IP tracking : malgré la multiplication de faits avérés, l'exécutif reste évasif

Par Adeline Raynal  |   |  780  mots
Une enquête conjointe de la CNIL et de la DGCCRF a été ouverte le 13 juin 2013. Elle est toujours en cours.
L'utilisation par des sites de la technique consistant à tracer l'adresse IP des internautes pour leur réserver des prix différenciés, "à la tête du client", n'est toujours pas formellement prouvée malgré de nombreux faits avérés. Des parlementaires se mobilisent pour faire avancer le débat, mais les ministres demeurent prudents dans leurs réponses et attendent les résultats de l'enquête conjointe entre la CNIL et la DGCCRF.

L'IP tracking est-il utilisé pour faire varier des prix à la tête du client? Bien que le sujet passionne depuis le mois de janvier, la question est loin d'être tranchée. En tout cas par les autorités compétentes. Et elle risque de ne pas l'être tout de suite...

Certes, une enquête conjointe de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est en cours depuis le 13 juin, suite notamment à la saisie des autorités européennes puis françaises par l'euro-députée socialiste Françoise Castex. Certes, l'UMP et l'UDI ont proposé deux amendements au projet de loi sur la consommation fin juin. Mais pour l'instant, ni l'une ni l'autre de ces initiatives n'ont réellement abouti.

"L'enquête est toujours en cours, elle a été élargie pour vérifier si des pratiques commerciales trompeuses ne sont pas commises et ne devrait pas être terminée avant la fin de l'année" confie-t-on en substance du côté de la DGCCRF. Quant aux deux amendements 710 et 711, ils ont été rejetés par l'Assemblée nationale sans même avoir été débattus, faute de porte-parole, comme le rapportait Clubic à l'époque.

Trois questions écrites pour alerter le gouvernement

Au cœur de l'été, une députée et un sénateur se sont à leur tour saisis du dossier en adressant au gouvernement deux questions écrites par le biais du Journal Officiel (JO). Celle de Dominique Orliac d'abord: la députée du Lot a sollicité Benoît Hamon, le ministre de l'Économie sociale et solidaire le 13 août. Elle qualifie alors le traçage de l'adresse IP de méthode de "vente forcée par une variabilité incitative sur les prix" et lui demande "d'envisager des mesures rapides et efficaces pour mieux protéger les consommateurs". Notons que le député PS de Paris Pascal Cherki avait déjà adressé une question écrite au ministre chargé de l'Économie sociale et solidaire à ce sujet en avril.

De son côté, le sénateur de l'Essonne Jean-Vincent Placé (EELV) interpelle la ministre de l'Économie numérique Fleur Pellerin via une question écrite publiée le 29 août dernier au JO.  

Il lui demande ce qu'elle compte mettre en œuvre pour enquêter sur ce sujet et encadrer l'IP tracking, qualifiant ces pratiques de "scandaleuses" et qui "portent atteinte aux données personnelles de l'internaute et peuvent être qualifiées de concurrence déloyale".

Pour l'heure, seul Benoit Hamon a répondu, non sans rester quelque peu évasif. Il rappelait le 3 septembre qu'une enquête de la CNIL était en cours, et fait remarquer que "les enjeux apparaissent de trois ordres : la collecte des données personnelles des consommateurs, la difficulté de maintenir une information loyale sur les prix pratiqués et le risque de pratiques discriminantes à l'égard de certains consommateurs". Jusqu'ici rien de neuf. Sur le premier point, il s'en remet à l'enquête de la CNIL. Pour le reste, il insinue que des " pratiques commerciales déloyales et trompeuses" sont possibles, sans les confirmer.

Puis, Benoit Hamon soutient: "s'agissant des pratiques commerciales visant à faire varier les prix en fonction de divers critères, telles le "yield management", celles-ci sont déjà répandues dans le secteur des services et en particulier s'agissant des voyages, et ne présentent pas nécessairement de liens avec un éventuel traçage de l'adresse IP des internautes"

En Belgique aussi, ça bouge

En bref, le ministre reconnait des abus potentiels, mais n'évoque pas de mesures à venir pour encadrer l'IP tracking. Sollicité, l'entourage de Fleur Pellerin n'a pour l'instant pas donné suite à nos demandes. La ministre n'a pour l'heure pas encore adressé de réponse à Jean-Vincent Placé.

Faire "bouger" l'exécutif sur cette question semble donc prendre du temps. Mais une chose semble certaine, le dossier brûlant du traçage des adresses IP préoccupe non seulement en France mais aussi à l'étranger. En Belgique par exemple, l'euro-député socialiste Marc Tarabella a lui aussi interpelé la Commission européenne le 3 septembre à ce propos. "La première étape au niveau européen c'est de demander à la Commission européenne qu'elle reconnaisse que l'arnaque existe. Et après prendre les mesures qui s'imposent, essayer d'identifier ces arnaqueurs par internet et évidemment leur imposer des sanctions à la hauteur du préjudice. C'est pour ça qu'il y a donc une nécessité d'avoir une législation européenne adapté" fait-il valoir. 

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