Startups : « il faut de l’argent pour sauver la French Tech ! »

Par Delphine Cuny  |   |  689  mots
François Hollande a reçu à l'Elysée le 11 juin dernier des investisseurs américains et des représentants de la French Tech, dont Jérôme Lecat (à gauche), le fondateur et patron de Scality (Reuters).
Les 15 millions d’euros annoncés pour des opérations de communication sur les startups françaises n’ont toujours pas été débloqués et seraient menacés. Le mouvement de mobilisation collective risque de retomber, s’inquiète notamment Jérôme Lecat, fondateur et patron de Scality.

« La French Tech reste-t-elle un projet du gouvernement ? » s'interroge un haut fonctionnaire, dubitatif, bien que de nombreuses métropoles se bousculent pour déposer leur candidature à la labellisation. Cette initiative lancée à l'automne par Fleur Pellerin, à l'époque ministre déléguée au Numérique, afin de mobiliser l'écosystème français des startups dans toutes les régions et le faire connaître à l'étranger, serait menacée par les coupes budgétaires. « Le programme des investissements d'avenir est en cours de réexamen, une ponction va être opérée et personne n'est à l'abri. Or Matignon soutient assez mollement la French Tech » révèle cette source gouvernementale.

Ce sont en fait les 15 millions d'euros de subvention annoncés en janvier pour des «opérations d'attractivité internationale » qui sont sur la sellette, et non les 200 millions d'euros que Bpifrance investira dans des programmes privés d'accélération de startups. « Des arbitrages sont en cours. Les 15 millions dédiés ne sont pas encore signés » reconnaît une source proche du dossier à Bercy, qui espère cette signature « d'ici fin juillet ou fin août ». Cette enveloppe modeste avait déjà été obtenue de haute lutte,  le principe de « subventions pour faire de la publicité » étant mal accepté.

« Une mobilisation incroyable »

Très investi dans cette mise en avant des startups françaises, Jérôme Lecat, fondateur et directeur général de Scality, entreprise de technologie de stockage à grande échelle, ne cache pas son inquiétude. Installé à San Francisco, mais régulièrement de passage à Paris où se trouve le siège de Scality, l'entrepreneur, qui avait écrit une « lettre ouverte d'un startupper à François Hollande» en février dernier - au moment de la visite du Président de la République dans la Silicon Valley, pour lui expliquer le problème d'image de la France à corriger - et qui avait été moteur dans l'opération séduction des investisseurs américains invités à Paris et même à l'Elysée en juin dernier, ne comprend pas que rien n'ait bougé depuis janvier.

« Je trouve choquant que cet argent - 15 millions d'euros, c'est très limité à l'échelle du budget de l'Etat - n'ait toujours pas été débloqué » confie Jérôme Lecat. « La French Tech a besoin de moyens d'action. Sinon, on risque de tuer ce mouvement et la mission French Tech perdre de sa crédibilité. Le soufflé risque de retomber alors qu'il y a une mobilisation incroyable sur le terrain depuis six mois » s'alarme l'entrepreneur.

«Etablir la marque, la faire grandir à l'international »

Signe de cette absence de moyens : ce n'est pas la mission French Tech, rattachée à Bercy, qui a contribué au financement de la visite des investisseurs américains à Paris et à la French Touch Conference organisée fin juin à New York, comme prévu initialement, mais l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), relève-t-il.

« La French Tech est une idée géniale. Cela fait 20 ans que je travaille dans des startups et pendant 19 ans et demi, j'ai travaillé seul dans mon coin. Mais depuis six mois, il se passe quelque chose. Le simple fait de mettre une bannière, une marque, a eu un effet dynamisant. C'est un vrai bonheur ! », s'enthousiasme le fondateur de Scality. « Or il faut établir cette marque, la faire grandir à l'international. La French Tech a besoin de ces 15 millions d'euros pour organiser des événements afin que les startups françaises soient aussi reconnues à l'étranger que le luxe ou le vin. »

Des opérations de communication et des événements sont nécessaires selon lui afin de «créer un dialogue sur le long terme avec les « VC » (venture-capitalists) de la Silicon Valley, emmener des membres du gouvernement en Californie et à New York, organiser des voyages à Paris et en région », comme le font à leur manière Israël ou la Tech City londonienne. Jérôme Lecat relève que « les entrepreneurs sont prêts à donner de leur temps et un coup de main, mais ce n'est pas leur métier. Il faut que l'Etat tienne sa promesse. »