Haine sur internet : l’UE menace les géants américains

Par Sylvain Rolland  |   |  680  mots
D'après la Commission européenne, Facebook, Twitter, YouTube et Microsoft ne respectent pas le "code de conduite" qu'elles ont signé en mai dernier sur la modération rapide des contenus haineux.
La Commission européenne estime que Facebook, Twitter, YouTube et Microsoft, qui avaient signé un code de bonne conduite en mai dernier pour retirer les contenus haineux de leur plateforme en moins de 24 heures, ne respectent pas leur engagement. La commissaire à la Justice Vera Jourova dégaine l’arme de la législation.

Facebook, Twitter, YouTube (qui appartient à Google) et Microsoft sont prévenus. Si la méthode douce ne marche pas, l'Europe dégainera son arme ultime: la législation. C'est ce qu'a annoncé la Commission européenne dimanche soir. Dans une interview au Financial Times, la commissaire à la Justice, Vera Jourova, reproche aux géants américains de ne pas agir assez vite pour retirer de leur plateforme les messages haineux d'incitation au terrorisme. Par conséquent, elle menace de les y forcer par la loi:

"Si Facebook, YouTube, Twitter et Microsoft veulent me convaincre, ainsi que les autres ministres, que l'approche non-législative peut fonctionner, ils devront agir vite et faire de gros efforts dans les prochains mois".

Non-respect du "code de bonne conduite" signé en mai dernier

Vera Jourova s'appuie sur un rapport de ses services. Celui-ci estime que ces entreprises ne respectent pas le "code de conduite" qu'elles ont signé en mai dernier. Régulièrement accusés de laisser se propager les incitations à la haine et au terrorisme sur la Toile, notamment depuis les attentats de novembre 2015, Facebook, YouTube, Microsoft et Twitter s'étaient engagés à effectuer leur travail de modération des contenus en moins de 24 heures.

Dans ce code de conduite en douze points, les quatre géants du Net s'engageaient à réagir "dès la réception d'un signalement valide" par un internaute ou une organisation, et à "supprimer ou rendre inaccessibles" tout contenu haineux, notamment tout ce qui relève du racisme et de l'apologie du terrorisme.

Le document prévoyait aussi de renforcer les liens entre ces entreprises privées et des organisations issues de la société civile, pour promouvoir ensemble un "contre-discours", qui est l'un des piliers de la stratégie de lutte contre la haine sur internet.

Seuls 40% des contenus haineux retirés en 24 heures

"Dans les faits, ces entreprises prennent beaucoup plus de temps et n'atteignent pas leurs objectifs. Elles n'examinent que 40% des signalements en moins de 24 heures", dénonce le rapport. Le chiffre montre à plus de 80% au bout de 48 heures, mais ce délai est jugé trop long par la Commission européenne.

Si Facebook, Twitter, YouTube et Microsoft faillissent à leur mission dans tous les pays, ils sont particulièrement négligents dans une poignée d'entre eux. Ainsi, en France et en Allemagne -où la modération des contenus par les plateformes sur internet est déjà inscrite dans la loi-, le taux de retrait des messages haineux est de 40% en 24 heures. Mais en Autriche, il tombe à 11%. La palme revient à l'Italie, avec un misérable 4%.

Le code de bonne conduite était contesté dès le début

Les ministres de la Justice de l'Union européenne doivent se réunir à Bruxelles jeudi prochain pour discuter du rapport. Ils devraient laisser encore quelques mois aux entreprises pour s'améliorer, avant de passer par la voie législative, ce qui sera long.

Si l'Union européenne a raison de se montrer intransigeante dans un contexte où la radicalisation se fait surtout via Internet, et d'insister sur l'élaboration d'un contre-discours avec les experts compétents, certains acteurs de la lutte contre la haine avaient mis en garde contre les "zones d'ombres" du texte dès sa signature.

Ainsi, SOS Racisme, SOS Homophobie et l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) dénonçaient dès le 31 mai le "flou" sur la composition des équipes de modération, et sur leurs méthodes pour identifier des contenus haineux et choisir la réponse appropriée.

Pour la modération des contenus comme pour le droit au déréférencement, la Commission laisse les entreprises concernées décider quelles sont les requêtes valides. Cela revient donc à laisser à des entreprises privées la capacité de fixer où sont des limites de la liberté d'expression, bien qu'elles doivent collaborer avec des experts pour le faire. Ce fait pose problème aux organisations de la société civile, qui ne verraient pas d'un mauvais œil une action de Bruxelles de manière moins concertée et davantage pro-active sur ce sujet.