Très haut débit : le plan de financement public remis en cause

L'Inspection générale des finances pointe du doigt le projet du Grand Emprunt d'octroyer 900 millions d'euros aux collectivités locales. Il met aussi en doute la faisabilité des objectifs du gouvernement qui veut couvrir 70% du territoire par la fibre à l'horizon 2020.
François Fillon présentant le plan Très haut débit en janvier 2010. Copyright AFP.

Faut-il absolument financer le développement du très haut débit partout en France ? S'y prend-on bien ? L'Inspection générale des finances s'est attaquée à cette épineuse question, sortant du cadre stricto sensu imposé par la mission. Les conclusions de son rapport, remis en janvier et dont rien n'a filtré, ont immanquablement chagriné le ministre de l'Industrie et de l'Economie numérique, Eric Besson, à l'heure où le gouvernement n'a de cesse de pousser le développement de la fibre optique. Il faut dire que les inspecteurs ont mis en doute le modèle économique du très haut débit, remis en cause le calendrier du gouvernement et les modalités d'investissements.

L'impact économique et le réalisme des objectifs mis en doute

Première mise en garde : « la corrélation n'est pas systématique entre le niveau de modernisation des infrastructures et la performance de l'économie numérique », indique le rapport qui invite à prendre avec prudence les estimations de gains de productivité émis par les différents cabinets de conseil. Et de citer à titre d'exemple, McKinsey, qui estime qu'une hausse de 10% de la pénétration du haut débit dans les ménages augmenterait le PIB de 0,1 à 0,3%. Ensuite, l'IGF estime que l'objectif de couverture de 70% du territoire en 2020 du gouvernement ne pourra être tenu, mais serait atteint au mieux 10 ans plus tard. D'abord parce qu'il nécessiterait « environ 6 milliards d'euros d'aides publiques », soit au minimum 4 milliards de plus qu'aujourd'hui. Pourtant, sur le papier, avec une enveloppe de 2 milliards d'euros, l'investissement public est sensiblement plus élevé qu'ailleurs, l'Allemagne ayant investi 300 millions d'euros, le Royaume-Uni 920 millions et le Japon 600 millions.

D'autres solutions moins onéreuses que la fibre en zones peu denses, comme le VDSL

Il est prévu dans le cadre du Grand emprunt que les collectivités locales disposent de 900 millions pour couvrir les zones peu denses. Mais pour l'IGF, il faut « remettre en cause » ces crédits, soit « potentiellement plusieurs centaines de millions d'euros ». Problème : pour utiliser ces fonds, les collectivités territoriales doivent trouver des partenaires qui apportent les deux tiers de la somme. Elles peuvent elles-mêmes injecter des fonds, faire appel à des opérateurs privés, voire les deux. Mais l'équation est compliquée, dans la mesure où le modèle économique du très haut débit est difficile à trouver dans les zones peu denses. D'autant que les collectivités locales connaissent des difficultés financières. Du coup, l'IGF suggère soit de baisser ces crédits, soit de les redéployer « au profit d'un autre instrument de financement du numérique ». Par exemple, le FSN pourrait être réorienté « sur les zones les plus denses » et, tandis que d'autres technologies que la fibre optique, comme des « solutions VDSL moins onéreuses pour les finances publiques » pourraient être privilégiées.

Le milliard de prêts bonifiés aux opérateurs n'est pas touché

En revanche, le rapport ne touche pas au milliard d'euros de crédit mis à la disposition des opérateurs sous forme de prêts bonifiés. Il se contente de souligner qu'ils n'ont constaté « qu'aucune restriction de crédit des banques n'ait été statistiquement établie dans le très haut débit». De fait, même si une première tranche de 300 millions d'euros a été ouverte, les opérateurs, de France Télécom à SFR, Free et Bouygues Telecom, ont conclu des accords de co-investissements et n'ont pas touchés à ces prêts d'Etat. Aucun ne voit la nécessité d'y recourir.

Concernant les 100 millions d'euros destinés à soutenir le développement des technologies satellitaires dans les zones les plus difficiles d'accès, le rapport indique quand même que « les solutions satellitaires ne sont pas suffisamment matures » et qu'il ne faut pas s'attendre à « une offre commerciale compétitive avant 10 ans ». Il conseille aussi « d'accompagner d'une intervention publique d'un montant de 270 euros par abonné pour assurer l'attractivité de l'offre ».
 

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Commentaires 5
à écrit le 21/02/2013 à 11:00
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le trés haut débit pour tous pour dans 10 ans !!!!!!! , mais c'est le temps qu'ils vont mettre , rien que en discuter . Dans bien des secteurs il y a encore du 56 k et beaucoup comme moi sommes bien heureux d' avoir enfin , aprés 10 ans de bas débit ...

à écrit le 25/04/2012 à 19:02
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@ Belle erreur En quoi est-ce que c'est faux de parler des sujets numériques dans toute leur diversité ? En gros, ils disent que la fibre c'est bien mais ça ne veut pas dire qu'il faille la mettre partout !

à écrit le 25/04/2012 à 14:41
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Et bien peut dire que l'IGF ne sait pas de quoi elle parle. Tout est mélangé dans ces conclusions : technologies, acteurs public et privé, HD/THD, etc.. Ça ne mange pas de pain de recompter n'importe quoi ;-) Exemple grotesque avec le satelite ou le...

à écrit le 20/04/2012 à 14:38
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Alléluia!! L'IGF vient de faire un piqure de bon sens et a travaillé un peu le sujet! L'esprit de Ph. Seguin se serait-il propagé, tel un virus bénéfique, depuis la rue Cambon?? Espérons le!

le 20/04/2012 à 16:49
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Du bon sens, en quoi privilégier les zones urbaines est du bon sens? N'est ce pas l'inverse qu'il faudrait faire, cibler les campagnes avec du FTTH, là ou l'appétence est la plus forte et laisser les privés s'occuper des villes?!... A moins de consid...

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