Dailymotion : un oukase à très hauts risques

Par Jacques Rosselin  |   |  344  mots
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En mettant fin de fait aux négociations entre Orange et Yahoo! pour donner une nouvelle envergure à Dailymotion, l'une des rares pépites de l'internet français qui puisse prétendre à un développement mondial d'envergure, Bercy, plus précisément Arnaud Montebourg, s'est mis dans un piège dangereux. Jacques Rosselin est entrepreneur de médias et ancien directeur de la rédaction de La Tribune.

Ceux qui déplorent que "l'Etat ne puisse pas tout" ont une raison de se réjouir aujourd'hui : Arnaud Montebourg, un des nombreux ministres de Bercy, a bloqué le rachat de Dailymotion par Yahoo!. Alors qu'ils désespéraient de voir un jour relocaliser des entreprises, remettre en oeuvre une politique industrielle, renaître des filières, voir éclore mille nouveaux pôles d'excellence, les voilà rassurés : quand l'Etat peut, l'Etat veut. Sauf qu'en l'espèce, cet oukase de Montebourg pose problème.


Tout d'abord, il nous révèle que la stratégie "industrielle" d'Orange pour sa récente acquisition se réduit à celle de l'adossement à un autre grand groupe, en clair de la revente (sans doute avec une plus-value). C'est maigre. On est plus habitué à ces opérations chez les fonds que chez les industriels. Ensuite, le retrait de Yahoo de la table des négociations en dit long sur la gouvernance d'Orange. Son patron a beau se récrier dans la presse et sauter sur sa chaise comme un cabri en invoquant son indépendance, les faits sont là : il a suffit qu'Arnaud Montebourg hausse le ton pour que les discussions entamées par Stéphane Richard sur la vente à Yahoo! d'une de ses filiales cessent. Malgré sa position minoritaire  chez France Télécom (27% du capital dont la moitié détenus par le FSI), c'est bien Bercy qui dirige Orange. De quelle manière ? Son pouvoir est-il juridique ? Politique ? Mystère.


Le français Dailymotion, comparé à son concurrent Youtube reste un nain. A défaut d'une stratégie de développement de son nouveau propriétaire Orange, que l'on pourrait attendre de la part d'un grand du secteur, l'adossement ou la revente à Yahoo! aurait été tout de même un moyen de lui donner une dimension, sinon comparable, du moins internationale. On espère pour notre "pépite du Net" qu'Arnaud Montebourg, champion de la politique industrielle, avait toute prête dans ses tiroirs une stratégie de substitution. Sinon, son oukase risque de déboucher sur un sabotage.