Loi Renseignement : les opposants sur le front avant le vote

Par latribune.fr  |   |  722  mots
Dans la soirée de lundi, une manifestation a été organisée, non loin de l'Assemblée, avec 18 organisations, des syndicats aux magistrats en passant par les journalistes.
Les députés votent ce mardi sur le projet de loi renseignement, largement décrié par de nombreux opposants. Le Premier ministre Manuel Valls a appelé "au sens de l'État" des députés, qui devraient en majorité voter pour le texte.

La lutte contre le terrorisme promue au dépend des libertés individuelles ? C'est ce que dénoncent les détracteurs du projet de loi renseignement, qui vise notamment à légaliser les pratiques clandestines des services de renseignement. Le texte est présenté ce mardi 5 mai à l'Assemblée nationale par le Premier ministre lui-même, après en avoir référé au groupe socialiste où certains élus ont fait part de leurs réticences.

Préparé depuis plus d'un an par le président PS de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, le texte a été revu au lendemain des attentats qui ont fait 17 morts début janvier.

Ce que prévoit le texte

  • Le projet de loi renseignement prévoit que les opérateurs télécoms, les hébergeurs et les réseaux du net devront installer des "boites noires" destinées à filtrer les communications.
  • Les services de renseignement pourront utiliser des "valises espionnes" jusqu'ici réservées à la justice et qui permettent de capter des conversations dans un rayon de 500 mètres.
  • De plus, et contre l'avis de la ministre de la Justice Christiane Taubira, les agents de l'administration pénitentiaire pourront utiliser en prison des techniques de renseignement.

De nombreux détracteurs en France et en Europe

La veille du vote, une réunion s'est tenue dans la matinée, rassemblant plusieurs organisations de défense des libertés individuelles comme Amnesty International et des formations politiques comme Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Et dans la soirée, une manifestation a été organisée, non loin de l'Assemblée, avec 18 organisations, des syndicats aux magistrats en passant par les journalistes. L'objectif affiché des participants à la réunion était de convaincre les députés de ne pas voter ce texte, tous craignant la surveillance de masse des citoyens et des techniques "intrusives".

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, où siègent les législateurs de 47 pays, a publié le 21 avril les raisons de son opposition, s'estimant  "profondément préoccupée par les pratiques de surveillance massive révélées depuis juin 2013" par Edward Snowden. Le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), "gendarme" des écoutes, ainsi que la Commission consultative des droits de l'Homme (CNCDH) font également également partie des détracteurs de ce texte. Quant à la CNIL (Commission nationale Informatique et Libertés), elle reste réservée sur le projet de loi gouvernemental, et c'est un euphémisme.

Du côté des professionnels, si les hébergeurs de données ne menacent plus de délocaliser, le Syntec Numérique, fédération du secteur numérique regroupant près de 1.500 entreprises du secteur, a rappelé lundi sur France Info son opposition à toute "écoute systématique et de masse".

Un vote assuré

Après deux semaines d'examen des plus de 350 amendements, le projet de loi devrait toutefois être probablement adopté. Le Premier ministre Manuel Valls, qui a assisté au début et à la fin de l'examen du texte en séance, a lancé des appels en faveur d'un vote le plus large possible en appelant au "sens de l'État" des uns et des autres.

Les groupes écologistes, Front de gauche, ainsi que quelques socialistes devraient toutefois voter contre ce texte, de même que des élus UMP comme Lionel Tardy et l'ancien conseiller spécial de l'ex-président Nicolas Sarkozy, Henri Guaino. Les deux élus du Front national ont quant à eux fustigé un "flicage généralisé". Et si les députés UMP Thierry Solère et Philippe Juvin ont saisi lundi la Commission européenne, jugeant que le texte"viole" la Charte des droits fondamentaux de l'UE, de nombreux députés du premier parti d'opposition devraient voter en faveur du texte, suivant la position de Nicolas Sarkozy.

Le Sénat devrait examiner le projet de loi en juin. Le gouvernement a décidé d'appliquer la procédure dite "accélérée", qui réduit le nombre de navettes entre les deux assemblées, afin que le texte soit définitivement adopté en juillet, avant la pause estivale. Face au tollé, François Hollande a annoncé qu'il saisirait le Conseil constitutionnel dès l'adoption définitive du texte par le Parlement, ce qui constitue une première.

(Avec AFP et Reuters)