Le Small Business Act, un procédé inefficace pour soutenir le numérique

Par Sandrine Cassini  |   |  680  mots
Nicolas Sarkozy et François Hollande défendent tout deux un projet de Small Business Act Copyright AFP
Depuis son entrée en vigueur en 2009, le dispositif inscrit dans la Loi de modernisation de l'Économie censé inciter l'État à réserver une partie de ses achats numériques aux PME n'a jamais été utilisé. Quand il le fait malgré l'absence de contrainte, c'est pour choisir des SSII par nature peu innovantes, et donc peu à même de développer la filière.

Ils sont au moins d'accord sur un point. François Hollande et Nicolas Sarkozy ont fait du Small Business Act l'une des pistes pour donner un coup de fouet à l'économie numérique. « L'accès des PME et des entreprises innovantes aux marchés publics sera assuré », explique François Hollande dans la lettre adressée au secteur. « Je propose un Small Business Act, par lequel 25% de ces commandes publiques seront réservées à des PME », lance pour sa part Nicolas Sarkozy dans son propre programme.

Et tous deux de se référer au « Small Business Act » à l'américaine qui a prouvé son efficacité sur le tissu économique local. Las, la France n'est pas les Etats-Unis, et les mesures mises jusque là en place se sont révélées inefficaces. C'est l'une des conclusions du rapport de l'inspection générale des finances sur le financement de l'innovation dont La Tribune révélait les grandes lignes la semaine dernière. Ainsi, en 2009, est entré en vigueur un article inscrit dans le cadre de la Loi de modernisation de l'Economie (LME) permettant aux administrations de réserver aux PME une partie des marchés publics liés au numérique. Les bénéficiaires devaient être des entreprises innovantes, qui consacraient 15% de leurs dépenses à la R&D, ou qui avaient obtenu cette qualification auprès d'Oseo.

Les pouvoirs publics n'ont jamais utilisé le dispositif créé en 2009
Trois ans plus tard, le bilan est sans appel. Ce dispositif « n'a jamais été utilisé par les acheteurs publics », indique le rapport. Première explication : l'acheteur ne sait pas lorsqu'il lance l'appel d'offres si une PME sera en mesure de lui proposer le prix le plus attractif.

De toutes façons, le potentiel des commandes d'Etat est limité
Ensuite, le potentiel des commandes d'Etat dont peuvent bénéficier les PME dans le numérique est relativement faible. Tour d'abord, l'achat public dans l'économie numérique concerne l'informatique et la technologie (matériel, logiciels, prestations et services informatique) soit un total d'environ 4 milliards d'euros. Cette somme, qui exclut les dépenses militaires et comprend l'Etat et les collectivités locales, reste marginale comparée au « chiffre d'affaires du logiciels et des SSII qui était de 42 milliards d'euros en 2011 », note le rapport.

Les principales bénéficiaires des commandes publiques sont les SSII
Surtout, les PME ne peuvent viser qu'une toute petite part du gâteau, en l'occurence les prestations de services informatiques, qui pèsent 669 millions d'euros seulement. Elles sont en effet de facto exclues d'autres domaines comme les infrastructures, les ordinateurs, ou les photocopieurs, qui restent l'apanage de grands acteurs. Et sur les 669 millions de marché public disponibles, elles ne récoltent "que 230 millions d'euros seulement", indique le rapport. De fait, l'acheteur public fait d'abord appel aux poids lourds du secteur.

D'une manière générale, le Small Business Act n'est pas un procédé à même de soutenir la filière du numérique dans son ensemble, note le rapport. Car, non seulement les PME sont peu présentes dans le secteur, mais en outre, les principales bénéficiaires - les SSII - sont par essence peu innovantes, car la plupart ne créent rien mais intégrent des solutions. Ce n'est donc pas en les soutenant que l'on favorisera l'innovation.

« Les achats publics avant commercialisation »

Du coup, les hauts fonctionnaires  recommandent de recourir aux « Achats publics avant commercialisation » (APAC) qui consiste, pour le service public, à acquérir en amont les premiers produits issus de de R&D d'une entreprise avant son lancement commercial. L'Etat devient alors le premier utilisateur de la technologie ainsi développée. C'est ce qu'il s'est passé dans certains pays européens avec l'utilisation de la puce RFID dans les transports ou le paiement. « Actuellement aucun Apac n'a été conclu en France, même si législation française ne l'interdit pas », note le rapport qui précise qu'aux Etats-Unis, les départements fédéraux ont pour obligation de consacrer entre 2,2 et 3 millards d'euros par à ce type d'achats.