Cryptomonnaies : Meta (Facebook) cède à la pression des régulateurs et abandonne le Diem

Par latribune.fr  |   |  895  mots
Le projet est d'autant plus stratégique qu'il promettait potentiellement d'échanger des biens et d'acheter des services dans le futur metaverse de la firme de Mark Zuckerberg. (Crédits : ERIN SCOTT)
Après des années de recherche et développement, la firme de Mark Zuckerberg jette finalement l'éponge sur son projet de monnaie numérique. Son potentiel devait pourtant s'inscrire dans la vision de son "Metaverse" et des échanges décentralisés pour des membres évoluant dans ses univers virtuels. L'association basée en Suisse et porteuse du projet va être démantelée.

C'est le deuxième recul de taille de Facebook, rebaptisé Meta, en deux ans. Après le projet avorté en 2019 du Libra, cette cryptomonnaie qui réunissait d'autres acteurs d'Internet et des paiements (PayPal, Visa, Mastercard) autour du réseau social, c'est au tour de son successeur, le Diem, d'être enterré. Sur le site de cette association créée par le géant, un communiqué annonce la revente de ses droits de propriété intellectuelle et d'autres actifs à la banque californienne Silvergate Capital Corporation pour 182 millions de dollars. Ce projet de monnaie numérique, dont la promesse était de bâtir un monde plus inclusif grâce à la technologie de la blockchain, n'a pas obtenu les garanties nécessaires de la part des régulateurs financiers américains, laisse-t-il entendre.

En décembre, le projet avait déjà pris du plomb dans l'aile avec le départ de David Marcus, l'emblématique dirigeant du projet de cryptomonnaie de Meta. Transfuge de la division Messenger de Facebook, sa feuille de route était de bâtir une "stablecoin", soit une cryptomonnaie adossée au cours du dollars, capable d'être échangée au sein de l'univers Facebook et de tous les services affiliés. Pour être certaine de pouvoir créer cet écosystème, Diem devait obtenir des garanties des autorités qui préparent de nouvelles régulations sur ce secteur naissant de la finance décentralisée.

"Il était devenu évident au cours de nos discussions avec les autorités américaines que le projet ne pouvait pas avancer davantage", a justifié le directeur général de l'association Diem, Stuart Levey, dans un communiqué lundi.

Parallèlement, "nous avons activement recherché les commentaires des gouvernements et des régulateurs du monde entier, et le projet a considérablement évolué et s'est amélioré en conséquence", a relevé le responsable.

La perte du contrôle monétaire des Etats

Comme pour le projet Libra à l'époque, renommé Diem en 2020, le recul de Meta s'expliquerait par la dissuasion des autorités centrales qui n'entendent pas perdre aussi facilement le contrôle de la monnaie. Tandis que le Salvador vient de faire du bitcoin, la doyenne des cryptomonnaie une monnaie d'Etat légale permettant des échanges sans intermédiaires bancaires, le FMI a par exemple déconseillé à ce pays d'Amérique central d'utiliser cet actif comme une référence.

Le projet est d'autant plus stratégique qu'il promettait potentiellement d'échanger des biens et d'acheter des services dans le futur metaverse de la firme de Mark Zuckerberg. Alliant la réalité virtuelle et augmentée, la nouvelle vision du groupe se fond en effet sur ces nouveaux univers parallèles pour ses 2,8 milliards de membres.

Le pari était aussi prometteur puisqu'il surfait - comme les autres GAFA - sur l'explosion des cryptomonnaies, au nombre de 12.000 selon CoinGecko, et qui se sont bâties une véritable notoriété en pleine pandémie de Covid et face aux incertitudes liées à l'inflation sur les Bourses traditionnelles. Amazon, Google, Apple, PayPal, mais aussi Tesla du côté des Américains... les géants de la Tech se penchent sur ces nouveaux moyens d'échanges, en dehors des circuits bancaires traditionnels, sur tous les continents. Mais dans les pays où un pouvoir central contrôle l'économie, comme en Chine ou en Inde, l'activité des cryptomonnaies est désormais bannie.

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Conscient des préoccupations des régulateurs face à une devise gérée par une société privée, le groupe américain avait alors décidé d'en confier la gestion à une entité indépendante, basée à Genève (Suisse).

Le bitcoin dans le projet Diem

"Dès le départ, le projet Diem a cherché à exploiter les bénéfices de la technologie de la blockchain pour concevoir un système de paiement meilleur et plus inclusif", a souligné M. Levey lundi.

L'association est parvenue à construire et tester un système de paiements basé sur la technologie faisant aussi fonctionner le bitcoin, qui inclue des garde-fous contre son utilisation par des criminels, a-t-il affirmé.

Mais les discussions ont finalement achoppé et "la meilleure voie à suivre était de vendre les actifs du groupe Diem", a conclu M. Levey.

L'association et ses filiales vont commencer à se démanteler "dans les prochaines semaines", a-t-il précisé.

La France s'était officiellement opposée au projet du Libra en 2019. Le ministre français des Finances Bruno Le Maire avait pris position lors d'une conférence consacrée justement aux défis des cryptomonnaies de l'OCDE : "Dans ces conditions, nous ne pouvons pas autoriser le développement de la Libra sur le sol européen". Considérant que "la souveraineté monétaire des États était en jeu", il n'a pas hésité à qualifier de "systémiques" les risques que pourrait entraîner cette "privatisation éventuelle d'une monnaie (...) détenue par un seul acteur qui a plus de 2 milliards d'utilisateurs sur la planète".

Pour faire face à cette déferlante des cryptomonnaies, dont le marché global est estimé à plus de 2 milliards de dollars, les banques centrales des Etats travaillent d'ailleurs à bâtir leur propre monnaie numérique s'échangeant via le grand registre de comptes de la blockchain.

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(Avec AFP)