Mais jusqu'où ira Apple ?

Par Jérôme Marin, à New York  |   |  919  mots
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400, 500 et maintenant 600 dollars... Plus rien ne semble pouvoir arrêter l'envolée de l'action du groupe à la pomme, qui lance ce vendredi le "nouvel iPad". Une hausse rapide qui interpelle certains analystes.

Il y a un an, quasiment jour pour jour, Alex Guana s'était attiré les foudres des nombreux "Applemaniacs" qui peuplent Wall Street. Cet analyste quasiment inconnu de JPM Securities avait alors osé dégrader sa recommandation sur Apple, de "surperformance" à "performance en ligne", estimant que le chiffre d'affaires de la société pourrait décevoir les investisseurs. Un véritable blasphème qui avait déclenché une vague de critiques souvent acerbes. D'autant plus que ses commentaires avaient trouvé un certain écho sur les marchés, l'action du groupe à la pomme chutant ce jour-là de 4,5%.

Si ces prédictions se sont finalement révélées fausses, les réactions suscitées par les propos d'Alex Guana - qui s'était offert à l'occasion un joli coup de publicité - en disent long sur l'état d'esprit qui règne à Wall Street dès que l'on évoque Apple. Plus récemment, les médias et les investisseurs s'amusaient des pronostics foireux d'Edward Zabitsky d'ACI Research, le seul analyste qui recommande aujourd'hui de vendre l'action Apple, avec un objectif de cours fixé à 270 dollars ! Un analyste canadien, patrie du BlackBerry...

+45% depuis le début de l'année

Car l'action Apple n'en finit plus de monter. Jeudi à l'ouverture des marchés, elle a même touché la barre des 600 dollars pour la première fois de son histoire, seulement 23 jours de cotation après avoir franchi celle des 500 dollars ! Et deux mois plus tôt, elle s'échangeait encore sous le seuil des 400 dollars. Depuis le début de l'année, le titre de la firme de Cupertino a bondi de 45%. Et le rythme de progression ne fait que s'accentuer: +13% en janvier, +19% en février et déjà +8% en mars (et même +11% jeudi matin). A côté, la progression de 26% enregistrée sur l'ensemble de l'année 2011 ferait presque pâle figure.

Si les analystes n'en finissent plus de relever leurs objectifs de cours - Morgan Stanley a évoqué jeudi une cible de 960 dollars -, cette évolution presque exponentielle en interpelle certains. C'est notamment le cas de Chris Whitmore de Deutsche Bank. Jeudi, dans une note diffusée auprès de ses clients, l'analyste a indiqué qu'il avait retiré Apple de sa liste de valeurs recommandées à court terme, tout en restant positionné à l'achat sur la valeur à long terme. "Le rythme de surperformance devrait ralentir après la hausse récente", écrit-il.

Un million d'iPad

"Le scepticisme de Chis Whitmore sur le rythme de progression d'Apple est partagé par beaucoup à Wall Street, mais peu souhaitent l'exprimer", souligne le "Wall Street Journal", rappelant que "les précédentes prévisions baissières ont toutes été contredites avec le temps". Jeudi, alors que la note de Deutsche Bank circulait dans les salles de marché, l'action Apple accusait ainsi le coup, perdant jusqu'à 2% en séance et mettant fin, en clôture, à six séances consécutives de hausse. Comme si certains investisseurs attendaient une confirmation de leur sentiment avant de vendre.

"L'évolution en parabole (telle que connaît Apple, ndlr) arrive généralement à la fin d'un cycle pas au milieu", prévient de son côté Peter Boockvar de Miller Tabak, interrogé par CNBC. "Je ne suis pas vendeur sur Apple. Mais quand vous voyez une action évoluer de la sorte, peu importe si elle formidable", poursuit-il, redoutant un retour brutal sur terre. "Compte tenu de sa taille, cela aura des conséquences sur le reste des marchés". A 600 dollars, la capitalisation d'Apple s'élèvera à 560 milliards de dollars (à son apogée en 1999, Microsoft valait 604 milliards), pesant à hauteur de 4,3% au sein de l'indice S&P 500, qui regroupe 500 les importantes sociétés cotées américaines.

L'action Apple devrait cependant reprendre son ascension ce vendredi, jour de sortie du "nouvel iPad". Puis la semaine prochaine, avec les premières estimations de vente de la troisième version de la tablette à succès. Les analystes de Piper Jaffray estiment que le groupe pourrait écouler un million d'exemplaires ce vendredi et dix fois plus avant la fin du mois. Selon leurs calculs, les ventes d'iPad devraient atteindre 60 millions cette année, contre "seulement" 40,5 millions en 2011. Avant de grimper à 176 millions en 2015. Ils anticipent, cette année-là, 385 millions d'iPhones vendus (contre 93 millions en 2011).

1.000 dollars l'action

Le consensus des analystes mise sur un chiffre d'affaires de 157,6 milliards de dollars pour l'exercice en cours, qui prend fin le 30 septembre. Cela représente une progression de 31,5% par rapport à l'exercice précédant. Les profits de la firme de Cupertino devraient atteindre de nouveaux sommets, à 40,1 milliards de dollars (26 milliards en 2011). En 2013, les marchés anticipent des ventes de 183,5 milliards de dollars, pour un bénéfice net de 44,8 milliards (tout proche des profits record de 45,22 milliards enregistrés par Exxon Mobil en 2008). Des performances financières qui devraient même être plus impressionnantes: Apple bat systématiquement, et nettement, les attentes des investisseurs.

Dans ces conditions, les chiffres les plus fous circulent. Et certains n'hésitent pas à évoquer le cap des 1.000 dollars pour l'action, et celui des 1.000 milliards pour la capitalisation boursière. En conservant la valorisation actuelle (16,68 fois les bénéfices), il faudrait pour cela que les profits d'Apple atteignent respectivement 55,9 et 59,95 milliards de dollars pour toucher ces deux barres. Ces seuils pourraient cependant être revus à la baisse, notamment si Apple décide d'initier le paiement d'un dividende, suspendu depuis décembre 1995. Avec plus de 100 milliards de dollars dans les caisses, la société en a les moyens mais se refuse pour l'instant à le faire.