA.
Le premier actionnaire de Numericable indique dans une lettre aux dirigeants de Vivendi qu'il s'engage à maintenir l'emploi pendant 36 mois, mais à compter du 4 avril. L'intersyndicale de SFR réclame un engament sur 48 mois et se déclare sceptique.

La bataille de SFR se joue à coups de milliards mais aussi d'engagements sur l'emploi. Après les déclarations solennelles et lettres aux ministres de Martin Bouygues et Patrick Drahi, l'intersyndicale de l'opérateur convoité par Bouygues et Numericable est montée au créneau hier en demandant aux candidats de signer un protocole d'accord formalisant des engagements très forts en matière, notamment un maintien des effectifs pendant 48 mois. Patrick Drahi, le président d'Altice, le premier actionnaire de Numericable, a répondu dès hier dans un courrier adressé au président du directoire de Vivendi, Jean-François Dubos, et à Jean-Yves Charlier, le PDG de SFR. Il s'engage à ne procéder à « aucun licenciement collectif économique » du fait de la réorganisation qui suivrait la fusion. « Il y aura maintien de l'emploi » et « aucune remise en cause du statut collectif SFR » assure-t-il, un engagement pris « pour une durée de 36 mois à compter de la fin de la période d'exclusivité » des négociations avec Vivendi, à savoir le 4 avril.

Sauf « revirement économique imprévisible »

Or l'opération mettrait plusieurs mois avant d'être finalisée, ce qui interviendrait plutôt en fin d'année : l'engagement réel risquerait donc d'être réduit à un peu plus de deux ans dans les faits. La proposition ne devrait donc pas satisfaire pleinement les représentants syndicaux de SFR, qui étudiaient ce matin en comité central d'entreprise ce courrier. En outre, le président d'Altice, prudent, prend soin de préciser que cet engagement « ne trouvera pas à s'appliquer si au cours de la période, un revirement économique imprévisible, c'est-à-dire extérieur au projet industriel annoncé par les dirigeants de Numericable Group, venait à affecter la situation économique du nouveau groupe. » Par exemple une relance de la guerre des prix, une « nouvelle rupture tarifaire » comme l'envisageait le cabinet Sextant dans son rapport commandé par le CCE de SFR ?

Scepticisme des syndicats

L'intersyndicale, qui regroupe l'Unsa, la CFE-CGC, la CFDT et la CGT, a réagi en fin de matinée dans un communiqué, se félicitant que le groupe prouve sa capacité à formaliser ses engagements sociaux, estimant que le courrier de Patrick Drahi « répond partiellement aux inquiétudes des salariés et aux garanties demandées par les syndicats. » Mais elle constate que « Numericable se ménage plusieurs portes de sorties pour déroger au maintien de l'emploi », notamment la notion « subjective » de revirement économique : « l'article du code du travail auquel il est fait référence inclut les mutations technologiques. Pour un opérateur télécom, cela signifie-t-il par exemple qu'un passage à la 5G pourrait justifier des licenciements ? » relève Olivier Lelong, délégué syndical central de la CFDT.

L'intersyndicale note aussi que Numericable s'en remet à la « gestion des conséquences sociales par la mobilité interne et la GPEC, qui permettrait des suppressions d'emplois. » En outre, l'engagement sur « aucun licenciement collectif économique » n'empêche pas les licenciements individuels, économiques ou pour fautes, ou des ruptures conventionnelles : « s'ils en abusent, il n'y aura pas de maintien de l'emploi » souligne le délégué CFDT. L'intersyndicale se dit toutefois « optimiste » sur la signature d'un accord par Patrick Drahi « avant la prise de décision de Vivendi le 4 avril. »

Elle espère aussi que le groupe Bouygues, au siège duquel elle a déposé son protocole d'accord sur l'emploi hier, lui répondra sous peu.