Matthieu Pigasse sera-t-il le « sauveur » d’iTélé ?

Par Pierre Manière  |   |  650  mots
Matthieu Pigasse est déjà propriétaire des Inrocks, de Radio Nova, et est co-actionnaire du groupe Le Monde.
Déjà propriétaire des Inrocks, de Radio Nova et actionnaire du groupe Le Monde, l’homme d’affaires serait prêt, selon Les Jours, à s’offrir la chaîne d’infos si elle était mise en vente. En attendant, les salariés d’iTélé poursuivent leur grève et leur bras de fer avec la direction, qui fait son possible pour imposer Morandini, l’apôtre de la « trash-TV », à l’antenne.

Et si c'était lui, le « sauveur » d'iTélé ? D'après Les Jours, Matthieu Pigasse serait prêt à racheter la chaîne d'infos du groupe Canal+ (Vivendi), si elle était mise en vente par Vincent Bolloré. Pour mettre la main sur iTélé, le directeur de la banque d'affaires Lazard pourrait pousser deux leviers, précise le journal en ligne :

« Le banquier d'affaires pourrait postuler soit au nom de LNEI, Les Nouvelles Éditions indépendantes au sein desquelles il détient notamment Les Inrockuptibles et Radio Nova, soit via Le Monde Libre, la structure où, associé à Xavier Niel et Pierre Bergé, il contrôle le groupe Le Monde. L'un ou l'autre, voire les deux entités associées, mais pas Mediawan, le fonds d'investissement qu'a récemment lancé Pigasse et dont on attend toujours le premier deal. »

« Pas de négociations »

Pour Matthieu Pigasse, l'actuel bras de fer entre les salariés d'iTélé et Vincent Bolloré pourrait lui permettre de négocier une substantielle ristourne. Pour l'heure, la défiance est totale entre les deux parties. Lors d'une « réunion d'échanges » avec les salariés mercredi, la direction n'a pas bougé sa position d'un pouce. « En fait il n'y a pas de négociations. La direction joue l'enlisement, elle dit non à tout, sauf peut-être donner une pincée de plus pour ceux qui veulent partir », a déploré un journaliste de la chaîne à l'AFP. Résultat, les salariés ont rempilé pour une onzième journée de grève ce jeudi. Et vendredi, il ont décidé de prolonger le mouvement jusqu'à lundi.

Outre la mise à la porte de l'apôtre de la « trash-TV » Jean-Marc Morandini, mis en examen pour « corruption de mineur aggravée », que Vincent Bolloré veut à tout prix imposer à l'antenne, les journalistes demandent une charte éthique pour garantir leur indépendance et faire leur travail correctement. Concrètement, ils s'inquiètent que la chaîne se mue en une espèce de « Fox News » (du nom de la sulfureuse chaîne américaine) à la française. En plus, les salariés veulent davantage de moyens pour relancer la chaîne, dont les pertes vont crescendo. Des revendications, pour l'heure, balayées par Vivendi.

iTélé s'affaiblit

Reste que, dans ce climat délétère, iTélé s'affaiblit. La chaîne, qui ne diffuse plus d'émissions en direct depuis lundi, a vu sa part d'audience s'effondrer à 0,3%, contre 1% en moyenne en temps normal, selon les chiffres de Médiamétrie. Une situation qui profite directement à ses concurrents BFM-TV et LCI, dont les audiences ont ainsi bondi à 2,7% et 0,6% mercredi.

Dans ce contexte, Vincent Bolloré serait-il dorénavant prêt à vendre iTélé ? Et si oui, à quel prix ? Au printemps dernier, Mediapart assurait que Vincent Bolloré était prêt à se séparer de la chaîne, évoquant déjà parmi les potentiels repreneurs le trio Niel-Pigasse-Bergé à la tête du groupe Le Monde. Dans la foulée, Libération en avait remis une couche, précisant que le prix de vente était même fixé à 200 millions d'euros. Dans un entretien aux Echos, Vincent Bolloré avait pourtant démenti cette perspective :

« Il ne faut pas vendre iTélé, mais, au contraire, la garder et la redéployer en utilisant les forces de Vivendi et de Canal : on peut y couvrir plus de sport, plus de cinéma, plus de culture, plus d'économie, plus d'international. Il faut se démarquer de la concurrence en jouant sur nos forces. »

Mais si le conflit entre iTélé et la direction continue de s'enliser, il n'est pas dit que Vincent Bolloré, qui a montré chez Canal+ qu'il ne portait pas l'information dans son cœur, ne cherche à se séparer d'un actif frondeur et déficitaire. Matthieu Pigasse, qui n'a jamais caché qu'il souhaitait se renforcer dans les médias, pourrait, qui sait, saisir la balle au bond.