« Dans la fibre, Orange est en train de balayer tout le monde »

Par Pierre Manière  |   |  664  mots
Maxime Lombardini, le DG d'Iliad, maison-mère de Free, l'opérateur de Xavier Niel.
Lors d’une audition mardi auprès de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Maxime Lombardini, le DG d’Iliad (Free) a fusillé le cadre réglementaire concernant le déploiement de la fibre en France. Celui-ci serait « trop favorable » à l’opérateur historique. D'après lui, sans « rééquilibrage », Orange risque de recréer un monopole dans l'Internet fixe.

C'est la réponse du berger à la bergère. Dans une interview dans nos colonnes le mois dernier, Stéphane Richard, le PDG d'Orange, avait souligné que le très haut débit et le déploiement de la fibre étaient sa grande priorité. Pour poursuivre sa marche en avant, le patron du numéro un français des télécoms a vigoureusement insisté pour que les règles du jeu liées au Plan France Très haut débit, qui encadrent les investissements des opérateurs, demeurent stables.

Mais pour Free, comme pour SFR et Bouygues Telecom, le cadre réglementaire est beaucoup trop favorable à Orange. Tous militent auprès de l'Arcep, le régulateur des télécoms, pour que celui-ci soit revisité, sous peine de recréer un monopole dans l'Internet fixe. Lors d'une audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale ce mardi, Maxime Lombardini, le DG d'Iliad (Free), a, c'est peu dire, enfoncé le clou.

« Sur l'internet fixe, la fibre [et le Plan France Très haut débit, Ndlr], c'est un magnifique projet, c'est clair, mais il faut être vigilant. [...] L'opérateur historique ne doit pas profiter de la fibre pour re-monopoliser [le secteur]. Or aujourd'hui, c'est ce qui se passe. Orange fait plus de 70% de part de marché sur la fibre. Et ce n'est pas seulement grâce à son talent. »

« Orange s'est réservé les fourreaux »

Dans la foulée, Maxime Lombardini passe l'effort de l'opérateur historique dans la fibre à la sulfateuse :

« Les investissements d'Orange dans la fibre ne sont pas extraordinaires. 550 à 600 millions d'euros dans la fibre en 2016 pour 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires, c'est à comparer aux 350 millions d'euros qu'y investit Iliad pour 4,4 milliards de chiffre d'affaires », dézingue-t-il.

Surtout, le bras droit de Xavier Niel chez Free dénonce les avantages dont bénéficierait Orange vis-à-vis de ses concurrents :

« Le succès actuel de l'opérateur historique, il est aussi lié à des avantages structurels. Jusqu'en 2009, Orange s'est réservé l'usage des fourreaux - ces 350.000 kilomètres de tuyaux qui sont sur les routes de France et permettent de déployer la fibre - pendant que les opérateurs alternatifs devaient creuser des tranchées ou passer par les égouts. Cela a permis à l'opérateur historique de couvrir toute la zone dense quand les autres ne pouvaient pas y accéder. S'y est ajouté le fait que le point de mutualisation a été mis dans l'immeuble, ce qui est une barrière à l'entrée énorme dans les zones denses. Rien que Paris, c'est 65.000 immeubles dans lesquels il faut rentrer, et c'est quelque chose sur lequel on a de vrais problèmes. Et puis il y a la zone de co-investissement [dans les territoires moyennement denses, où les opérateurs déploient ensemble leurs infrastructures pour des questions de rentabilité, Ndlr]. Orange y a une position ultra-dominante et nous parait se comporter en matière contractuelle et tarifaire de manière non-satisfaisante : il surfacture les prises et refuse des conditions contractuelles acceptables. »

« On demande des adaptations »

Interrompant sa démonstration, Frédérique Massat, la présidente de la commission (PS), demande à Maxime Lombardini « de parler de [Free] » et non des autres opérateurs. Agacé, le DG d'Iliad ne désarme pas, et appelle vivement à revoir les règles du jeu :

« Mais madame la présidente, notre stratégie, c'est de déployer la fibre ! Si le cadre ne nous permet pas de le faire et si on ne peut pas vous le dire, on a un problème... Aujourd'hui, voici la réalité : on a un opérateur historique qui est en train de balayer tout le monde sur la fibre parce que le cadre lui est trop favorable. On investit massivement, mais on demande des adaptations du cadre. »

A n'en point douter, Sébastien Soriano, le patron de l'Arcep, aura bien reçu le message.