Vers un méga-fonds européen de 100 milliards d'euros pour créer des champions de la tech ?

Par Sylvain Rolland  |   |  587  mots
Des officiels européens ont mis au point une stratégie pour la souveraineté numérique de l'Union européenne, qui implique de créer un méga-fonds d'investissement de plus de 100 milliards d'euros dans la tech européenne. La nouvelle présidente de la Commission Ursula von der Leyen devra trancher. (Crédits : Francois Lenoir)
Des officiels européens ont présenté une stratégie agressive pour permettre à l'Europe de gagner sa souveraineté numérique face aux Etats-Unis et à la Chine. Ils souhaitent convaincre la nouvelle Commission de lancer un méga-fonds d'investissement de 100 milliards d'euros pour financer les champions de la tech et mener la course à l'innovation dans des secteurs stratégiques.

Aux grands maux, les grands remèdes ? Face au constat que la souveraineté numérique européenne est toujours un vœu pieu tant l'Internet mondial est dominé par les GAFAM américains (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et les BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), des officiels européens font pression pour que la future présidente de la Commission à partir de novembre, l'allemande Ursula von der Leyen, lance un méga-fonds d'investissement souverain de 100 milliards d'euros.

L'objectif : financer les startups européennes "à fort potentiel" destinées à devenir des géants dans leur domaine, et des technologies de rupture qui pourraient potentiellement créer de nouveaux standards mondiaux, dans un certain nombre d'industries identifiées comme prioritaires. Si le détail ce ces secteurs n'a pas été révélé, l'Europe a déjà identifié le stockage de l'énergie, la cybersécurité, le spatial ou encore l'intelligence artificielle comme des enjeux prioritaires.

Créer les standards technologiques des années à venir

Le site Politico révèle l'information sur la base d'un rapport fleuve de 173 pages. Le document étale une stratégie offensive, qui vise à la fois à contrer la politique commerciale agressive de Donald Trump, et à répondre aux géants américains de la tech, dont les pratiques fiscales irritent de plus en plus le Vieux continent, à l'image de la France qui y a répondu en lançant une "taxe Gafa" controversée. Pour ne plus être une colonie numérique des géants américains qui se sont imposés dans les usages, ce "fonds européen pour le futur" serait financé par le budget européen alloué au financement de l'innovation et de la recherche.

"L'Europe ne dispose pas de tels groupes. Cela représente un risque pour la croissance, l'emploi et son influence dans des secteurs stratégiques clefs", estime le rapport.

L'idée serait donc à la fois de créer des alternatives européennes aux géants actuels de la tech, mais surtout de permettre à l'Europe d'ouvrir la voie en imposant les standards technologiques de demain, comme Nokia a su le faire en s'appuyant sur la technologie mobile GSM.

Bruxelles temporise

Investir des tickets conséquents permettrait aussi aux futurs géants européens d'être mieux valorisés et donc moins vulnérables à des opérations d'acquisition. C'est aujourd'hui un vrai problème pour la tech européenne, qui voit régulièrement des pépites prometteuses se faire racheter à un stade embryonnaire par les géants du Net américains, ou passer sous pavillon étranger après une méga-levée menée par un fonds non-européen. La valorisation des champions européens actuels est un autre révélateur de ce problème de liquidités. Par exemple, le leader mondial suédois du streaming musical, Spotify, est actuellement valorisé autour de 24 milliards de dollars, là où son équivalent dans le streaming vidéo, l'américain Netflix, pèse 127 milliards de dollars, soit plus de cinq fois plus. Les Gafam, eux, tutoient les 1000 milliards de dollars de valorisation.

Si les services de la Commission européenne n'hésitent plus à envisager la création d'un fonds souverain européen - une idée débattue depuis des années mais qui effraie les pays les plus libéraux -, Bruxelles a tenu à refroidir les ardeurs. Des porte-paroles ont affirmé que le rapport "n'a pas été examiné par la Commission" et encore moins par l'équipe de transition de la nouvelle présidente Ursula von der Leyen.