Les frais de roaming en Europe maintenus jusqu'en 2018 ?

Par Delphine Cuny  |   |  706  mots
Le Conseil européen souhaite reporter de trois ans la fin des frais d’itinérance facturés par les opérateurs mobiles aux clients voyageant au sein de l’UE. La Lettonie qui porte ce projet suggère la création d’un quota de communications au tarif local. Le compromis s'annonce difficile avec la Commission et le Parlement européen.

Le lobbying des opérateurs mobiles a semble-t-il porté ses fruits. Le Conseil européen envisage de repousser de trois ans la suppression, au sein des pays de l'Union, des frais de « roaming », qui s'appliquent lorsque l'on utilise son téléphone à l'étranger, a révélé l'agence Reuters. L'abolition au 15 décembre 2015 de ces frais d'itinérance, qui demeureront en dehors de l'Europe, avait été adoptée par une très large majorité au Parlement européen en avril dernier, sur proposition de Neelie Kroes, la précédente Commissaire au Numérique, qui en avait fait son cheval de bataille.

Une enveloppe de communications au tarif local

Selon le document préparatoire que Reuters a pu consulter, le Conseil européen, qui représente les gouvernements des Etats membres et est actuellement présidé par la Lettonie, propose à la place de créer un quota de roaming au tarif local pour appeler et surfer depuis son smartphone, sans préciser le montant de cette enveloppe (en euros ou en mégaoctets). Au-delà de ce plafond à déterminer, les opérateurs ne pourraient facturer aux consommateurs leurs communications plus cher que les prix de gros maximum, à savoir 5 centimes la minute. Depuis le 1er juillet 2014, l'eurotarif plafonne les prix de détail à 20 centimes hors taxe le mégaoctet, 19 centimes l'appel émis et 6 centimes le SMS.

En France, plusieurs opérateurs incluent une enveloppe ou un quota de roaming gratuit dans certains pays, Free Mobile ayant été pionnier en la matière en avril 2013 : il permet à ses abonnés d'utiliser sans surcoût leur forfait à 19,99 euros (appels, SMS, 3Go d'Internet mobile) dans une douzaine pays européens désormais, dans la limite de 35 jours par an. D'autres opérateurs en Europe proposent des formules du même type.

Le texte du Conseil européen demande à la Commission d'analyser le marché de gros et de faire des propositions législatives afin de le réformer d'ici à la mi-2018. La proposition sera examinée par les 28 pays de l'Union la semaine prochaine selon Reuters. Si elle est approuvée, il faudra ensuite négocier un compromis avec la Commission et le Parlement européen. Ce quota de communications à prix réduit sera-t-il suffisant pour réconcilier les partisans d'une disparition rapide et les défenseurs d'une transition douce ?

Pays du nord contre pays du sud

De nombreux opérateurs européens étaient vent debout contre la suppression du roaming, qui leur rapporte plus de 4 milliards d'euros par an, mais un clivage marqué entre ceux du sud et ceux du nord était apparu. Le PDG d'Orange, Stéphane Richard, avait fait valoir que cela reviendrait « à faire subventionner les touristes allemands, néerlandais ou anglais, nombreux à migrer vers le sud pour leurs vacances, par les Grecs, les Italiens ou les Espagnols » et aboutirait à « un transfert de plusieurs milliards d'euros. » La baisse des tarifs de « roaming » a déjà coûté un peu plus de 80 millions d'euros d'excédent brut d'exploitation en 2013 à l'opérateur français, qui estime à 300 millions en cumulé l'impact cumulé sur les années suivantes. Il a depuis décidé de transformer cette contrainte en opportunité, en proposant des tarifs plus abordables pour inciter davantage les abonnés à utiliser leur portable à l'étranger.

Le patron d'Orange a probablement évoqué le sujet hier avec le nouveau Commissaire européen au Numérique, Günther Oettinger, qu'il a rencontré à Bruxelles, tandis que le vice-président de la Commission, l'Estonien Andrus Ansip, était reçu à Bercy par Axelle Lemaire, la secrétaire d'Etat au Numérique, elle-même défavorable à une baisse trop drastique et rapide des frais de roaming.

En présentant l'agenda numérique de la nouvelle Commission en janvier, Andrus Ansip a abordé cette question épineuse :

« On ne peut pas avoir un marché unique du numérique si les consommateurs paient dix fois plus cher leur consommation d'Internet quand ils passent une frontière européenne », a-t-il déclaré, rapporte "Le Monde" tout en reconnaissant que « supprimer les frais de roaming n'est pas une décision facile à prendre : dans les pays touristiques, par exemple, les opérateurs sont obligés d'investir considérablement dans leurs infrastructures pour que les touristes puissent accéder à la 3G comme chez eux. »