Facebook est "un menteur pathologique sans moralité" pour la Cnil néo-zélandaise

Par François Manens  |   |  736  mots
Pour le commissaire néo-zélandais de la vie privée John Edwards, "on ne peut pas faire confiance à Facebook" (Crédits : Ralph Orlowski)
Le commissaire de l'équivalent néo-zélandais de la Cnil, John Edwards, s'est violemment attaqué à Facebook, dimanche 7 avril. Alors que la diffusion en direct de l'attentat de Christchurch sur le réseau social a fait le tour d'Internet, le commissaire estime que Facebook ne prend pas ses responsabilités.

« On ne peut pas faire confiance à Facebook. Ce sont des menteurs pathologiques sans moralité qui permettent des génocides (Birmanie), et facilitent l'ingérence étrangère dans des institutions démocratiques », a asséné John Edwards, commissaire de l'institution néo-zélandaise de défense de la vie privée, sur son compte Twitter, en référence à la crise des Rohingyas en Birmanie et à l'ingérence russe en faveur de Donald Trump en 2016 aux États-Unis via les réseaux sociaux.

Cette attaque sans filtre intervient à la suite de la diffusion en direct sur Facebook, mi-mars, du meurtre de 50 personnes musulmanes à Christchurch, par le terroriste. Le responsable néo-zélandais de la protection des données personnelles ne décolère pas :

« [Ils] permettent la diffusion en direct de suicides, de viols et de meurtres, ils continuent d'héberger et de publier la vidéo de l'attaque de la mosquée, ils permettent aux publicitaires de cibler les "anti-juifs" et d'autres segments de marché haineux, et ils refusent d'accepter une quelconque responsabilité pour les contenus qu'ils diffusent ou les torts qu'ils causent », tempête-t-il.

« They #DontGiveAZuck » a-t-il conclu, détournant l'expression "don't give a fuck", qui signifie "s'en foutre", pour y associer le diminutif de Mark Zuckerberg . Il a ensuite supprimé ces deux posts à cause des messages « toxiques et mal informés » qu'il a reçu dans la foulée.

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Zuckerberg ne compte pas modifier Facebook Live

John Edwards a tenu ces propos en réaction à l'interview de Mark Zuckerberg, la première au sujet des attentats depuis les faits, sur la chaîne américaine ABC. Le commissaire néo-zélandais promeut l'instauration d'un décalage entre l'émission et la diffusion des Facebook Live, afin que la modération du réseau social puisse avoir le temps de retirer le contenu si besoin. Mais le président de Facebook a refusé d'envisager l'instauration d'un tel délai sur les diffusions en direct. Sa justification : un délai pourrait "casser" le service, qui est utilisé comme mode de communication pour des événements comme les anniversaires. Pour lui, ce sont des "mauvais acteurs" plutôt qu'une "mauvaise technologie" qui sont à l'origine de problèmes comme la diffusion de l'attentat contre la mosquée de Christchurch.

Sur Radio New Zeland, Edwards a balayé les arguments de l'Américain en pointant l'impuissance du réseau social à réagir vite : « Il ne peut pas nous dire, ou ne veut pas nous dire, combien de suicides, de meurtres, d'agressions sexuelles sont diffusées en direct sur la plateforme ». Le 3 avril, Facebook avait concédé qu'aucun dispositif permettant d'empêcher une diffusion similaire à celle de Christchurch n'avait été mis en place.

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La vidéo de l'attentat, filmée par le meurtrier australien Brenton Tarrant, et diffusée en direct pendant 17 minutes, avait été retirée rapidement par Facebook, après que 4.000 personnes l'aient vue. Mais dans les 24 heures qui ont suivi l'attaque, la plateforme avait dû retirer plus de 1,5 millions de copies de la vidéo, et empêcher presque autant de téléchargements.

En réaction à l'attentat, le gouvernement néo-zélandais a légiféré sur le port d'arme, mais ne s'est pas encore penché sur les réseaux sociaux. Son voisin australien a déjà voté une loi, qui exige le retrait des contenus haineux sous un délai d'une heure et se réserve le droit de punir pénalement les dirigeants locaux des réseaux sociaux. Le ministre australien de la justice, Christian Porter, a même déclaré, au sujet des attentats:

« Il est totalement déraisonnable que ces contenus puissent rester sur ce site plus d'une heure sans qu'ils n'agissent. (...) Cette loi devrait prévenir ce genre d'événements, et le criminaliser, en plus d'offrir au gouvernement une possibilité de réponse quand une organisation comme Facebook laisse ce genre de diffusion en direct pendant longtemps sur leur plateforme ».