Le très fort coup de pression de SFR sur Canal+

Par Pierre Manière  |   |  763  mots
Michel Combes, DG d'Altice et PDG de SFR.
L'opérateur au carré rouge multiplie les emplettes dans les médias et les contenus. Du cinéma en passant par le sport et le divertissement, SFR a considérablement étoffé son offre ces derniers mois, se positionnant comme un concurrent de plus en plus sérieux face à la chaîne de Vincent Bolloré.

Impossible, désormais, de douter des ambitions de Patrick Drahi dans les médias et les contenus. Via SFR, société fille de son groupe Altice, le milliardaire multiplie les emplettes dans le cinéma, le sport et le divertissement. Il se positionne aujourd'hui comme un concurrent très sérieux à Canal+, qui essuie par ailleurs des difficultés dans l'Hexagone. Son dernier coup ? Ce mardi, l'opérateur au carré rouge a soufflé à Canal+ l'exclusivité des chaînes Discovery et NBCUniversal (13ème rue, Syfy, E!). Dans le même temps, et en guise de pied de nez à la chaîne de Vincent Bolloré, SFR veut aussi, comme le fait déjà son rival, lancer une offre de télévision par satellite début 2017.

Bref, le groupe Altice (maison-mère de SFR), "devient l'un des grands financeurs des contenus" en France et à l'international, a déclaré jeudi à l'AFP Michel Combes, DG d'Altice et PDG de SFR. Depuis qu'il a fait des médias et des contenus le fer de lance de sa stratégie, le groupe n'hésite pas à faire flamber le chéquier. D'après une source proche du dossier citée par l'agence française, le rachat des chaînes Discovery lui coûte environ 30 millions d'euros par an. C'est à dire deux fois ce que payait Canal+. Aujourd'hui, Altice débourserait quelque 3 milliards d'euros dans les contenus. Essentiellement en France, mais aussi en Israël, au Portugal et aux Etats-Unis, où il est également opérateur de télécommunications.

Convergence entre médias et télécoms

Altice, qui mise sur la convergence entre les médias et les télécoms pour se différencier de ses rivaux Orange, Free et Bouygues Telecom, a commencé à s'attaquer au gagne-pain de Canal+ il y a tout juste un an. En novembre 2015, le groupe a mis la main sur les droits de la Premier League, le très réputé championnat de foot anglais, au nez et à la barbe de la chaîne de Vincent Bolloré. Pour décrocher la timbale, Patrick Drahi a cassé la tirelire, déboursant quelques 300 millions d'euros pour la période 2016-2019. A comparer avec les 62 millions payés jusqu'alors chaque année par Canal+.

Depuis, les achats se sont accélérés. Le mois dernier, SFR a passé un accord d'exclusivité avec la Fédération française d'athlétisme. Celui-ci porte sur tous les droits de l'athlétisme hexagonal (piste, running, équipe de France) et sur la totalité des moyens de diffusion jusqu'aux JO de 2020. Dans la foulée, Altice a signé avec la Fédération anglaise de rugby un partenariat similaire pour permettre à SFR de diffuser certains matchs de l'équipe d'Angleterre pendant quatre ans. Il y a peu, l'opérateur au carré rouge a même affirmé qu'il développerait lui-même des œuvres, via, notamment, un studio maison dédié aux films et aux séries.

Les médias, un aimant à clients

La bagarre entre Canal+ et SFR est aussi une histoire d'hommes. Récemment, l'ancien patron emblématique de la chaîne cryptée, Bertrand Méheut, a été nommé vice-président du conseil d'administration de SFR !

Pour l'opérateur, la stratégie est claire: disposer d'une offre globale dans l'information (via ses médias RMC, BFM, Libération, L'Express...), le sport (via son bouquet SFR Sport, par ailleurs disponible depuis peu en OTT), et le divertissement (avec la production et la diffusion de films et de séries). L'état-major de l'opérateur au carré rouge en est convaincu : les contenus à valeur ajoutée sont une arme pour conserver les clients des télécoms et en conquérir de nouveaux, au-delà de son marché traditionnel. Même si, pour l'heure, SFR essuie une passe difficile, après avoir perdu plus de 2 millions d'abonnés depuis fin 2014, la faute à un réseau dégradé.

Canal+ contraint de casser les prix

Pour Canal+, l'arrivée de cette concurrence, en plus de celle des Netflix et autres services de VOD sur la Toile, est une mauvaise nouvelle. Elle renchérit les prix des droits, tout faisant apparaître une porte de sortie à ses clients - dont beaucoup, ces derniers mois, ont déjà mis les voiles. En réaction, la chaîne de Vincent Bolloré s'est notamment résolu, fin septembre, a casser les prix de son offre CanalSat pour la proposer aux clients d'Orange et de Free grâce à des partenariats. Le bras de fer entre les deux groupes n'en est qu'à ses débuts. Il s'annonce féroce.